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❛Disque & Concert❜ Georg PhilippTelemann (1681-1767), Œuvres pour clavier • Olivier Baumont, des heureuses contrées à l'instant de grâce.

Publié le 14 janvier 2013 par Appoggiature @App0gg1ature

❛Disque & Concert❜ Georg PhilippTelemann (1681-1767), Œuvres pour clavier • Olivier Baumont, des heureuses contrées à l'instant de grâce.

Un disque Euromusic pouvant être acheté ICI

Né en 1681 à Magdebourg (Saxe), contemporain de Georg Friedrich Haendel et Jean Sébastien Bach, musicien autodidacte, Georg Philipp Telemann fut, si cette expression eut jamais un sens, un compositeur prolifique. Qu'on en juge ! Dans le domaine de la musique instrumentale, plus de six cents Suites pour orchestre, Symphonies, Concertos, Sonates, Duos, Trios, Quatuors, Sérénades, des pages pour clavecin et orgue... La musique vocale profane ou sacrée revendique pour sa part plus de quarante Opéras et de nombreux intermezzos, près de mille sept cents (!) Cantates d'église, quinze Messes, vingt-deux Psaumes, environ quarante Passions, six Oratorios... Et puis des Motets à huit voix, des Cantates profanes, des Odes, des Canons, des Chants. Mais n'oublions pas : la fameuse Tafelmusik - en trois productions -, la Wassermusik, les quatre Quatuors Parisiens...
❛Disque & Concert❜ Georg PhilippTelemann (1681-1767), Œuvres pour clavier • Olivier Baumont, des heureuses contrées à l'instant de grâce.
Et encore les Œuvres pour clavier, lesquelles ne comptent pas moins d'une vingtaine d'opus connus - qu'ils soient à l'état de manuscrit, ou bien édités. De cette dernière catégorie - si nous mettons à part les les trois douzaines de Fantaisies (TWV 33:01-36), les six Ouvertures (TWV 32:05-10) et le Concerto en si mineur (TWV 32:A1) - nous ne pouvons assurément écrire qu'elle est la part du legs de Telemann la plus connue, ni la plus enregistrée, ni la plus jouée au concert. La survenue du présent CD, de marque Euromusic, consacré par Olivier Baumont (ci-dessous) à quelques-unes de ces partitions, n'en est que plus appréciée.

❛Disque & Concert❜ Georg PhilippTelemann (1681-1767), Œuvres pour clavier • Olivier Baumont, des heureuses contrées à l'instant de grâce.

Olivier Baumont, © Jean-Baptiste Millot pour Qobuz.com

Olivier Baumont (ci-dessus), qui fut premier prix de clavecin et de musique de chambre au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris - et qui y enseigne depuis -, nous convie à un voyage en cette heureuse contrée des pièces pour clavier du Hambourgeois. L'image d'une heureuse contrée est bien la première qui vienne à l'esprit à l'écoute du présent recueil. Le choix des compositions, illustrant à l'envi le goût que Telemann, grand Européen devant l'Éternel, entretenait pour la musique française et italienne (1), n'est pas pour rien dans la réussite de l'entreprise ! Ajoutons-y sans hésitater le recours à divers clavecins (deux italiens, deux français, alternés en fonction du style)... et même à un clavicorde, ceci combiné au talent reconnu de l'interprète : voilà autant d'attraits, concourant à faire de cet album un enchantement.

❛Disque & Concert❜ Georg PhilippTelemann (1681-1767), Œuvres pour clavier • Olivier Baumont, des heureuses contrées à l'instant de grâce.

