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Chômage et pénurie de main-d'oeuvre

Publié le 29 janvier 2013 par Raphael57

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Retour sur une situation qui faisait déjà la une du journal de France 2 en 2000 (cliquer sur l'image pour voir la vidéo sur le site de l'INA) :

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La situation perdure aujourd'hui, avec d'un côté un chômage en hausse et de l'autre des entreprises qui ont de plus en plus de mal à recruter.

Taux de chômage au sens du BIT

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[ Source : INSEE, enquête emploi ]

Comment peut-on mesurer la pénurie de main-d'oeuvre ?

Il est souvent fait appel à l'enquête Besoins en Main-d'Oeuvre (BMO) de Pôle emploi, réalisée avec les directions régionales et le concours du Crédoc. Elle est basée sur un questionnaire envoyé à près de 1,7 million établissements afin de connaître leurs besoins en recrutement par secteur d’activité et par bassin d’emploi.

Plus précisément, L’enquête porte sur l'ensemble des employeurs hors administrations de l’État (Ministères, Police, Justice…) et entreprises publiques (Banque de France…). Cette définition correspond au total à 2 300 000 établissements pour la France (extraits du répertoire SIRENE), dont 1 650 000 ont été interrogés cette année. Finalement, ce sont près de 410 000 établissements qui ont répondu au questionnaire, ce qui a nécessité un redressement des résultats pour être représentatifs de l'ensemble des employeurs nationaux.

Cette enquête permet par conséquent tout à la fois de cerner les difficultés de recrutement et d'orienter les chômeurs vers des formations ou des métiers porteurs.

Quels sont les métiers les plus recherchés selon l'enquête BMO ?

Regardons d'abord la répartition du nombre de projets de recrutement suivant le niveau de qualification des postes :

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[ Source : Enquêtre BMO 2012 ]

Les métiers les plus recherchés en 2012 furent les suivants (cliquer sur l'image pour l'agrandir) :

Metiers-recherches-2012.jpg

[ Source :Enquête BMO 2012 ]

Ainsi, en dehors du secteur agricole qui recrute massivement des emplois saisonniers, l'essentiel des volumes anticipés de recrutement en 2012 étaient générés par le secteur des services aux entreprises (agents d’entretien,...), des services à la personne (aides à domicile, aides-soignants,...) l’industrie (ingénieurs, cadres d’études,...) et le secteur commercial (vendeurs, employés de libre-service,...).

On notera également que plus l'entreprise compte de salariés, plus elle a tendance à recruter (cliquer sur l'image pour l'agrandir) :

Tailles-entp-recrutement-2012.jpg

[ Source : Enquête BMO 2012 ]

Quels sont les métiers qui ont les plus fortes difficultés de recrutement ?

Selon les résultats de l'enquête BMO 2012, 42,6 % des prévisions d’embauche sont assorties de difficultés de recrutement. Les 15 métiers rassemblant le plus grand nombre de projets de recrutement jugés difficiles sont en 2012 (cliquer sur l'image pour l'agrandir) :

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[ Source : Enquête BMO 2012 ]

Ainsi, les métiers des services aux particuliers (cuisiniers, aides à domicile, employés de maison…), de l’industrie (ingénieurs et cadres d’études) et de la santé (infirmiers), rassemblaient une majorité de projets de recrutements considérés comme problématiques par les employeurs. Bref, les difficultés de recrutement touchent autant les métiers peu qualifiés, que ceux qui nécessitent une expertise pointue. Mais comme on pouvait s'y attendre, ces difficultés sont plus importantes dans les petites entreprises.

Pourquoi y a-t-il des difficultés à recruter ?

Cette inadéquation persistante entre l'offre et de la demande de travail tient à plusieurs raisons que l'on peut citer ici pêle-mêle (liste loin d'être exhaustive) :

* un manque de qualification : les employeurs font appel de plus en plus à des compétences élevées, que nombre de candidats à un poste ne possèdent pas, soit qu'ils n'ont pas de formation soit que celle-ci fut trop généraliste (il y aurait fort à dire sur toutes ces formations commerciales qui font croire aux jeunes qu'ils apprennent un savoir extraordinaire, alors que cela relève de la simple pratique commerciale que nos parents apprenaient sur le tas avec un certificat d'études...). Mais dans de nombreux cas il faut admettre que les entreprises deviennent si exigeantes que le bon profil s'apparente à un mouton à 5 pattes ! Il y aurait du reste beaucoup à dire à ce sujet, car le but premier de l'Université est-il réellement de créer les filières que les entreprises souhaitent, au risque de tomber dans des effets de mode ou pire de perdre de vue la mission première de l'enseignement supérieur : la formation, la recherche et sa diffusion ?

* des conditions de travail difficiles en termes d'horaires et de pénibilité : dans le secteur des services à la personne les conditions de travail sont ainsi souvent perçue comme difficiles tant en raison du fractionnement des heures de travail que de l'emploi lui-même.

* des contrats de travail précaires : certes, le contrat à durée indéterminée (CDI) constitue toujours la règle, mais la part des contrats à durée déterminée (CDD) dans les embauches est désormais d'environ 80 % ! Ces contrats de travail à durée limitée représentent dès lors moins un tremplin vers l'emploi stable qu'une trappe à précarité...

* des salaires peu attrayants que les réductions de charges accordées aux entreprises au niveau des bas salaires ne font qu'accentuer. J'en avais rendu compte dans ce billet consacré à la compétitivité de la France, où j'avais expliqué que depuis 1993 les gouvernements successifs réduisent les charges sur les bas salaires afin d'inciter les employeurs à embaucher... ce qui cloue littéralement les salariés au SMIC pour très longtemps !

* une vision du travail dévoyée : à combien d'ingénieurs a-t-on dit et répété que les métiers de la finance, bien qu'improductifs ces dernières années, étaient mieux rémunérés et plus intéressants (sans que l'on sache très bien ce que ce mot signifie...) ? Dans une société qui fait la part belle à l'argent vite gagné, le monde de la finance est bien évidemment plus attrayant que l'industrie, qui pourtant est fondamentale pour relever notre balance courante et réduire le taux de chômage. On peut associer cet argument à la perte de sens que ressentent nombre de salariés, qui ont l'impression que leur travail n'est plus reconnu à sa juste valeur, les considérations financières des actionnaires l'emportant sur toute notion de qualité. 

Cette semaine, j'ai profité de mon passage sur Mirabelle TV pour évoquer cette inadéquation entre chômage et pénurie de main-d'oeuvre. C'est à voir dans le Grand rendez-vous du lundi à partir de la 16e minute :

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[ Cliquer sur la photo pour lancer la vidéo ]


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