Magazine Journal intime

Refaire son nid

Par Pierre-Léon Lalonde
Ça fait maintenant plus d’une semaine que je ne n’ai pas affronté les rue de la ville. Que j’ai troqué les nids-de poule et mes oiseaux de nuit pour me faire réveiller par ceux du petit matin. Faut dire qu’où je suis maintenant, dans cette petite maison près de la rivière, ça piaille en masse. Je suis encerclé d’arbres qui chantent. Ça change des bruits de Montréal.
Il n’y a pas si longtemps, les gens de la ville venaient ici passer leurs vacances d’été. En bas de la Grande-Côte il y avait quelques chemins de terre qui descendaient vers la rivière des Mille-Îles. Ici et là à travers les champs on retrouvait quelques petits chalets saisonniers. Souvent à ce temps-ci de l’année, la rivière sortait de son lit et venait inonder ces basses terres. Ça n’a pas empêché les gens de venir s’y établir de plus en plus nombreux. Avec le temps les petits chemins de terre sont devenu des avenues de « garnotte » et entre les chalets et les champs, des petits bungalows se sont mis à apparaître. La campagne se transformait lentement en banlieue. C’est là que petit gars, je me suis ramassé, que j’ai grandi.
Je me souviens lors des crues du printemps, avec les autres enfants du coin, on se trouvait des vieilles planches pour se construire des radeaux. Pour peu on se serait cru dans les bayous. Quand lentement les eaux se retiraient, des centaines de poissons se retrouvaient prisonniers dans des lacs de plus en plus petits. C’était l’occasion rêvée de faire des pêches miraculeuses. Pendant ce temps, les pompes fonctionnaient sans cesse pour empêcher les caves de se remplir d’eau. Parfois y’avait rien à faire. Je me souviens de nombreux été à pelleter et étendre de la terre pour élever le niveau du terrain. Un été ça en fut trop, papa avait été obligé de faire lever la maison. Pour le faire, on avait ôté toute les briques du bungalow que personne n’aurait acheté de toute façon.
Plus tard on a construit une digue en amont. Les inondations ont cessées. La municipalité a couvert d’asphalte les petites avenues et les champs environnants ont lentement disparus. Papa a acheté celui qui se trouvait derrière chez-nous et je l’ai aidé à bâtir une belle petite maison, chaude et solide. Je n’ai pas vécu à proprement parler dans cette maison. Déjà la ville m’avait enjôlée. Ce que cette campagne était devenue ne m’attirait plus, la vie de banlieue ne me disait rien. N’empêche que cet endroit, ça reste encore et beaucoup chez-nous. J’y ai vécu de très bons moments. Quand je regarde dans la cour, je vois la maison où j’ai grandi et les champs autour ont beau avoir disparu, mes souvenirs d’enfance ne se sont pas effacés et bien entendu, beaucoup d’autres s’y sont greffés.
Depuis le décès de papa, cette petite maison est devenue bien grande. Si je me retrouve ici aujourd’hui, c’est que maman vient de la vendre. Le temps est venu pour elle de passer à autre chose, de changer de demeure, de se refaire un autre petit nid douillet.
Je vais passer les prochaines semaines en sa compagnie pour l’accompagner dans ce déménagement. Beaucoup, beaucoup de souvenirs à ressasser et à mettre en boîte…
Je délaisse donc le taxi pour quelque temps.
Je tenterai de venir de temps à autre vous écrire un petit quelque chose. ;-)

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