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Christian Scott " Christian aTunde Adjuah "

Publié le 20 décembre 2012 par Assurbanipal

Christian Scott

«  CHRISTIAN ATUNDE ADJUAH »

Concord Jazz. 2012.

Christian aTunde Adjuah: trompette, sirene, sirenette, cor renversé

Matthew Stevens: guitares

Lawrence Fields: piano, Fender Rhodes, harpsichord

Kristopher Keith Funn: contrebasse

Jamire Williams: batterie

Kenneth Wallum: saxophone tenor (“I do”)

Corey King: trombone ( “Of fire (Les Filles de la Nouvelle Orléans ), «  Liar Liar « , «  When Marissa Stands Her Ground », « Away »)

Louis Fouche : saxophone alto (« Of fire » (Les Filles de la Nouvelle Orléans ), « When Marissa Stands Her Ground »)

Double album: 11 morceaux sur le 1er CD, 12 sur le 2e.

Christian Scott aTunde Adjuah

Le portrait de Christian Scott a été dessiné pendant son concert à Paris au Duc des Lombards le samedi 17 novembre 2012 par la Passionnée Hélène POISSON. Toute utilisation de cette oeuvre sans l'autorisation de son auteur constitue une violation du Code de la propriété intellectuelle passible de sanctions civiles et pénales.

Comme Prince, avec qui il a travaillé, Christian Scott a un grave défaut : l’hyper créativité. Ca fuse tellement en et hors de lui, pour faire de la psychologie de bazar, qu’il ne fait plus le tri. D’autant plus que, comme Prince, il produit lui-même sa musique. Contrairement à Michael Jackson, il n’a pas un Quincy Jones derrière lui pour le conseiller et l’aider à choisir. La preuve avec ce double album qui est bon mais qui, en élaguant, aurait pu constituer un excellent album.

Je vous livre donc ici, lectrices pressées, lecteurs hâtifs ma sélection personnelle de morceaux sur cet album fort riche et plaisant au demeurant. Libres à vous, si vous en prenez le temps, de vous faire votre propre jugement.

CD1 :

-  2, « New New Orleans ». Particulièrement énergique et poignant. Un message d’espoir 7 ans après l’ouragan Katrina.

-  3, « Kuro Shinobi », un interlude funky et entêtant, sans trompette.

-  4, « Who they wish I was », ballade entêtante et planante

-  5, “Pyrrhic victory of Christian aTunde Adjuah”, entre tension de la guitare et relaxation de la trompette, ce morceau ne se traduit  pas par la mort du héros, Christian aTunde Adjuah, nom choisi par Christian Scott. Les noms de Noirs américains descendant d’esclaves sont ceux de leurs anciens maîtres d’où le choix pour certains de changer de nom de famille. Noms musulmans pour ceux qui se convertissent à cette religion, oubliant que les chrétiens ne furent ni les premiers ni les derniers à pratiquer la traite négrière: Ahmad Jamal, Yusef Lateef, Abdullah Ibn Buhaina (Art Blakey) , Abdullah Ibrahim ou nom africain pour ceux qui veulent remonter à leurs racines coupées par la déportation et l’esclavage des ancêtres comme semble le faire Christian Scott. D'après un fidèle abonné dahoméen de ce blog, Monsieur N, Atundje est un prénom masculin qui signifie en langue yoruba (Bénin, Nigeria) " Nous sommes encore de retour "  alors que Adjuah est un prénom féminin de langue mina (Bénin, Togo) qui signifie " Née un lundi " (pour un garçon né un lundi, l'appeler Kodjo). L'alliance du prénom masculin et féminin pour un seul homme est curieuse. Peut-être est ce son ying et son yang à l'africaine.

-  9, « Of fire » (Les Filles de la Nouvelle Orléans ). Un sous-titre français pour une ballade sensuelle, d’inspiration africaine. Bel hommage à ces demoiselles.

-  10, « Dred Scott », est-ce un hommage au pianiste de Jazz ?

-  11, « Danziger » qui n’est pas un hommage à l’excellent dessinateur de presse américain Jeff Danziger comme je l’avais écrit par ignorance mais une allusion à un scandale qui implique la police de la Nouvelle Orléans («  New Orleans Police Department » rebaptisé par Christian Scott, dans un autre morceau, « KKPD » ou «  Klux Klux Police Department »), les Danziger Bridge Shootings. Lors du désastre de 2005, des agents du NOPD auraient abattu des Noirs fuyant leur maison dont un handicapé mental. Jugés en 2007, le procès a été abandonné puis relancé en 2010. Mitch Landrieu, élu maire de la Nouvelle Orléans en 2010 (démocrate et blanc) a qualifié la police de La Nouvelle Orléans d’une des pires du pays par son racisme, sa corruption, son incompétence et demandé au pouvoir fédéral d’intervenir pour y mettre bon ordre.

CD2 :

-  2, « Jihad Joe », morceau énergique et politique dont il est inutile d’expliquer le sens après 10 ans d’enlisement de l’armée américaine (GI : Government Issue, inscription sur les caisses de matériel de l’US Army qui qualifie ironiquement ses soldats) en Afghanistan et en Irak.

-  3, « Van Gogh », interlude bien funky, princier même.

-  5, « I do », belle ballade un peu sirupeuse, princière encore.

-  6, « Alkebu Lan », morceau à rythmique africaine, bien dansant. En effet, Alkebu Lan est le nom traditionnel de l'Afrique avant que Grecs et Romains ne la renomment ainsi. Plusieurs associations africaines américaines se nomment Alkebu Lan.

-  11, « Red Rooster », rien à voir avec le fameux blues érotique « Little red rooster » chanté par Muddy Waters, Howlin Wolf, John Lee Hooker…

-  12, « Cara », morceau qui respire l’amour, la tendresse, l’affection. Composition dédiée à sa mère préférée. Beau témoignage d'amour filial.

Christian Scott devenu Christian aTunde Adjuah, un Black Indian (superbe costume sur la pochette de l’album) est Noir, né en 1983 à la Nouvelle Orléans , en Louisiane, joue du Jazz à la trompette et ne copie pas un instant Louis Armstrong. Respect. Cet artiste pense sa musique, l’analyse même avec pertinence dans le livret de l’album. Il essaie d’étirer le Jazz (Stretch Jazz dit-il) mais pas au sens sportif et gymnique. Il a écouté le Funk, la Soul des années 60 à nos jours.  Son oncle, le saxophoniste alto Donald Harrison lui  a appris toute la musique noire américaine du ragtime au rap. Il n’est pas trop marqué par le hip hop même si son batteur sonne parfois comme une boite à rythmes, très répétitif et précis. Il n’a pas encore 30 ans et sa musique constitue une des voies/voix d’avenir du Jazz. Un arbre ne pousse pas sans racines. Christian aTunde Adjiuah ou Christian Scott a des racines solidement plantées et le regard au loin. Je gage que cet arbre nous donnera de beaux fruits longtemps encore.

Le voici en concert au North Sea Jazz Club à Amsterdam, Pays Bas, le 8 juillet 2012 jouant " Jihad Joe ". Les Etats-Unis d'Amérique sont encore en guerre à ce jour après avoir réélu pour président un prix Nobel de la paix. 


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