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MUSIQUE : The Love Drones, premier album

Par Misteremma @misteremma

On peut reprocher beaucoup de choses au rock FM des Killers, mais l’histoire de la pop music retiendra peut-être la grande question que pose le groupe dans sa chanson Human : « are we human or are we dancers ? ». A sa façon, la nouvelle sortie du label belge Freaksville y répond avec un pas de coté grâce à ces Loved Drones qui explorent un continent longtemps délaissé par l’homme : la pop planante, instrumentale et métronomique, pour les robots qui souhaitent user leurs boulons sur la piste de danse.

Initialement conçu comme un hommage au krautrock – que l’Europe n’arrête pas de remettre à l’honneur depuis dix ans – le « Tangible Effect of Love » des Loved Drones a au fil des séances d’enregistrement muté en quelque chose de plus sentimental, à rapprocher davantage des longues plages psyché de Brainticket que des envolées répétitives de Neu ! et autres figures du rock allemand des 70’s, encore qu’on puisse voir dans la courageuse réhabilitation de la flute un clin d’œil subtil au premier LP de Kraftwerk. Le tout doublé d’un pacemaker, au cas où le cœur flanche…

Faisant suite à cinq longues années de recherche électrique qui virent Freaksville s’imposer comme l’un des maitres étalons du rock garage de l’Europe Centrale, The Loved Drones inaugurent un virage, si ce n’est radical, du moins rafraichissant, dans l’histoire du label. Après avoir désossé le rock avec le groupe Ufo Goes UFA, maquillé la pop avec Marie France ou Lio, ou bien encore rhabillé le songwriting pour l’hiver avec les textes cinglants du cowboy Jacques Duvall, voici donc venue l’heure pour Phantom, backing-band de luxe ayant servi sur chacun des projets précités, d’emprunter un sentier plus électronique où les synthés font office de boussole et où les humains sont relégués au second plan. Sans qu’on puisse écrire pour autant que The Loved Drones compose en pilote automatique, règne sur ce premier album un parfum de modernité telle qu’on l’imagine dans les boums pour adolescents des années 2020. Condensé de Library music culte (« La planète sauvage » d’Alain Goraguer, les B.O. de Dario Argento par les italiens de Goblins), la musique de ces drôles de drones flirte avec le romantisme dès la chanson d’ouverture, Tangible, longue plage de jazz rock génétiquement modifié où se croisent Fender Rhodes, harmonies vaporeuses et rythmes kraurock. La suite du disque est à l’avenant, indéfinissable et pourtant très précise, alternant les morceaux où le clavier tient le rôle du chanteur de tête (Redcity) et ceux qui donnent l’impression que John Carpenter s’est reconverti dans la littérature érotique (Hinderburg Omen).

Après tant d’années à servir d’autres qu’eux ou accompagné Damo Suzuki, Stereolab ou encore Laetitia Sadier, le « groupe d’intervention musicale » longtemps tapi dans l’ombre semble donc frappé par une crise d’émancipation salutaire. Composé de deux freaks anglais amoureux des synthétiseurs (Android 80 et Man From Uranus), mais aussi du fabuleux Georges Hermans aux Fender Ehodes, de Jean François Hustin à la flute traversière et d’un invité de marque en la personne d’Emmanuelle Parrenin (icône underground de la folk expérimentale des 70’ avec son groupe Topaze), The Loved Drones est mené à la baguette par Benjamin Schoos, dont le dernier album pop « China Man Vs China Girl » a rencontré le succès outre-Manche.
Parce que même chez les robots l’amour est un sport collectif intangible, pas de chanteur chez les Loved Drones. Si c’est une première dans l’histoire du label, « The Tangible Effect of Love » n’en reste pas moins ambitieux et soucieux de défricher sa route 66 très subjective, de Londres à Liège en passant par Berlin. Autant d’éléments qui permettent enfin de répondre à la question initiale : les Loved Drones sont-ils des humains ou des danseurs ? « Ni l’un ni l’autre » dirait l’autre freak belge Arno, « putain putain, ces gens là sont surtout européens ».


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