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L’homosexualité des Invisibles, par Sébastien Lifshitz

Publié le 17 novembre 2012 par Aurelieb @aureliebacheley
Les Invisibles, Sébastien Lifshitz

Les Invisibles, Sébastien Lifshitz

Les Invisibles, film de Sébastien Lifshitz sélectionné au Festival de Cannes en 2012 était présenté au Magic cinéma, mercredi 14 novembre dans le cadre de la douzième édition du festival Résonances qui s’est achevé hier à Bobigny. La particularité de ce festival est de donner la place au « cinéma citoyen » : si tous les films ne sont pas militants, ils sont en tout cas engagés, et explorent des  thématiques au cœur de l’actualité sociale et politique. Cette année, c’est la jeunesse qui est mise en avant. Avec Les Invisibles, Sébastien Lifshitz explore l’homosexualité des personnes nées dans l’entre-deux guerres. Alors on ne voit pas bien ce que vient faire la jeunesse là-dedans, si ce n’est les nombreuses référence à la bataille pour la libération des corps en 68. Peu importe, Sébastien Lifshitz est parvenu à se faire une petite place pour donner la parole à ceux qui veulent causer un peu. C’est bien le principal.

Thérèse Clerc, féministe et témoin

Les invisibles sont ces témoins dont on ne parle pas, ces paroles oubliées,  enfouies dans les méandres des tabous qui existent encore mais étaient plus forts à leur époque. L’homosexualité, si elle était déjà revendiquée par les collectifs de la jeunesse de Mai 68 peine encore à devenir « normale » comme on dit. La normalité : c’est précisément à cela que Thérèse Clerc, féministe des années 60 et témoin dans Les Invisibles rejette. Pour elle, l’hétérosexualité comme d’autres phénomènes de société sont « culturels ». C’est par exemple le cas pour le mariage, dont elle ne débat pas, estimant que « gay ou non », le mariage est « l’enfermement de la famille ». Alors ce n’est pas son affaire à Thérèse Clerc. Elle pense que « c’est bien que la loi soit pour tous », mais on sent que pour elle le mariage est une course inconsciente à la mort de la liberté. Elle préfère parler de la force de l’amour qui résiste au temps : « la sexualité existe encore quand on est vieux (…) ce n’est pas vrai que l’on ne fait plus l’amour à 50 ans. » dit-elle, avant d’ajouter avec beaucoup d’humour «  bon, d’accord, on est modestes, il ne faut pas croire que c’est comme à 20 ans »… Mais tout de même. Suite à la projection du film, Thérèse Clerc a donc montré toute sa gratitude à Sébastien Lifshitz qui aborde deux tabous qui se croisent : l’homosexualité et la vieillesse. « Il y a une  nécessité absolue de montrer le grand âge dans l’homosexualité » estime la militante qui a connu la marginalité toute sa vie et y a trouvé son compte : A partir de Mai 68, elle a intégré la subversion. La lutte pour les droits des femmes est devenue sa « manière d’être » à l’origine de son épanouissement.

Une photo, un film

Sébastien Lifshitz a été à la rencontre de Thérèse Clerc après avoir déniché, en passionné de photographie, une vieille photo sur laquelle apparaissait deux femmes : «  je suis tombé dans une brocante sur une photo de deux veilles femmes (…) Je me demandais ce qu’elles étaient l’une pour l’autre. » C’est parce qu’il « sentait quelque chose d’autre » que Sébastien Lifshitz est allé à la recherche d’autres photos de ce type sur lesquelles il décelait « une homosexualité intime » qui semblait procurer à ces personnes « une liberté et un certain bonheur ». Il a alors décidé de leur « poser la question » comme il dit. Voilà de quoi est né ce documentaire : une suspicion, une curiosité pour ceux dont on ne parle pas.

Sept parcours

Pour faire ce documentaire, Sébastien Lifshitz a rencontré « 70 personnes pendant environ un an » grâce à plusieurs associations de lutte contre l’homophobie et pour le droit des femmes. Il a finalement  statuer sur sept personnalités singulières répondant à différents critères : « savoir parler devant la caméra, prendre de la distance par rapport à sa propre histoire, avoir des photos et documents appuyant ses propos (…) »  et vivre dans des lieux « suffisamment cinégéniques ».  Le spectateur découvre alors des couples homosexuels des deux sexes, filmés tantôt dans des scènes de vie quotidiennes, tantôt en train de témoigner de leur vie sentimentale. Le réalisateur propose un travail de montage savamment organisé entre les archives (photos et vidéos) et les témoignages de ces fortes personnalités qui ont au moins un point commun : elles aiment la vie et ont accueilli l’homosexualité comme un élément naturel, sauf qu’elles étaient les seules à le vivre comme tel. Les déclarations sont d’autant plus bouleversantes et le documentaire d’autant plus riche que « chaque vie est singulière », « chaque parcours est différent » explique Sébastien Lifshitz. Ce documentaire envoie valser « Alzheimer, cancer et trou de la sécu’ (…) ces termes qui riment avec ‘vieux’ dans les médias » ce que déplore le réalisateur, pour privilégier l’humour et le bonheur de vivre vieux, à deux, avec un seul sexe. Les Invisibles, où l’amour malgré le combat avec soi-même et les autres. C’est évidemment à ne pas manquer, le 28 Novembre en salle.



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