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2013 : le Changement ce n'est pas le Président

Publié le 24 décembre 2012 par Arnaudgossement

changement.jpgQuelles que soient ses qualités, le Président de la République a été élu sur un slogan qui entretient un malentendu depuis 1962 : le changement ne peut provenir d'un seul homme. Ni même seul pouvoir exécutif. Il est donc temps de changer de république plutôt que de changer de Président de la République.


"Le changement c'est maintenant". Telle était la "signature" (comme disent les communicants) de campagne de François Hollande. Cette phrase a largement contribué à le faire élire.

Avec Nicolas Sarkozy, le changement c'était tout le temps jusqu'à en perdre la tête. Résultat : rien ne semblait changer. Avec le nouveau candidat, une nouvelle promesse : celle d'un vrai changement à la date de l'élection présidentelle. Sous entendu : le changement de Président de la République permettra de régler nos problèmes. En partie au moins. En votant "maintenant", c'est à dire le jour du scrutin, pour un nouveau Président de la République, beaucoup d'électeurs(trices) ont nourri l'espoir ou tout au moins fait le voeu que leur pays change, que le chomage baisse.

Tous les cinq ans nous élisons donc un homme que nous espérons, même secrètement, providentiel, au terme d'une campagne dont le débat est d'une absolue médiocrité. Tel est le fond souverainiste de notre pays. Que le gaullisme a puissamment contribué à prolonger en caricaturant une république - la IVème - qui avait pourtant permis l'épanouissement des trente glorieuses au lendemain de la guerre et l'émergence de talents politiques que nous regrettons aujourd'hui.

Qu'on le loue ou qu'on le critique, le Président de la République relève du sacré.

Il suffit de lire la presse pour s'en convaincre. Un très grand nombre d'éditorialistes et de journalistes politiques commet la même erreur : penser que l'avenir du pays dépend des décisions de François Hollande et de son gouvernement. Dans la presse dite "de droite" comme dans celle dite "de gauche", la même attente : que va faire Hollande ? Va-t-il remanier son gouvernement ? Va-t-il réformer ceci ou cela ? Va-t-il s'exprimer ? Va-t-il tolérer telle ou telle situation ? Le Président de la République est le receptacle de toutes les attentes et de toutes les déceptions. La violence des diatribes à son endroit est en effet à la hauteur des espoirs qu'il a nourri. Et le populisme qui en est la conséquence n'est pas loin.

Cette sacralisation de la fonction présidentielle a pour corollaire sa "peopolisation". C'est ainsi que l'on retrouve des articles dignes de la ligne éditoriale de "Gala" dans les colonnes d'un "Nouvel Observateur". La compagne du Président de la République attire les regards, les doutes, les questionnements, les hypothèses, les supputations. Sans aucun intérêt. Il aura suffit de quelques mots de sa part sur la toile pour que les passions se déchainent et se déchainent encore. La famille présidentielle suscite le même intérêt un peu ridicule que les familles princières de monarchies d'opérettes...

Tout ceci revient à prêter un pouvoir à une institution qui en est pourtant dépourvu.

Etre pour ou contre l'actuel, le précédent ou le futur Président de la République revient à attendre que le changement vienne de l'Elysée. Formulons l'hypothèse que le changement est en cours et qu'il ne vient pas de l'Etat. Toujours aussi fragile en réalité.

Contrairement aux apparences, la Vème république a permis de stabiliser le pouvoir exécutif en extérieur, pas à l'intérieur. Les mini-remaniements ministériels sont fréquents - le prochain ne devrait pas tarder - et la frontière entre majorité et opposition est tout sauf claire depuis qu'elle passe à l'intérieur même de la droite et de la gauche. Il n'est qu'à étudier les votes du Sénat dont certains se réjouissaient qu'il soit passé "à gauche" pour comprendre que l'opposition la plus forte au présent gouvernement vient de "la gauche". Et parfois même du gouvernement lui-même si l'on analyse le vote écologiste au Sénat.

