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Ludwig II, une superproduction superficielle

Publié le 18 décembre 2012 par Luc-Henri Roger @munichandco
Ludwig II, une superproduction superficielleLes réalisateurs Peter Sehr et Marie Noelle ont choisi de raconter la vie de Louis II de Bavière à partir du moment de la mort de son père qui l'a prématurément porté sur un trône qu'il ne désirait pas et auquel il n'était pas préparé jusqu'au moment de son internement et de sa mort par noyade dans le lac Starnberg. L'éducation du futur Roi est à peine évoquée par quelques brèves scènes qui précèdent immédiatement la mort du roi Maximilien II de Bavière. Le film fait aussi l'impasse sur deux périodes de la vie de Louis II escamotées par des mentions écrites: trois ans plus tard, pour la première, et quatorze ans plus tard pour la seconde, deux mentions qui oblitèrent tous les combats du Roi bâtisseur.
La superproduction des studios Bavaria et de la Warner Bross aurait coûté 15 ou 16 millions d'euros, une somme faramineuse au regard des coûts habituels du cinéma allemand. Le tournage s'est déroulé sur six mois, pour 70 jours de tournage, le double d'un film ordinaire. Le film a été notamment tourné in situ, autour et dans les fameux châteaux du Roi bâtisseur, et également à Versailles ou encore sur la place de l'Odéon à Munich. Il s'agit du sixième film consacré au Roi bavarois. Il arrive sur les écrans exactement 40 ans après la fameuse production de Luchino Visconti, Ludwig, sans hélas arriver à la cheville de ce monument du cinéma.
Louis II est toujours adulé par les Bavarois qui l'appellent affectueusement Kini. Il est devenu une figure mythique et légendaire que la Bavière ne manque jamais d'exploiter. C'est dire que cette nouvelle production était très attendue. Elle a d'ailleurs été lancée avec une pompe toute royale. L'acteur principal,  Sabin Tamprea, qui incarne le Roi jeune est arrivé le jour de la Première en carrosse doré en compagnie d'Hannah Herzsprung, l'actrice qui incarne Sissi. Glamour, faste et prestige, et ersatz de champagne à gogo. Le film insiste d'ailleurs beaucoup sur les fastes dont aimait être entouré le Roi, mais c'est là également un de ses défauts, la production pèche par le recours à un clinquant facile et qui est déjà surexploité. On a l'impression d'assister à un feuilleton télévisé, dont on retrouve d'ailleurs certains des procédés, comme par exemple le recours systématisé aux plans rapprochés sur les personnages, avec une psychologisation facile et outrancière. Les conditions de la  folie du roi, et de celle de son frère le prince Otto, sont installées dès les premières scènes dans lesquelles Louis apparaît d'emblée comme un être instable, labile et tourmenté, qui passe rapidement de l'agitation frénétique, passionnée et hystérique au renfermement sur soi qui tourne à l'effondrement et à la prostration. Sehr et Noëlle ont féminisé le jeune Roi en insistant sur son narcissisme extravagant, une manière de souligner une homosexualité impossible à vivre que le Roi lui-même essayera d'éloigner au moyen de rituels et d'invocations catholico-magiques. L'homosexualité n'est pas abordée de manière frontale, si ce n'est lors d'une brève scène de baiser avec le fidèle écuyer et ami Richard Hornig, mais elle est présente et visible dans le rapport avec Wagner, ou lorsque le Roi fait venir à lui un jeune chanteur qu'il oblige à chanter ses airs wagnériens favoris de jour comme de nuit. Malheureusement, les réalisateurs sont restés pudiques et discrets et la réalité déchirante de la sexualité tourmentée du Roi n'est finalement présentée que de manière brève et superficielle. Autre fil rouge, le rapport à l'eau, avec les traversées à la nage du lac Stanberg vers le refuge de l'île aux roses, et les préfigurations répétées d'une noyade quasi mystique. La mort du Roi n'est plus ici une énigme, les réalisateurs voient dans la noyade l'évasion finale d'un Roi qui se suicide dans une espèce d'union mystique pour n'avoir plus à souffrir et rejoindre le monde mythique qu'il a essayé de créer sa vie durant.
Rien de neuf sous le ciel bleu et blanc de Bavière dans ce film à la psychologie simplifiée et qui joue abondamment des décors et des costumes. Bien sûr la Bavière est jolie et les vues depuis ses sommets sont soufflantes, les jardins de Versailles et la façade d'Herrenchiemsee enchanteurs, la théâtre Cuvilliés une bonbonnière dorée comme les carrosses de Louis II, et Neuschwanstein se découpe sur la montagne comme un château de conte de fées. Mais nous le savions déjà, comme nous connaissions les tourments du Roi et l'histoire d'un Royaume de Bavière qui perd progressivement son indépendance. Si Marie Noelle et Peter Sehr ont eu le souci de l'authenticité dans la présentation des faits, des décors et des costumes, s'ils ont sans doute passé comme ils l'affirment huit années à le préparer en potassant les archives, il leur manque la vision, le point de vue  et le génie cinématographique qui font les grands films. Les épisodes les plus connus de la Royauté de Louis II sont présentés dans une linéarité chronologique, mais on ne pénètre pas vraiment la personnalité du Roi, le film glisse sur l'évènementiel sans en atteindre la profondeur. 
Reste de ce film le portrait très extérieur d'un Roi qui a voulu faire triompher l'Art et remplacer les baïonnettes et les canons par des instruments de musique et des folies architecturales. Joli, charmant et délassant peut-être mais jamais profond ni  émouvant.


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