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La brillante idée de la semaine

Par Inactuel

Par: Jules

« Aujourd’hui, ces manuels [scolaires] s’obstinent (sic) à passer sous silence l’orientation LGBT (lesbien, gay, bi et trans) de certains personnages historiques ou auteurs, même quand elle explique une grande partie de leur œuvre comme Rimbaud. »

La brillante idée de la semaine
Voici ce qu’a déclaré Najat Vallaud-Belkacem, ministre des Droits des femmes dans une récente interview accordée au magazine Têtu. Le projet évoqué consiste à indiquer dans les manuels scolaires l’orientation sexuelle des auteurs présentés. La preuve d’une bêtise aussi crasse ne laisse pas de m’inquiéter, pour de multiples raisons.
La brillante idée de la semaine

La première, la plus évidente, porte simplement sur l’utilité d’un renseignement comme celui-là dans le cadre de l’étude littéraire du texte proposé. Un texte, une fois jeté sur le papier, n’appartient plus à son auteur, il en est séparé comme le fruit, une fois tombé, diffère de l’arbre. En quoi le fait que l’auteur soit homosexuel apporte t-il un quelconque éclairage ? Ce que sécrète un texte, le carrefour des sens et des interprétations possibles est bien en dehors des considérations biographiques. S’y raccrocher pour expliquer le texte, comme celui qui se raccroche aux branches en tombant de l’arbre, c’est justement montrer qu’on veut éviter le texte et qu’on est incapable de l’expliquer. Soyons honnête: la majorité des élèves actuels sont incapables de situer les auteurs, de remettre convenablement tel écrivain dans son contexte historique ou dans un courant littéraire. N’est-il pas plus utile d’insister (encore) là-dessus au lieu de pointer du doigt telle curiosité ?
Car il faut en convenir: cela est vu comme une curiosité, visant davantage à appâter l’élève avec un fait croustillant, bien qu’inutile, qu’à apporter un éclairage significatif sur le texte étudié. « Donc ce poème de Rimbaud, célèbre dramaturge homosexuel des Lumières… », et pourquoi pas « l’incipit du Voyage au bout de la nuit, grand poème humaniste de Céline, qui était nazie, le saviez-vous Monsieur l’examinateur ? » … Oui, si vous vous marrez, c’est que vous n’avez jamais fait passer d’oral du bac de français. La seule chose qu’ils retiendront de Verlaine, c’est que ce salopard a quitté sa femme pour Rimbaud, ou de Gide, c’est qu’il aimait bien les petits garçons. On reste dans l’air du temps, où tout ce qui marque doit être original. Le petit fait vrai (ou non, d’ailleurs) prévaut sur l’argumentation solide, sur la connaissance, comme si celui-ci sous-entendait celle-là.
En plus de rendre amusant ces écrivains, en les tirant de leur poussière dans laquelle ils moisissent depuis des siècles, montrer leur orientation sexuelle les rend forcément plus proche, plus concret. Et la proximité, c’est important; forcément: il faut « banaliser ce fait », pour reprendre les termes de notre chère ministre. Ca c’est intéressant: s’il faut banaliser le fait, c’est qu’il n’est pas b anal. En d’autres termes, c’est comme si on disait: « voyez, vous n’êtes pas si anormal que ça ! Même Mauriac il aimait se faire enfiler, et même que Verlaine il roulait à la voile et à la vapeur. Donc soyez rassuré: vous êtes normal ». L’histoire littéraire aussi donne dans le social, car tout est social, tout est fait humain et il n’y a pas de normalité ou d’anormalité ! Ben voyons. Je serais homosexuel, je le prendrais plutôt moyennement bien, quand même, comme si la caution de Rimbaud me permettait de légitimer mon orientation sexuelle. Les auteurs tristement normaux, du coup, vont voir leur côte de popularité fondre au soleil. Genet est bien plus fashion que Bernanos, et Foucault plus intéressant de ce rabat-joie de Kant, après tout.

Alors que penser de cette suggestion ? A mon humble avis, que c’est une connerie. Mais que cette stupidité montre justement l’inverse de ce que la ministre prétend faire: à tout dissocier sous prétexte d’égalité, on nivelle  on confond des choses qui n’ont rien à faire dans le débat. Cela montre aussi que la question de l’orientation sexuelle est encore un problème, stigmatise encore des peurs et des questions. Et au lieu de parler, simplement de parler, on légifère, on isole par des règlements et des propositions de loi, on mon(s)tre. Et cela me paraît assez inquiétant.



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