Georg Philipp Telemann (1681-1767)

Ainsi, de l'Ouverture en sol majeur, dans la forme et le style français, ou du Concerto en sol mineur, transcrite par J.-S. Bach pour le clavier, que Baumont nous livre avec fluidité, dans toute leur (apparente) simplicité. 
Les richissimes Fantaisies proposées, deux hexagonales et quatre ultramontaines, sont elles aussi traitées avec une liberté, un naturel, une évidence ... paraissant se jouer de la complexité de leur écriture (TWV 33-13 et TWV 33-34).
Inclure en conclusion de programme un choral de Johann Crüger (1598-1662) harmonisé par le grand Händel (Jesu meine Freude, HWV 480 – plage 33) pour honorer l'amitié profonde qui liait les deux musiciens ; puis lui faire succéder deux harmonisations éponymes (TWV 31-33 et TWV 31-34) est à nouveau une trouvaille bienvenue... même si le passage subit du clavecin italien au clavicorde peut laisser plus d'un auditeur a priori dubitatif. Le choix de de dernier instrument coule pourtant de source à l'écoute, conférant à ces trois Jesu meine Freude la teinte adéquate propre à refermer ce captivant voyage : sur une note sans doute plus méditative, mais si justement bouquetée (2).
(1) À l'image, bien entendu, des Goûts Réunis ou des Nations... chefs d'œuvres de François Couperin,  un musicien qu'Olivier Baumont a défendu et illustré dans son intégralité, en un coffret de 10 CD Warner pouvant être acheté ICI.
(2) Il convient de louer le remarquable texte autographe d'Olivier Baumont inséré dans le recueil. Son titre "Une caisse de fleurs" fait allusion à un envoi de bulbes floraux (assortis d'une lettre en français) par Händel à l'adresse de Telemann. Autour de cette anecdote, à la source des Jesu meine Freude au clavicorde, l'artiste jardine une présentation de son travail, documentée et stylée - d'une pédagogie limpide à cent lieues de tant de notices absconses, ou faméliques. Il n'est pas jusqu'à la couverture du livret qui ne file la métaphore horticole ! C'est aussi pour des élégances de cet ordre, que le CD physique garde toute sa saveur.
 Pièces à l'écoute simple, en bas d'article  Ouverture (1-01) - Acte I : Duo Nemici senza cor (Perfides ennemis, 1-16) - Acte II : Duo Figli miei, miei tesor (Chers enfants, 2-05) - Acte III : Prélude (2-11) & Finale : E che ? Io son Medea (Eh quoi ? Je suis Médée), 2-15 à 2-20)  Maria Callas, Gino Penno, Giuseppe Modesti, Fedora Barbieri, Maria Luisa Nache. Orchestre & Chœur du Théâtre de la Scala de Milan, direction : Leonard Bernstein.  Extraits de la captation radiodiffusée du 10 décembre 1953,
 Stéphane Houssier
 Paris, Théâtre des Champs-Élysées, 16 XII 12. Luigi Cherubini (1760-1842) : Médée (Théâtre Feydeau, 1797). Livret de François-Benoît Hoffman, d'après Euripide, Sénèque et Pierre Corneille,
librement adapté par Krzysztof Warlikowski & Christian Longchamp.

‣ Production du Théâtre Royal de La Monnaie (De Munt) à Bruxelles (2008),
mise en scène de Krzysztof Warlikowski.

