Magazine Cinéma

Babycall (Pal Sletaune, 2011)

Par Doorama

Babycall (Pal Sletaune, 2011)  Anna vit avec son fils Anders. Mère inquiète et surprotectrice, son attitude est motivée par sa crainte que le père d'Anders, qui s'était rendu coupable de violence contre son fils, ne les retrouve. Elle achète même un Babyphone pour mieux surveiller son fils, dans sa chambre juste à côté de la sienne. Alors qu'Anders dit avoir vu son père à l'école, Anna entend un un enfant en détresse dans son appareil, mais ce n'est pas son fils ! Présage annonciateur ou interférences ?
Ca bouge en provenance du nord de l'Europe... ! Le froid et poétique Morse de Tomas Alfredson revisitait le vampirisme avec un formidable sang neuf, même le décevant Thale surprenait le spectateur par son ambiance atypique... Babycall est norvégien, il a décroché le grand prix à Gérardmer en 2012, et même s'il est loin d'avoir convaincu la rédaction, on ne peut décemment pas lui reprocher sa personnalité et ses ambitions...
Babycall prend son temps pour installer le quotidien de cette mère, terrifiée à l'idée du retour du père violent, alors qu'ils sont en pleine tentative de reconstruction de leur vie. Des comportements protecteurs à la limite de l'irrationnel, des services sociaux sur son dos (menace permanente de lui retirer son fils...) et la possibilité de sauver un enfant, dont elle reçoit les cris, qui lui permettrait d'agir là où elle n'avait pu ou su le faire pour protéger son propre fils... Babycall joue la carte du drame familial et du réalisme, mais l'accumulation de symptômes d'angoisses laisse vite pointer le fantastique. En mêlant habillement les angoisses et l'instabilité d'Anna à une potentielle (fantomatique ?) maltraitance, Babycall dérape petit à petit vers une ambiance lourde, il  multiplie les pistes et les surprises, en construisant un thriller psychologique dont l'enjeu sera pour le spectateur de discerner le réel du psychotique. Et de ce point de vue, Babycall est plutôt réussi.
Lent, pesant, aussi bien réalisé qu'interprété, Babycall n'a pourtant pas réussi à nous emmener dans son univers paranoïaque. Si ses atouts majeurs sont la froideur qu'il dégage (décors, paysages et personnages), son refus de prendre parti sur la réalité de son personnage, et son ambiance oppressante, elle aussi glaçante, il peine pourtant à trouver son rythme. Comme victime de son soin à ne pas utiliser les ficelles habituelles du thriller (vous savez, ces inévitables scènes de révélations, de découverte et/ou de suspense...), il construit un paysage psychologique très fin, mais dénué de tout côté ludique pour le spectateur... Les symptômes s'accumulent, les questions et le doute s'installent bien dans l'esprit du spectateur, mais rarement la curiosité que nous éprouvons ne se transforme en malaise ou ne nous surprend vraiment. Babycall n'a certainement pas cette volonté de nous crisper sur notre fauteuil, il préfère déformer légèrement les choses pour nous faire ressentir de subtils glissements, installer le malaise progressif, et s'il atteint bien son objectif, on se dit pourtant à son issue que sa chute était quand même largement pressentie, et on se dit aussi "tout ça pour ça ?"... Mais ne boudons pas notre plaisir, la rédaction est sans doute victime de sa surconsommation de fantastique, et il y a fort à parier que Babycall capture et captive puissamment le spectateur, et qu'il enfonce son ambiance glacée profondément dans ses chairs...
La rédaction de doorama vous a donc soufflé une fois de plus le chaud et le froid (nordique...) sur un film... mais vous aurez sans doute ressenti à travers nos lignes le caractère incomplet de Babycall. Intelligemment sobre et retenu, puissant créateur d'ambiance, Babycall joue la carte de la frontière entre deux genres. Entre drame et fantastique, il s'approche du mariage parfait, mais il y manque quand même ce "liant" (le rythme ? le ludique ?) qui lui permet de gagner, et convaincre, sur les deux tableaux. Pal Sletaune livre, avec son Babycall, un film absolument maîtrisé, précis et intelligent, mais ici à la rédaction, nous trouvons qu'il lui manque un poil d'instinct et de liberté. Babycall bénéficie à fond de sa finesse et de son traitement atypique, mais malgré toutes ses qualités, il nous laisse un arrière-goût de frustration. Là où le Tomas Alfredson de Morse ou de La Taupe nous laissait admiratif, Paul Sletaune semble ne pas aller au bout de ses grandes et nobles ambitions, ratant de peu sa démonstration. On aime et on applaudit, on retient que le nord de l'Europe est de plus en plus passionnant, mais on se dit aussi que se différencier de la veine ordinaire du thriller ne suffit pas pour autant à innover, scotcher ou éblouir. La frustration l'emporte sur la réussite, on aurait même préféré que Babycall soit objectivement raté pour mieux le défendre... La qualité rend exigeant !
Babycall (Pal Sletaune, 2011)


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Doorama 230 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines