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L'odysée de Pi (2012) de Ang Lee par Cyril Tuloup

Publié le 06 janvier 2013 par Flow

L'odysée de Pi.

(réalisé par Ang Lee)

L'odyssée de Pi transforme le cinéma en un formidable conte philosophique. À l’instar du héros, le spectateur rencontre la Nature dans son éternelle beauté et découvre l’homme dans ses inévitables souffrances.

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Après une enfance passée à Pondichéry en Inde, Pi Patel, 17 ans, embarque avec sa famille pour le Canada où l’attend une nouvelle vie. Mais son destin est bouleversé par le naufrage spectaculaire du cargo en pleine mer. Il se retrouve seul survivant à bord d'un canot de sauvetage. Seul, ou presque... Richard Parker, splendide et féroce tigre du Bengale est aussi du voyage. L’instinct de survie des deux naufragés leur fera vivre une odyssée hors du commun au cours de laquelle Pi devra développer son ingéniosité et faire preuve d’un courage insoupçonné pour survivre à cette aventure incroyable.

Une surprise.

Les affiches du film inquiétaient un public averti : Sur fond de mer, on découvrait les visages d’un jeune indien et d’un Tigre, avec deux arguments publicitaires : «Époustouflant» et «Magnifique». Comment aurait on pu imaginer que le film développe des interrogations sur la religion et la survie ? Et pourtant Ang Lee réalise un incroyable mélange des genres qui permet au film d’être accessible à tous, de remettre en question nos préjugés sur les religions et de découvrir cet immense espace qu’est l’Océan.

Après avoir passé son enfance en Inde, le jeune Pi doit partir avec sa famille au Canada. Propriétaires d’un parc zoologique, ils emmènent avec eux les différentes espèces d’animaux. Alors qu’une tempête surgit en pleine nuit, notre héros quitte la cabine pour apprécier ce spectacle offert par la nature. Les éclairs foudroient la mer et l’orage perturbe l’avancée du navire. Soudain l’alarme du bateau se déclenche alors que ce dernier est déjà en train de couler. Impuissant face à la Nature et ne pouvant porter secours à ses proches, Pi se retrouvera dans le canot de sauvetage qui se détachera subitement du navire, laissant l’équipage abandonné à un destin cruel. Le jeune garçon sera rejoint par des animaux fuyant le navire, puis par un Tigre du Bengale répondant au nom de Richard Parker.

Fasciné par le danger.

L’un des moments clés du film réside dans la fascination du héros pour la tempête. Quelque chose en lui le pousse à se rendre sur le terrain du danger. La curiosité du personnage se découvre dès les premières scènes du film lorsqu’il désire donner de la nourriture au tigre du zoo. Accompagné de son frère, celui-ci préviendra son père qui éloignera alors Pi de l’animal qui aurait très bien pu l’amputer d’un bras. Avec le naufrage du bateau, la vie le mettra définitivement en relation avec la douleur et la souffrance. Perdu en pleine mer en compagnie d’un tigre affamé, il devra apprendre à gérer son espace en confectionnant un mini radeau lié au canot. Le film retrace l’apprentissage de la survie qui est le vrai développement de l’intelligence. Le génie et l’ingéniosité dont nous sommes capables ne se révèlent qu’en situation de détresse.

L’odyssée de Pi est un film profondément touchant. Le réalisateur parvient à saisir des plans qui font du drame une série de moments magnifiques. Comment oublier les lumières du bateau qui coule subitement en mer, ou alors cette nuit étoilée où un océan si calme reflète les étoiles au point de confondre l’eau et le ciel ?

Toute la beauté du film se découvre également dans le visage du félin. L’homme et l’animal ne pourront être proches l’un de l’autre que dans l’ultime souffrance. Mais notre relation à l’animal est tragique: Il ne nous répond pas. La présence du tigre permet à Pi de survivre mais leurs frontières resteront, par les dures lois de la nature, à jamais fermées.

Religions.

Si le film cherche à interroger le domaine de la religion, il fait preuve d’une grande complexité à cet égard. Car si la mise en scène est très accessible, le propos du récit est plus obscur. Pi s’est convertit à trois religions: catholicisme, Islam et hindouisme. Là où les gens cherchent à lui montrer qu’il a tort, qu’il devrait se consacrer à une seule d’entre elles, on comprend peu à peu que c’est peut-être lui qui a raison, et c’est peut-être seulement en rentrant dans chacune d’elles que l’on peut comprendre les peuples. Il voyage de croyances en croyances, sans jamais sombrer dans leur obscurité propre, et comprend la pluralité du monde : «C’est en voyageant qu’on se rend compte que tout le monde a tort" (A. Huxley).

Personnage de fiction, Pi est le reflet du plus beau côté de l’être humain: son ouverture sur le monde et la philosophie qu’il tire de son expérience. On retiendra notamment la scène où, seul sur sa barque, il entrevoit un rayon de lumière qui fait écho à une apparition divine. Imagination ? Folie ? Réalité ? Le film n’apporte aucune réponse et préfère soulever les questions, ce qui le rend d’autant plus mystérieux. À mesure où on découvre le film, on remet en question ses préjugés. Enfin, Ang Lee réussit à rendre la Mer aussi fascinante que peut l’être la Montagne. En contrastant entre ses tempêtes et son calme silencieux, le réalisateur nous invite à découvrir le monde marin et ses espèces, ce territoire aussi beau que sauvage.

Film brillant et sans superflu, L’odyssée de Pi n’en fait jamais trop et utilise l’art du cinéma pour emmener le public dans un ensemble d’émotions et de mystères. Le monde est étrange, le monde tel qui nous est offert est fascinant.

Note:

Pastèque de premier choix


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