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[critique] Cycle Spielberg #4 : Rencontres du 3e type

Publié le 02 janvier 2013 par Vance @Great_Wenceslas

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A présent qu’on est bien installés dans ce cycle Spielberg [cliquez pour retrouver les liens vers les précédents articles], certains éléments apparaissent désormais comme une évidence. La place de la cellule familiale par exemple. Lorsqu’on sait que le metteur en scène a souffert lors du divorce de ses parents (en 1964), on comprend mieux l’accent porté sur les séquences intimes dans ses premiers films, ces moments du quotidien faits de petits riens mais qui emplissent une existence, la quiétude mais aussi le brouhaha liés à la vie avec des enfants. Lorsque Spielberg pose sa caméra dans un appartement, une maison, les dialogues fusent, semblent chaotiques mais ne paraissent jamais écrits ; les enfants circulent dans le champ avec leur candeur et leur spontanéité habituelle, leurs chambres reflètent leur état d’esprit dans un chaos ordonné ; on y parle fort, car il est difficile de se faire entendre lorsque tout le monde veut s’exprimer, on y crie ou pleure, on y rit de blagues vaseuses, on s’attrape, on joue, on fait des farces et on dort devant une TV constamment allumée. Ses productions comme ses réalisations resteront marquées par ces invariants et la parenté avec les Goonies, Gremlins, et autres Poltergeist est évidente.

Rencontres du 3e typese présente ainsi comme une forme de quintessence de l'esprit Spielberg, et par certains côtés comme son film le plus personnel : c'est à la fois une quête quasi-mystique et un drame familial poignant dans lequel les opinions divergentes se heurtent constamment - on y trouve des échos de ce qui fera l'un des piliers de Contact, la dichotomie science/foi, leur place dans les objectifs les plus élevés de l’espèce humaine. Certes, les scientifiques y apparaissent moins obtus, moins rigides et la fin de non-recevoir qu’ils opposent aux requêtes des « pèlerins » venus chercher des réponses est davantage dictée par la raison et la sécurité que par une forme de dictature de la connaissance. TWIN et Nico soulignaient également cet enthousiasme bon enfant qui les caractérise : ces blouses blanches sont loin d’être blasées par leur travail et ils passent le plus clair de leur temps à s’ébaubir devant les mystères qu’ils dévoilent progressivement. Le choix de Truffaut comme leader de ces « scientifiques éclairés » est à la fois un hommage à ce cinéaste de la Nouvelle Vague et journaliste de cinéma et un choix délibéré : avec son phrasé posé particulier, cette forme de détachement dans le ton (qui marquait déjà les esprits dans l’Enfant sauvage), il est un parfait contrepoint à la fougue presque juvénile de Dreyfuss.

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Dans sa version director’s cut, le film s’avère légèrement déséquilibré en raison du poids un peu excessif des séquences dans la famille de Neary, lequel perd petit à petit les pédales – et par conséquent l’aval et le soutien de sa femme. On reste néanmoins sidéré par la facilité avec laquelle Spielberg gère ces situations tendues dans lesquelles parents et enfants s’entrecroisent, les émotions explosent et les loufoqueries succèdent aux vitupérations. La manière dont les enfants de Neary le regardent, s’inquiètent d’abord, s’offusquent ensuite de ses pleurnicheries (le père immature dégringolant alors de ce piédestal qu’il avait péniblement, sans doute, gravi) puis décident de le soutenir dans sa mission dont ils ne comprennent pas les tenants (« Mais Maman, Papa a besoin de nous ! ») est symptomatique du ressenti du réalisateur. En parallèle, la famille Guiler, déjà moins normée (le père est absent), permet à Spielberg de jouer avec l’angoisse, voire l’horrifique : en deux séquences (Barry se réveille avec les jouets qui se mettent en marche tout seuls ; Barry se fait enlever par les extraterrestres), il expose avec force son talent pour la mise en scène de la peur, exploitant avec un sens aigu de l’espace les intérieurs et les extérieurs d’une maison de campagne. Tout, depuis le cadrage jusqu’à chaque élément de la bande son, est brillamment maîtrisé, avec une actrice (Melinda Dillon) particulièrement expressive. 


