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Dans les coulisses du prix Océans avec la Plume Francophone

Par Samy20002000fr

Scholastique Mukasonga, première lauréate du prix Océans

Babelio vous fait entrer dans les coulisses du prix Océans avec une interview exclusive des membres du blog de la Plume francophone.

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Si de nombreux auteurs peuvent se targuer d’avoir reçu le prix Renaudot, qui fut cette année attribué à Scholatique Mukasonga, celle-ci peut, pour quelques mois encore, se targuer d’être la première -et pour l’instant l’unique- lauréate du prix Océans, un tout jeune prix créé en 2012 par France ô en collaboration avec Babelio.
Ce prix, qui récompensa son premier et unique roman, « Notre-Dame du Nil » , elle le doit au président du jury Alain Mabanckou, qui le lui a remis en main propre début janvier lors d’une cérémonie officielle  dans les locaux de France télévision, et au jury du prix, uniquement composé de membres de Babelio.

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Loin des projecteurs, il y a cependant d’autres personnes qui ont activement permis au  talent de Scholastique Mukasonga d’éclater une nouvelle fois sur le devant de la scène. Car c’est loin des projecteurs en effet que furent choisis les titres de la sélection du prix Océans, sélection qui allait s’affiner au grès des votes des membres du jury.

Cette sélection, c’est les membres du blog Le plume francophone qui en furent à l’origine. Contactés par nos soins, les membres de ce blog travaillèrent d’arrache-pieds pour concocter une liste correspondant aux critères et à l’identité du prix.

Interview de la Plume francophone

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Afin de vous plonger dans les entrailles d’une sélection de prix et de vous présenter le travail de la Le plume francophone, nous avons demandé aux membres du jury de poser quelques questions à la Plume francophone pour en savoir plus sur leur travail de sélection.
Comment ont-ils choisi les ouvrages ? Quels ouvrages auraient pu faire partie de la liste ? Qu’ont-ils pensé du lauréat ? Vous saurez tous en lisant notre interview exclusive ci-dessous !

[Découvrez le site de la Plume francophone]

Pourriez-vous présenter La Plume Francophone en quelques mots ? Quand l’avez-vous fondé et dans quel but ?

Nous nous sommes rencontrés sur les bancs de la Sorbonne il y a déjà plusieurs années. En poursuivant nos recherches de Master au Centre International d’Etudes Francophones, nous nous sommes aperçus que nos lectures étaient toutes liées malgré des aires géographiques différentes : Afrique Subsaharienne, Algérie, Liban, Caraïbe …  Afin de profiter des lectures de chacun, nous avons eu l’idée de créer ce blog, en 2006. Nous étions (et restons) également désireux de faire découvrir à d’autres les textes et les auteurs que nous aimions particulièrement : étudiants, amis, enseignants … Nous ne nous attendions pas à ce que La Plume Francophone devienne une référence publique comme le blog l’est aujourd’hui. Avec environ 15 000 lecteurs par mois, « La Plume » est pour nous un espace d’analyse, de parole et de dialogue qui défend une vision de ce qu’offre la littérature contemporaine dans toute sa richesse et sa diversité.

Que représente pour vous la littérature francophone ?

Les littératures francophones permettent une permanente remise en question de soi puisqu’elles portent et sont portées par des cultures diverses. Ce sont des littératures qui font lien entre ces cultures, qui enrichissent notre imaginaire. Elles ont aussi souvent partie liée avec l’Histoire « avec sa grande hache », comme l’écrivait Perec, tout en permettant de questionner le présent, les sociétés actuelles.

Comment avez vous procédé à la sélection du prix Océans ?


Chacun de nous a proposé des titres, puis nous nous sommes mis d’accord. Nous avons également lu des ouvrages en vue de cette sélection, et pour mieux choisir encore, lorsque Babelio nous a contactés. Au final, nous tenions véritablement à 7 d’entre eux, dont celui de Scholastique Mukasonga !

Quels autres romans auriez-vous souhaité sélectionner en plus des douze romans de cette sélection ?

On aurait aimé que l’écrivain belge Henry Bauchau soit dans la liste avec L’Enfant rieur. Quand nous l’avions proposé, nous ne savions pas qu’il allait nous quitter… L’Enfant rieur revient sur ses souvenirs de jeunesse allant de 1914 à 1940 et ne ressemble pas à ce que nous avons l’habitude de lire : des chapitres courts, un récit sans emphase, sans images allégoriques mais plutôt l’inventaire de ces moments marquants qui ont fait passer l’enfant qui rit à celui qui « a été forcé dès sa petite enfance de vivre la haine » car c’est également le récit d’une époque et d’un mode de vie qui nous est donné à voir : une ruralité déjà et puis, bien sûr, les deux grandes guerres.

Mais on aurait aussi aimé sélectionner L’Ombre des choses à venir du Togolais Kossi Efoui. C’est une sorte de parabole politique, où les mots sont la cause de la guerre. Pourtant, loin d’être pessimiste, le roman est une célébration pragmatique de la vie, à l’image du personnage de Maman Maïs qui enseigne son art de la guerre aux enfants tout en leur rappelant que « personne n’est à l’abri du miracle ». Et puis sans conteste, Ces âmes chagrines de Leonora Miano, qui expose les « chaînes inextricables » d’une tragédie familiale résolument contemporaine et brosse, à travers  la réalité de personnages déchirés entre deux cultures – la communauté afro-européenne étant un thème cher à l’auteur –, le portrait sans concession de certains travers de nos sociétés contemporaines.

Mais il y en aurait d’autres, Le Café de l’Imam, de Fadéla M’Rabet qui revient sur son parcours de femme engagée depuis la guerre d’indépendance et de militante féministe forcée à l’exil par le pouvoir algérien ; La grande Mêlée de Michel Tremblay qui complète la fresque familiale que le grand auteur québécois construit depuis plus de quarante ans, ou encore La belle amour humaine de Lyonel Trouillot – Haïti décryptée par un observateur haïtien, ce qui permet d’échapper aux visions misérabilistes qui ne verraient que l’éternelle et fascinante pauvreté du pays, l’auteur proposant une société qui se pense elle-même, faisant preuve d’une lucidité parfois acide.

« Notre-Dame du Nil » de Scholastique Mukasonga vient de remporter la première édition de ce prix. Qu’est-ce qui a su séduire les membres du jury selon vous ?

Scholastique Mukasonga était l’une de nos favorites. Avec Notre-Dame du Nil, c’est une sorte de méditation en creux sur la fiction que la romancière, que nous connaissions bien depuis Inyenzi ou les Cafards, La femme aux pieds nus et L’Iguifou, Nouvelles Rwandaises nous donne à lire. Centré autour d’un huis-clos de jeunes filles hutu et tutsi dans le lycée Notre-Dame du Nil, le roman donne aussi à voir en acte les enjeux éthiques et esthétiques passionnants du passage à la fiction de certains survivants du génocide au Rwanda – Scholastique Mukasonga pouvant être considérée comme un « méta-témoin » –, passant de la narration de son histoire familiale personnelle dans les témoignages antérieurs (Inyenzi ou les Cafards, La femme aux pieds nus) au roman, tout en permettant aux lecteurs peu informés sur cet évènement  souvent présenté médiatiquement de façon erronée et simpliste, de découvrir la genèse de celui-ci dans toute sa profondeur historique. Le choix de la fiction et de la fable dit en creux et de façon lumineuse les mensonges ethnologiques, coloniaux et politiques qui sont à la source de ce tragique évènement.


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