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L’Unédic dans le viseur de la Cour des comptes

Publié le 23 janvier 2013 par Mamzelleb @mamzelleb

La Cour des comptes vient de publier un rapport accablant sur le fonctionnement de l’Unédic intitulé « Le marché du travail : face à un chômage élevé, mieux cibler les politiques ».

Constat de la Cour des comptes

Crédit photo : espacedatapresse.com

Crédit photo : espacedatapresse.com

La Cour des comptes constate une inadéquation des politiques de l’emploi face à la montée du chômage suite à la crise économique de 2008.

L’augmentation du chômage à partir de 2009 a été plus importante en France que chez nos voisins européens. Cette augmentation a particulièrement touché les catégories les plus fragiles de la population, à savoir les titulaires d’emplois précaires, les jeunes, les salariés peu qualifiés.

La Cour des comptes déplore que la France, face à une crise économique sans précédent, a choisi une politique de l’emploi favorisant une flexiblité externe par la diminution des effectifs des entreprises et non pas par une flexiblité interne comme le chômage partiel fortement utilisé en Allemagne, permettant à ce dernier d’amoindrir sa hausse du chômage.

D’ailleurs, la Cour des comptes dans son rapport annuel de 2011 avait déjà alerté l’Unédic sur la trop faible utilisation du dispositif du chômage partiel en comparaison avec l’Allemagne, 275 000 salariés en chômage partiel au 2ème trimestre 2009 en France contre 1,53 millions de bénéficiaires allemands à la même date.

Cette dégradation de la situation des travailleurs précaires a accentué à partir de 2009 le dualisme du marché du travail face aux travailleurs relativement protégés par l’emploi et ceux dont l’emploi est temporaire subissant des mobilités fréquentes non volontaires.

Enfin, la Cour des comptes fait un bilan négatif des dispositifs en faveur du retour à l’emploi insuffisamment ciblés sur les publics en difficulté, ramenant les plus précaires en situation de chômage : formation professionnelle, contrats aidés, activité partielle de longue durée (APLD), contrat de transition professionnelle (CTP), convention de reclassement personnalisé (CRP), le contrat de sécurisation professionnelle (CSP).

A cela s’ajoute la multiplicité des acteurs de la politique de l’emploi et de la formation professionnelle dont les rôles et les comités de pilotage se superposent et ont pour finalité de nuire à la mise en œuvre des politiques de l’emploi ciblées. La Cour des comptes table sur les réflexions menées sur la décentralisation pour simplifier les dispositifs et pour redonner de la cohérence à cette gouvernance.

Financement de l’assurance chômage

Pour la Cour des comptes, le financement de l’assurance chômage est devenu « difficilement soutenable », dénonçant une convention d’assurance chômage de 2009 trop protectrice par rapport au système assurantiel des autres pays européens.

Selon la Cour des comptes, les règles d’indemnisation du régime d’assurance chômage influent sur l’incitation des demandeurs d’emploi à retrouver une activité.

La Cour des comptes accable l’Unédic dont la dernière convention n’a pas ciblé une protection des chômeurs les plus précaires mais elle a élargi les conditions d’accès à l’indemnisation pour tous les demandeurs d’emploi.

En effet, la convention d’assurance chômage du 19 février 2009 a diminué la durée minimale de travail requise pour pouvoir bénéficier des allocations chômage, passant de 6 mois à 4 mois, et a allongé la période de référence de 22 mois à 28 mois. La durée maximale d’indemnisation est de 24 mois (pour les moins de 50 ans). Elle a également supprimé les différentes filières en vue d’une simplification des règles d’indemnisation.

La convention d’assurance chômage du 6 mai 2011, signée par tous les partenaires sociaux, n’est qu’une reconduction de celle de 2009 ne prenant pas en compte la dégradation économique du pays. Elle ne remet pas en cause le montant des allocations chômage, une éventuelle dégressivité des allocations et maintient la simplification des filières et les modalités d’indemnisation des intermittents du spectacle et des salariés intérimaires.

L’Unédic n’a pas su réagir et réformer le système d’indemnisation du chômage en France face à la récession économique et à la dégradation du marché du travail comme l’ont fait les pays membres de l’OCDE.

La Cour des comptes constate que le régime d’assurance chômage est fragilisé par :

  • la diminution de son « taux de couverture » passant de 48,5% en 2009 à 44,8% en 2011
  • la complaisance des demandeurs d’emploi qui abusent du dispositif de l’activité réduite, leur permettant de cumule l’ARE avec leur rémunération (de 880 000 bénéficiaires en 2009 à 1,1 million bénéficiaires en 2011)
  • l’articulation complexe du régime de solidarité (RSA, ASS)
  • la dégradation de sa situation financière, passant de 9 milliards d’euros de déficit en 2009 à 18,6 milliards d’euros d’ici à fin 2013

La Cour des comptes pointe notamment le régime d’indemnisation des intermittents du spectacle. Dans son rapport annuel de 2012, elle évoquait « la persistance d’une dérive massive » de ce régime. Les intermittents du spectacle représentaient en 2010 un tiers du déficit de l’assurance chômage dans son ensemble. Sur 10 ans, le régime des intermittents a créé un endettement de 9,1 milliards d’euros. Pourtant, ils ne constituent que 3% des demandeurs d’emploi, soit 106 619 bénéficiaires en 2010.

