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Le rakugo : des rires et des larmes

Publié le 31 janvier 2013 par Carnetauxpetiteschoses @O_petiteschoses

Si vous êtes prêts on embarque à nouveau pour Edo (ou le Tokyo du 17ème siècle)… pour cette fois y visiter les théâtres et pour en savoir plus sur l’art de raconter et de jouer des histoires amusantes.

Il y a quelques mois déjà que j’ai eu l’occasion d’assister à cette belle conférence à la Maison du Japon, mais je tenais à la retranscrire car elle fait autant voyager qu’elle donne un bon aperçu de cet art typique japonais qu’est le rakugo, et de fait elle est atemporelle.

C’est en compagnie de Sankyô Yanagiya, grand maître du rakugo que nous allons effectuer ce voyage, pour situer l’art du rakugo et son histoire, mais aussi comprendre comment les histoires sont jouées, et les astuces du conteur. A l’issue de cette sensibilisation au rakugo, Sankyô Yanagiya et Ryûtei Saryû, son disciple, ont effectué des démonstrations sur-titrées que j’essaierai de retranscrire, mais cela vaut avant tout le coup d’œil.

Mais qu’est-ce que le rakugo ?

rakugo
Le rakugo est une forme de théâtre où dans le discours plusieurs personnages sont mis en scène, tous joués par le même maître qui signifie le passage d’un personnage à l’autre par de légers signes du corps qui vont immédiatement indiquer au public le changement de focalisation. Le but du rakugo est de faire rire, tant dans le jeu d’acteur que dans le message, ainsi le jeu sur la langue est travaillé (jeux de mots, homonymie provoquant des qui pro quo). La portée des récits porte souvent une certaine réflexion que l’on peut mener librement.

Le rakugo qui sera présenté dans le cadre de cette conférence reprend le style d’Edo, qui nous permettra de comprendre l’ambiance de l’époque, des expériences humaines et la vie du quartier de Hakusa.

Un peu d’histoire…

theatre-kabuki
Aujourd’hui, il y a cinq théâtres spécialisés dans l’art du rakugo à Tokyo. Ils sont appelés « yose », car quand on conte les histoires aux gens, on les rassemble (le verbe se dit « yoseru »). A l’époque d’Edo, c’est-à-dire entre 1603 à 1868, il existait 300 théâtres rakugo. Il y avait facilement un théâtre par quartier, et les gens s’y rendaient fréquemment.

Mais la profession de conteur ou de rakugota, existait bien avant ce temps là. Ils étaient appelés hotogushi, du mot hotogui qui désignent les histoires merveilleuses racontées aux enfants. Avant chaque seigneur féodal (daimyo) avait ainsi un conteur à ses côtés, ce qui nous fait un peu penser aux bouffons qui divertissaient leur maître. A cette époque, ils servaient aussi à lever les tensions en temps de guerre à l’aide de leurs histoires.

Il y a un millénaire, il y eut beaucoup d’échanges entre le Japon et la Chine, notamment sur le plan culturel. Des ambassadeurs japonais étaient envoyés dans la Chine à l’époque des Tangs, et ils ont ramené le bouddhisme, mais aussi des produits comme des médicaments etc… Pour faire du prosélytisme, les moines bouddhistes racontaient des histoires. Mais elles étaient compliquées, peu de gens étaient lettrés, et peu de gens savaient lire. Aussi les moines pensent à l’humour comme recours à leurs histoires. Introduisant cette composante dans leur récit, permettra selon eux, de mieux faire passer les messages. C’est ainsi qu’ils gagnent l’adhésion de leur public et la diffusion de leurs histoires qui se répandent.

Plus tard le Japon est unifié et les conteurs perdent leur emploi car il y a moins de batailles. Les conteurs avaient un rôle d’espions, car ils allaient de région en région, en murmurant des messages à l’oreille des seigneurs ou en glanant des informations. En temps de paix, leur nécessité disparait.

Les histoires racontées par les moines et ces premiers conteurs, seront rassemblées donnant les prémices du rakugo.

C’est Anrakuan Sakuden, prêtre bouddhiste qui se distingua pour sa qualité à raconter les histoires. Il fut à l’origine du rakugo et ses anecdotes sont réunies dans un ouvrage intitulé « seisuishô ».

On doit les deux accessoires du rakugo que sont l’éventail et la serviette à Sanyûtei Enshô. Scénariste émérite, il écrivait pour le kabuki et racontait des histoires rakugo.

Mais les récits évoluent pour faire rire les gens, il faut s’adapter aux mentalités et à l’époque.

Comment sont jouées ces histoires ?

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Très peu d’écrits et de récits permettent de remonter aux origines du rakugo. Si dans chaque pays, on raconte des histoires amusantes, leurs traces ou leurs auteurs tombent dans l’oubli dès lors que l’on dépasse deux siècles.

Le conteur ou rakugota est seul sur scène, il porte un vêtement appelé le mounski, qui est un kimono ample. Sur les manches, il y a un motif rond, qui est le symbole de sa famille (comme un blason).  Il porte un pantalon cousu à l’entrejambe, comme une jupe et porté habituellement par le samouraï.

Les personnages joués sont diverses, et il peut même y avoir des animaux. Le fait de regarder à gauche ou à droite, signifie que l’on change de personnage.

Ont suivi quelques démonstrations très amusantes et convaincantes. Le maitre Sankyô Yanagiya, nous a ainsi montré comment il mimait certains objets ou comment il faisait comprendre la stature d’une personne, son âge etc…

Avec la présentation d’un sabre, il présente un exemple significatif : il mime le fait qu’il sorte la lame du fourreau, puis il y jette un coup d’œil. En forçant les traits, il montre que la lame ne doit ni paraitre trop courte, ni trop longue. Il est simple aussi de jouer un enfant et un parents, tantôt en regardant en l’air comme le ferait un petit garçon, tantôt en regardant en bas comme le ferait un père. Ce serait bizarre de voir l’inverse !

Il nous explique que dans la posture et la gestuelle, le serviteur cherche à se faire petit alors que le seigneur s’efforce de paraitre imposant.

Il présente aussi la dégustation de nourriture. Si on est plutôt silencieux quand on mange en France, quand on mange des sobba au Japon, il « faut » faire du bruit. Le maître mime la dégustation de ces nouilles, et avec les sons, c’est vrai qu’on se prend au jeu pensant qu’il en mange réellement. Il en fait de même avec les udon, ces pates plus épaisses. On voit la différence ! Il y a donc un vrai jeu de gestes en plus du jeu qui est aussi fait avec les mots et leur sens.

Et comme il est compliqué de retranscrire sans l’image les histoires racontées ce soir là, et qu’il est difficile de trouver des prestations sur-titrées comme c’était le cas à ce moment, voici un extrait de spectacle en français, pour au moins avoir un aperçu du rakugo :

Et voir toutes les conférences :
à la Maison de la culture du Japon à Paris
101 bis, quai Branly
75015 Paris


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