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ArcelorMittal : annulation par le Conseil d'Etat de mesures de remise en état d'anciens sites sidérurgiques

Publié le 20 décembre 2012 par Arnaudgossement

conseil-detat.jpegPar deux arrêts rendus ce 6 décembre 2012, le Conseil d'Etat a annulé ou confirmé l'illégalité de mesures préfectorales prescrites à la société Arcelor-Mittal pour la surveillance et la remise en état d'anciens sites sidérurgiques. La confirmation d'une jurisprudence classique sur la détermination du débiteur de l'obligation de remise en état d'une installations classée et sur les conditions d'exercice (contradictoire) de la police des ICPE.


En résumé, aux termes de ces deux arrêts du 6 décembre 2012, le Conseil d'Etat a rappelé :

  • d'une part, que le débiteur  de l'obligation de remise en état d'une ICPE est le dernier exploitant en titre et ne peut être, ni la société mère de ce dernier, ni le dernier exploitant de fait qui ne lui aurait pas succédé à la suite d'une déclaration régulière de changement d'exploitant.
  • d'autre part qu'une mise en demeure préfectorale est illégale lorsqu'elle est adressée à l'exploitant, sans transmission préalable du rapport de l'Inspection des installations classées qui en sert pourtant de fondement.

Aux termes des deux arrêts rendus ce 6 décembre 2012, le Conseil d'Etat a annulé ou confirmé l'illégalité d'arrêtés préfectoraux adressés à la société Arcelormittal, en infraction avec ces règles.

A titre liminaire, par souci de précision, il convient de souligner que l'obligation de remise en état d'une ICPE, au sens large, comprend

  • l'obligation de respect de la procédure de mise à l'arrêt définitif d'une ICPE, dont le régime juridique est aujourd'hui défini à l'article L.512-6-1 du code de l'environnement;
  • l'obligation de respect des mesures préfectorales de police des ICPE, destinées à assurer la surveillance du site et la réalisation de tous travaux de nature à préserver les intérpets visés à l'article L.511-1 du code de l'environnement.

Le régime juridique de la remise en état d'une ICPE a été précisé par un arrêt de principe rendu le 8 juillet 2005 par le Conseil d'Etat :

"Considérant qu'il résulte de l'ensemble des dispositions de la loi du 19 juillet 1976, reprises aux articles L. 511-1 et suivants du code de l'environnement, que l'obligation de remise en état du site est applicable aux installations de la nature de celles soumises à autorisation en application du titre 1er du livre V du code de l'environnement alors même qu'elles auraient cessé d'être exploitées avant l'entrée en vigueur de la loi du 19 juillet 1976, dès lors que ces installations demeurent susceptibles de présenter les dangers ou inconvénients énumérés à l'article L. 511-1 de ce code ; que, dans cette hypothèse, l'obligation de remise en état du site imposée par l'article 34-I du décret du 21 septembre 1977 pèse sur l'ancien exploitant ou, si celui-ci a disparu, sur son ayant droit ; que lorsque l'exploitant ou son ayant droit a cédé le site à un tiers, cette cession ne l'exonère de ses obligations que si le cessionnaire s'est substitué à lui en qualité d'exploitant ;
Considérant qu'incombe ainsi à l'exploitant d'une installation classée, à son ayant droit ou à celui qui s'est substitué à lui, la mise en oeuvre des mesures permettant de remettre en état le site qui a été le siège de l'exploitation dans l'intérêt, notamment, de la santé ou de la sécurité publique et de la protection de l'environnement ; que l'administration peut contraindre les personnes en cause à prendre ces mesures et, en cas de défaillance de celles-ci, y faire procéder d'office et à leurs frais ;
Considérant que les pouvoirs de police spéciale conférés par la loi à l'autorité administrative peuvent, par leur objet et leur nature mêmes, être exercés par celle-ci à toute époque et vis à vis de tout détenteur d'un bien qui a été le siège de l'exploitation d'une installation classée, dès lors que s'y manifestent des dangers ou inconvénients de la nature de ceux auxquels la législation des installations classées a pour objet de parer ;
Considérant, toutefois, que les principes dont s'inspire l'article 2262 du code civil font obstacle à ce que le préfet impose à l'exploitant, à son ayant-droit ou à la personne qui s'est substituée à lui la charge financière des mesures à prendre au titre de la remise en état d'un site lorsque plus de trente ans se sont écoulés depuis la date à laquelle la cessation d'activité a été portée à la connaissance de l'administration, sauf dans le cas où les dangers ou inconvénients présentés par le site auraient été dissimulés ;
Considérant, en outre, que cette même charge financière ne peut être légalement imposée au détenteur d'un bien qui n'a pas la qualité d'exploitant, d'ayant-droit de l'exploitant ou qui ne s'est pas substitué à lui en qualité d'exploitant ; que lorsque l'autorité administrative entend exercer les pouvoirs qu'elle tient de l'article L. 514-1 du code de l'environnement et de l'article 34-1 du décret du 21 septembre 1977 vis à vis du détenteur actuel du bien, elle doit suivre la procédure prévue à l'article 18 du décret et prendre une décision motivée ; "

