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Henri Bouquin

Publié le 10 janvier 2013 par Christophefaurie
Mardi soir, Dauphine commémorait Henri Bouquin. L’événement était organisé par Catherine Kuszla. Voici ce que j’en retiens.
Henri Bouquin Un souvenir personnel, auparavant. A l’époque où j’ai rencontré Henri Bouquin, j’avais rédigé une quarantaine de pages sur mon expérience du changement, et ce qu’en disaient les auteurs de la littérature anglo-saxonne du management. Je travaillais alors avec une de ses personnes si propres à la France, haut fonctionnaire devenu homme d’entreprise, esprit extraordinairement brillant. Il me dit qu’il connaissait quelqu’un que mon papier intéresserait sûrement. Une curieuse personne, comme en génère parfois notre université, qui comprenait mieux l’entreprise que ceux qui y travaillent, mais sans y avoir jamais mis les pieds. C’était Henri Bouquin.
Je l’ai donc rencontré. Il m’a écouté, sans dire un mot. Et m’a posé une seule question. Est-ce que, par hasard, mon travail ne se rattacherait pas à tel universitaire américain ? C’était inattendu. Non seulement je n’avais rencontré personne jusque là qui connaisse quoi que ce soit aux travaux que je citais, mais il avait effectivement trouvé l’auteur dont les conclusions rejoignaient les miennes.
Tout Henri Bouquin était là. Et je l’ai retrouvé au travers des témoignages qui se sont succédé. Un homme infiniment discret et pudique, à l’œil malicieux, un esprit remarquablement élégant et vif, avec l’art du mot juste. Un homme qui avait tout lu, et qui savait écouter. Une sorte d’intelligence à l’état pur.
Henri Bouquin a, d’une certaine façon, inventé le contrôle de gestion moderne. Il l’a conduit des obscurités de la comptabilité aux sommets du management. Et au-delà. Car il en a fait une discipline intellectuelle, au sens noble du terme. Avec lui le dirigeant devient le philosophe de la cité de Platon. Pour cela, il a compris et synthétisé, avec un talent littéraire rare, tous les travaux qui portaient de prêt ou de loin sur son sujet, de la finance à la cybernétique, en passant par les sciences humaines.
Ses anciens étudiants ont rappelé l’expérience déconcertante qu’était l’écriture d’une thèse sous sa direction. Car, justement, il n’y avait pas de direction. Il les laissait totalement, et étonnamment, libres. Ce qu’il recherchait, c’était le trait de génie, l’intuition unique, l’idée qu’il n’avait pas. Totale liberté ? Ne les guidait-il pas, pour leur éviter de s’enferrer ? Ne les amenait-il pas vers les terrains où leur talent allait révéler son potentiel ? Et si c’était ce mode surprenant d’encadrement qui en disait le plus long sur ce qu’il entendait par « contrôle » ? Le contrôle de gestion comme humanisme ?
Comment se fait-il, dans ses conditions, que l’on ne parle pas plus de lui ? Parce qu’il n’écrivait pas en américain. A défaut d’avoir publié dans le monde anglo-saxon, et donc d’être reconnu en France, Henri Bouquin a fait l’admiration de l’université allemande et japonaise. Mais, dans un monde de boutiquiers, cela n’a pas d’importance.

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