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Reste la fin. J’ai déjà dit dans le commentaire sur l’article de TWIN qu’il m’arrivait souvent à l’époque de la VHS de la visionner juste pour le plaisir, cette partie singulière de dialogue musical entre les aliens et le groupe de Lacombe. A elle seule elle dégage tout ce qui fait l’enchantement propre au cinéma de Spielberg, cette forme de naïveté touchante réconfortée par une science bienveillante. Ici, les scientifiques sont montrés comme de grands enfants, rigoureux dans leur travail mais prêts à s’émouvoir à la moindre occasion, l’esprit ouvert et aux aguets. Et tandis qu’un prêtre entonne une profession de foi à destination des volontaires parés au départ (bien qu’agissant sous couvert des Nations Unies, tous les membres sont américains), nos savants observent d’un œil attendri les « petits » extraterrestres qui iront prendre Neary par la main pour lui montrer la voie. Dans la version longue, on peut voir l’ascension de ce dernier dans le vaisseau mère, cette salle déserte servant de sas et une partie de l’intérieur où vont se longer les vaisseaux éclaireurs (dont le fameux « cornet de glace » et la petite lumière rouge faisant instantanément penser à Clochette – d’ailleurs, la musique de John Williams devient brusquement disneyenne avec une mélodie rappelant furieusement Pinocchio). Splendide en soi, et vertigineux, mais qui ôte un peu du gentil mystère entourant encore l’arrivée de ces êtres et l’avènement d’une nouvelle ère pour l’humanité. Le Director’s cut, en respectant le côté « elliptique » du finale initial, est à privilégier.

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Belle image granuleuse, avec un magnifique rendu de lumières, quoique quelques soucis sur certains plans nocturnes. La VO en Dolby True HD est superbe, très claire et enveloppante, très équilibrée.

Ma note (sur 5) :

4,1

A lire également : le compte-rendu de TWIN sur le DVD Ultimate zone 1 de 2007.


 

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Titre original

Close Encounters of the Third Kind

Mise en scène 

Steven Spielberg

Genre 

Quête stellaire

Production 

Columbia Pictures & EMI Films

Date de sortie France 

24 février 1978

Scénario 

Steven Spielberg

Distribution 

Richard Dreyfuss, François Truffaut, Bob Balaban & Teri Garr

Durée 

137 min

Musique

John Williams

Support 

Blu-ray Universal 2010 region All, edition Ultimate 30e anniversaire

Image 

2.35:1 ; 16/9

Son 

VOst Dolby True HD

 

Synopsis Des faits étranges se produisent un peu partout dans le monde : des avions qui avaient disparu durant la Seconde Guerre mondiale sont retrouvés au Mexique en parfait état de marche, un cargo est découvert échoué au beau milieu du désert de Gobi.

Dans l'Indiana, pendant qu'une coupure d'électricité paralyse la banlieue, Roy Neary, un réparateur de câbles, voit une "soucoupe volante" passer au-dessus de sa voiture. D'autres personnes sont également témoins de ce type de phénomène : Barry Guiler, un petit garçon de quatre ans, est réveillé par le bruit de ses jouets qui se mettent en route.

Cherchant à savoir d'où proviennent ces ovnis, Roy Neary se heurte aux rigoureuses consignes de silence imposées par le gouvernement fédéral. Obsédé par ce qu'il a vu et hanté par une image de montagne qu'il essaie désespérément de reconstituer, il est abandonné par sa femme Ronnie et ses enfants. Il n'y a que Jillian, la mère de Barry, qui le comprenne.

Parallèlement à ces événements, une commission internationale conduite par le savant français Claude Lacombe s'efforce d'en percer le mystère. Une évidence s'impose bientôt à eux : une forme d'intelligence extraterrestre tente d'établir un contact avec les Terriens.

 

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