Les deux arrêts rendus ce 6 décembre 2012 par le Conseil d'Etat n'ont pas pour seul intérêt de concerner une société actuellement trés exposée médiatiquement s'agissant de l'avenir du site de Florange. Ils comportent un utile rappel du régime juridique de plusieurs aspects de l'obligation de remise en état d'une ICPE.

Le débiteur de l'obligation de surveillance d'un ancien site ICPE

Dans la première des deux affaires jugées ce 6 décembre 2012, le Conseil d'Etat était saisi d'un recours de la société Arcelormittal France tendant à l'annulation  de "l'arrêté des préfets de Meurthe-et-Moselle et de la Moselle du 9 septembre 2008 lui prescrivant de réaliser, pour l'ancien site sidérurgique de Joeuf, un diagnostic de l'état des sols au regard d'une contamination au plomb dans un rayon de 500 mètres autour de ce site".

Par un arrêt n° 333977 en date du 6 décembre 2012, le Conseil d'Etat a rappelé

  • d'une part, qu'il ne peut y avoir de changement régulier d'exploitant d'une ICPE en l'absence de mise en oeuvre d'une procédure de déclaration régulière d'un changement d'exploitant. En l'absence d'une telle déclaration, le dernier exploitant peut être qualifié d'exploitant de fait mais pas de titre.
  • d'autre part, que le dernier exploitant n'est débiteur de l'obligation de remise en état que pour autant qu'il se soit régulièrement substitué au dernier exploitant en titre.

Au cas présent, le dernier exploitant en titre était la société Sogepass, filiale de la société Arcelormittal France. Le Conseil d'Etat juge donc que seule la sogepass pouvait se voir imposer la réalisation d'un diagnostic des sols et non sa société mère (Arcelormittal France) ou le dernier exploitant de fait (Société des Hauts-fourneaux réunis de Saulnes et Uckange).

En clair, les préfets de Meurthe-et-Moselle et de la Moselle ont donc commis une erreur de droit en adressant leur arrêté prescrivant la réalisation d'un diagnostice des sols à la société Arcelormittal, quand bien même celle-ci était la société mère du dernier exploitant en titre et l'ayant  droit du dernier exploitant de fait. Le seul débiteur légal de la mesure ainsi prescrite était la société Sogepass.

Ce faisant, le Conseil d'Etat fait application du principe d'autonomie de la responsabilité des personnes morales qui ne trouve exception, dans des conditions très strictes, que dans le dispositif de l'article L.512-17du code de l'environnement.

L'arrêt n° 333977 précise :

"6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que le dernier exploitant en titre de l'usine sidérurgique de Joeuf était la société Unimetal, aux droits de laquelle est venue la société Sogepass, filiale de la société Arcelormittal France ; que si le dernier exploitant de fait de cette usine était la société des Hauts-fourneaux réunis de Saulnes et Uckange, aux droits de laquelle est venue la société Arcelormittal France, société requérante, il résulte également de l'instruction, en particulier du rapport de l'inspecteur des installations classées du 11 mai 1988 qu'à la reprise de l'exploitation du site de Joeuf, la société des Hauts-fourneaux réunis de Saulnes et d'Uckange n'a pas fait de déclaration de reprise des activités ; qu'il suit de là que l'ayant droit du dernier exploitant en titre de l'usine sidérurgique de Joeuf n'est pas la société Arcelormittal France mais la société Sogepass, filiale de cette première société et ayant-droit de la société Unimetal, dernier exploitant en titre du site sidérurgique de Joeuf ; que, par suite, les préfets de Meurthe-et-Moselle et de la Moselle ne pouvaient légalement désigner la société Arcelormittal France comme destinataire de l'arrêté du 9 septembre 2008"

L'arrêté des préfets de Meurthe-et-Moselle et de la Moselle du 9 septembre 2008 est donc annulé.

Le caractère contradictoire de la procédure de mise en demeure


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