Plus grave, l'épicente du pouvoir se déplace constamment au sein même du pouvoir exécutif : de Matignon à l'Elysée, de tel ministérère à Matignon, de tel ministère à tel autre et parfois même au sein d'un même ministère. Tout ceci contribue à renforcer le pouvoir de haut fonctionnaires non élus qui restent en place pendant que les ministres s'affaiblissent avant de changer. Des fonctionnaires certes trés compétents mais dont la priorité n'est pas de se contredire.

Sous la IVème République, le pouvoir changeait avec les gouvernements. Sous la Vème, le pouvoir change au sein du Gouvernement. Est ce mieux ?

Car pour masquer leur faiblesse, nos gouvernants enchainent avec frénésie l'écriture de textes - lois, décrets, arrêtés - qui, pour la plupart - seront aussi vite oubliés que votés. Cette hémorragie législative contribue surtout à plonger le secteur économique dans l'incertitude juridique. Rarement nous aurons été soumis à un nombre aussi conséquent de lois que nous sommes censés ne pas ignorer. Rarement la qualité et la pertinence de la règle de droit n'aura été à ce point faible. Cet amour du droit revient lui aussi à conférer un pouvoir sacré à ces lignes publiées au Journal officiel pour changer la vie. Ce qu'elles ne feront généralement pas.

Prenons l'écologie.

De 2006 à 2009, du Pacte écologique de Nicolas Hulot au sommet mondial du climat de Copenhague, nous avons vécu une parenthèse heureuse où l'espoir était permis. Je ne regrette pas d'avoir été au nombre de ceux qui ont espéré, préférant cette forme de naïvité au cynisme de la sinistrose professionnelle. Car quelque chose a changé dans la société bien plus qu'au sommet de l'Etat. Depuis 2009 et l'échec du sommet de Copenhague, la droite comme la gauche se sont convaincues que l'investissement dans l'écologie ne profite pas à la majorité en place. Depuis 2009, la politique écologique de l'Etat n'a pas réellement varié, peu importe le changement de Président de la République.

Les directeurs de l'administration centrale du Ministère de l'écologie n'ont pas changé (sauf parfois de poste), les décrets d'application des lois Grenelle 1 et 2 continuent de sortir (lentement), la fiscalité écologique est au point mort, la culture "nucléaire, filière d'avenir" prospère, les énergies renouvelables souffrent, l'aéroport de Notre Dame des Landes se fera.. Quant au gaz de schiste, la question n'est plus de savoir si l'Etat en autorisera l'extraction mais quand. Même les conditions du débat public se sont dégradées. C'est ainsi que la gouvernance à cing - perfectible - a laissé la place à la figure du "sage" ou de "l'expert" qui a fait son grand retour dans le "débat national sur le transition énergétique".

Pourtant, il reste quelque chose du Grenelle. Il reste ces élus locaux qui n'envisagent plus de se présenter au suffrage universel sans verdir leur profession de foi. Il reste ces chefs d'entreprise qui ont compris que le développement durable représente les marchés, les leviers de croissance et les emplois de demain. Il reste ces étudiants qui veulent donner du sens à leur carrière. Bref, le changement ne vient pas du Président de la République, il viendra des citoyens eux-mêmes, vaccinés du rêve de l'homme providentiel et de l'utopie présidentielle.

Le changement suppose un changement de République bien plus qu'un changement de Président de la République.

Non pour jeter le bébé avec l'eau du bain car la Vème République a des mérites qu'il faut conserver. Non pas changer pour changer. Mais pour passer enfin à une démocratie adulte. Une démocratie de grandes personnes qui n'attendent plus tout d'une sorte de "superpapa" pour agir.

Cela suppose tout d'abord de supprimer l'élection au suffrage universel direct du Président de la République. Cela suppose de réformer profondément l'organisation décentralisée du territoire pour faire enfin émerger ces grandes régions européennes dont nous avons besoin en matière d'énergie et de transports. Cela suppose de mener une cure d'amaigrissement, non pas seulement de nos finances publiques mais de notre droit également. Cela suppose d'encourager le plus grand nombre de personnes - femmes et jeunes notamment qui souffrent du plafond ou du plancher de verrre - à créer leur emploi et leur entreprise.

Bref, arrêtons de regader vers l'Elysée pour regarder, un peu mieux notre avenir. Pour reprendre une analyse de Thomas Legrand : il est temps de passer d'une société de conflits à une société de contrats.


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