Quant au régime d’indemnisation des travailleurs intérimaires, il est déficitaire de -1,7 milliards d’euros en 2011.

La Cour des comptes préconise :

  • le plafonnement de l’ARE pour les rémunérations élevées, pour les cadres
  • une dégressivité des allocations chômage
  • un examen approfondi du taux de remplacement
  • une rédéfinition des règles différenciées entre les techniciens du spectacle et les artistes pour diminuer le déficit de l’Unédic
  • la suppression de l’aide différentielle au reclassement (ADR) versée pour compenser une perte de salaire à la reprise d’un nouvel emploi
  • la simplification des dispositifs d’incitation à la reprise d’activité entre la prime pour l’emploi (PPE), le RSA activité et l’allocation d’activité réduite
  • le réexamen des règles d’indemnisation en activité réduite
  • une meilleure articulation du régime d’assurance chômage et du régime des allocations de solidarité
  • une amélioration des échanges entre l’Unédic, Pôle emploi et les services de l’Etat afin de prévoir avec précision les effectifs susceptibles de rejoindre les dispositifs de solidarité en vue d’une juste budgétisation
  • la mise en œuvre d’un taux de contribution décroissant pour les employeurs en fonction de la durée des contrats intérimaires

Un rapport à charge !

Ce rapport, fustigeant l’Unédic et pas Pôle emploi, est publié après la signature de l’accord sur la sécurisation de l’emploi du 11 janvier 2013 et avant le début des discussions des partenaires sociaux sur la renégociation de la prochaine convention d’assurance chômage.

La Cour des comptes préconise la dégressivité des allocations ou un plafonnement des allocations chômage des hauts revenus, des cadres. Le dispositif de dégressivité a existé et a pourtant été supprimé en 2000 par la mise en place du PARE sous le gouvernement Jospin.

Le contexte actuel est différent. Avec la crise économique qui a touché la France à la mi-juillet 2008, le chômage n’a cessé d’augmenter pour atteindre aujourd’hui 4 617 400 chômeurs au mois de novembre 2012 (catégories A, B et C) dont 2 283 300 sont indemnisés. Le nombre de chômeurs indemnisés augmente mécaniquement le déficit de l’Unédic. Ce déficit n’est pas forcément la conséquence d’une mauvaise gestion de cet organisme paritaire.

D’ailleurs, les dernières prévisions financières ont été revues à la hausse avec un déficit de -4,2 milliards d’euros pour 2012 avec une dette annuelle de -17,4 milliards d’euros et un déficit de -5 milliards d’euros pour 2013 pour atteindre une dette annuelle de -18,6 milliards d’euros. L’Unédic a obtenu des garanties et est transparente sur son financement.

Il est nécessaire de rappeler que la crise économique n’a pas uniquement engendré les licenciements de salariés rémunérés au SMIC. Le marché des cadres a également été touché.

Les cadres cotisent à l’assurance chômage et il est logique que dans un système assurantiel égalitaire, ils perçoivent des allocations chômage calculées sur le montant de leurs rémunérations précédentes.

Si les allocations chômage des cadres devaient être revues à la baisse, il faudrait que ce différentiel soit également répercuté dans les dépenses du ménage et notamment sur le montant du loyer. Cette diminution aussi importante de revenus a une incidence notable dans le quotidien d’un nouveau demandeur d’emploi. La dégressivité des allocations ou un plafonnement des allocations chômage des cadres amèneraient la France vers une paupérisation de sa population.

Les chômeurs cadres ou non cadres ne se complaisent pas au chômage, se contentant de percevoir des allocations. La dégressivité des allocations ou une durée moindre d’indemnisation n’aura pas d’effet miracle sur un retour plus rapide à l’emploi. Ils subissent la dégradation du marché du travail. D’ailleurs la DARES précise pour le mois de novembre 2012 que la durée moyenne d’inscription sur les listes de Pôle emploi des demandeurs d’emploi sortis des catégories A, B, C est de 254 jours et leur ancienneté de 474 jours.

Par contre, le coût de l’indemnisation des intermittents est à revoir. Déjà épinglé par la Cour des comptes dans son rapport de 2010, il serait intéressant de revoir ce dispositif lors de la prochaine négociation de la convention d’assurance chômage.

Les dysfonctionnements de Pôle emploi suite à une fusion ratée ne doivent pas légitimer une remise en question des allocations chômage. Ce n’est pas aux demandeurs d’emploi de pallier à l’inefficacité de Pôle emploi (dont le rapport budget / efficience n’est jamais remis en question) et au déficit de l’assurance chômage.

Quant à l’indépendance de l’Unédic, elle a été maintes fois remise en question…

Le ton est donc donné pour la prochaine négociation de la convention d’assurance chômage, le gouvernement se défaussant sur les partenaires sociaux….qui devront signer à l’unisson la convention dans ce monde idéal du dialogue social.

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