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❛Disque & Concert❜ Georg PhilippTelemann (1681-1767), Œuvres pour clavier • Olivier Baumont, des heureuses contrées à l'instant de grâce.
Le 26 novembre 2011, au Théâtre Le Ranelagh de Paris, Olivier Baumont a choisi d'offrir un récital dérivé de ces affinités européennes - en l'occurrence, leur versant français. C'est en toute logique, par conséquent, que l'artiste a disposé, entre une ouverture (sol majeur) et deux Fantaisies (do mineur & do majeur) de Georg Philipp Telemann figurant dans le corpus ci-dessus, cinq Pièces de Jean-Henry d'Anglebert (1628-1691) et une Suite de Jean-Philippe Rameau (1683-1764).
Du premier, dont l'œuvre intégral a été enregistré par Christophe Rousset ou Scott Ross (ce dernier y ajoutant les Fugues pour orgue), Baumont sait faire ressortir l'extrême délicatesse. Ces Prélude, Allemande et autres, pas forcément d'une personnalité flagrante, requièrent, comme souvent dans l'école française, suffisamment de détachement vis à vis du texte, pour faire ressortir tout leur charme de camées. Mieux, leur élégance un peu grêle de porcelaines... ce qu'illustre à la perfection le visuel retenu pour le disque.
❛Disque & Concert❜ Georg PhilippTelemann (1681-1767), Œuvres pour clavier • Olivier Baumont, des heureuses contrées à l'instant de grâce.
Le propos change de braquet avec Rameau, ne serait-ce que par l'ampleur de la Suite en la mineur qu'il écrivit à l'âge de vingt-trois ans. Dotée de huit mouvements très contrastés (Allemande et Sarabande étant doublées), parmi lesquels une Vénitienne (1), elle est assise sur une perfection harmonique et formelle semblant ouvrir toutes grandes les portes du siècle nouveau. Elle partage également son éloquente faconde avec la verve de Telemann... lequel n'est rien d'autre, à peu d'années près si l'on y songe, que le strict contemporain du Dijonnais !
Pour servir celui-ci comme celui-là, Baumont tire profit d'un clavecin dont les volumes parfaits, tout comme la sobriété de décor, s'intègrent à merveille aux riches boiseries du Ranelagh, tout en frises, bas-reliefs et médaillons : voilà pour l'élément visuel. Dès qu'intervient le composant sonore, une alchimie particulière opère entre ce cadre, aux touffeurs de bonbonnière, et le suc capiteux que l'artiste extrait de chaque touche, avec une habileté de sorcier vaudou.
Ceci est non seulement affaire de technique (transcendante), de goût, d'intelligence dans le choix des ornements - mais aussi, dans les deux acceptions, physique et psychologiques, de tact. Ceci, en public comme devant les micros, rejoint à la lettre les explications si joliment fournies par ailleurs (note 2 de l'article précédent) : "(...) agréments, mètres dansés, notes inégales et écriture luthée pour [l'influence de] la France". De la sorte resplendit toute l'Ouverture TWV 32:13, les incessants entrelacs dynamiques le disputant à un fruité franchement exceptionnel, né  autant d'un toucher sculptural que d'un instrument hors pair.
Fidèle à sa seconde nature de pédagogue - espiègle de surcroît - Olivier Baumont ne se contente pas,  avec les deux Fantaisies, d'enfoncer le clou de la francité de Telemann : il a l'idée de rendre celle-ci plus chaleureuse, plus vivante et plus vraie, en concluant par les services d'un comédien, revêtu des atours du compositeur, qui se présenterait lui-même en quelques mots. Rien d'artificiel ni de plaqué, au contraire : en écho à de courtes phrases explicatives de bon aloi, les Tendrement et les Gayment de la musique forment avec elles un point de croix de nature à ravir l'assistance.
Telle osmose entre la plus rigoureuse investigation (adossée à un matériau d'autant plus exigeant que peu fréquenté), la plus accomplie des techniques, et le plus stimulant des dons de soi, cela porte un nom. Appelons-la l'instant de grâce.
(1) Le XVIII° siècle, s'il est le temps du déclin économique et social de la Sérénissime, est aussi celui de l'avènement de sa notoriété - à laquelle les védutistes (peintres de panoramas, vedute) Canaletto, Guardi et Bellotto contribueront de façon déterminante. Canaletto n'est que de quatorze ans le cadet de Rameau.
Pour lire l'entretien avec Krzysztof Warlikowski, sur le site Altamusica.
Pour lire la chronique de Bruno Serrou, sur son blog Musique Opéra Danse
 Jacques Duffourg
 Paris, Théâtre des Champs-Élysées, 16 XII 12. Luigi Cherubini (1760-1842) : Médée (Théâtre Feydeau, 1797). Livret de François-Benoît Hoffman, d'après Euripide, Sénèque et Pierre Corneille,

librement adapté par Krzysztof Warlikowski & Christian Longchamp.

‣ Production du Théâtre Royal de La Monnaie (De Munt) à Bruxelles (2008),

mise en scène de Krzysztof Warlikowski.
‣ Nadja Michael, Médée - John Tessier, Jason - Vincent Le Texier, Créon - Varduhi Abrahamyan, Néris -
Élodie Kimmel, Dircé - Ekaterina Isachenko, Anne-Fleur Inizan, Servantes.
ENTRETIEN avec Serrou : http://www.musicologie.org/publirem/serrou_baumont.html
http://player.qobuz.com/#!/playlist/208182
http://www.olivierbaumont.fr/

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