Magazine Asie

Protection, une fanfic sur la série Sherlock : chapitre 18 & 19 / 24

Par Kaeru @Kaeru
Protection, une fanfic sur la série Sherlock : chapitre 18 & 19 / 24
Liste des chapitres : 01 - 02 - 03 - 04 - 05 - 06 - 07&08 - 09 - 10&11 - 12 - 13&14 - 15 - 16 - 17 - 18&19 - 20 - 21 - 22&23 - 24 - bonus - épilogue
Cette semaine, alors que je pars en vadrouille pour quelques jours sur la Côte d'Azur, je vous laisse avec deux chapitres. Le pauvre John n'est pas au bout de ses peines avec son génial colocataire !
Si vous ne connaissez pas excellentissime série de la BBC "Sherlock", voici un article pour commencer.
Chapitre 18
Nous sommes assis sur un banc du parc de St James. Les gamins les plus chanceux sont sortis des écoles huppés du quartier et gambadent joyeusement dans leur uniforme. Un couple de jeunes punks se chamaillent bruyamment. Deux petits vieux font la causette. Une jeune femme d'une trentaine d'années remplit une grille de mots croisés en face de nous. Je me masse le cou, d'un geste distrait, et regarde le ciel. Les nuages disparaissent à l'horizon et le soleil de septembre réchauffe l'atmosphère.
Au loin, le bruit d'une sirène. J'ai la tête cotonneuse, un peu comme un lendemain de cuite. Ça va trop vite. Je fouille dans ma poche et sort mon mobile. La batterie est à plat. J'ai totalement zappé de le rechargé hier...— Tu as du feu ?La question incongrue me sort de ma rêverie. — Quoi ?Sherlock manipule un paquet de cigarettes. Je lui arrache des mains. Un geste réflexe dont la rapidité me surprend moi-même. — C'est pas vrai ? Tu as recommencé ? Après tant d'efforts...— Non. Lestrade a rechuté. Je lui ai piqué dans son bureau. Je secoue la tête. J'avais oublié qu'il avait cette manie. Faire les poches de l'inspecteur quand ce dernier lui tape sur le système. Pour aujourd'hui, je l'excuse. Mais je ne lui rends pas le paquet. Il y a une poubelle juste à proximité. Il a toujours cet air de satisfaction qui flotte sur son visage. Je préfère quand même le voir comme ça.— Je consomme encore certaines substances quand j'ai besoin de me concentrer, ou alors qu'au contraire, il devient nécessaire de ralentir un peu la machine. Il se tapote la tempe avec l'index. J'ai appris à mieux... gérer l'ennui. Je suis quand même impatient de retrouver les turpitudes des vies des Londoniens. Je me souviens de ce que Mycroft m'avait dit, au sujet de son frère et de l'utilisation qu'il avait choisi de faire de ses capacités cérébrales hors norme. Je n'ai pas compris l'implication. Je me contente juste de profiter de la ré-affirmation de ce choix par Sherlock. — Tant que tu ne mets pas Lestrade suffisamment en rogne pour qu'il fasse une décente dans l'appart...— Mrs Hudson me sauvera encore la mise !Je laisse échapper un rire bref et profite de la bonne humeur pour aborder la question qui me dérange : — Dis, était-ce bien nécessaire de me rouler une pelle dans les locaux de la police juste pour faire chier Donovan ? — Tu n'as même pas regardé sa tête. Tu as raté le spectacle...— …— L'opinion d'autrui ne m'atteint pas John, je fonctionne très bien en ignorant les autres. Mais ce n'est pas ton cas. C'était le moyen le plus efficace pour que tu sois tranquille.— Le moyen ? Que JE sois tranquille ?Parfois, Sherlock ne comprend vraiment rien. À croire qu'il a oublié son état de stress extrême dans le bureau de Lestrade. Il a une faculté agaçante pour ne pas se souvenir des choses qui le blessent. Je surprends de l'inquiétude dans son regard, et j'ajoute, en secouant la tête :— Je suis vieux jeu Sherlock. Je n'aime pas les effusions en public, même pour donner une leçon. J'apprécierai que tu sois plus discret. Je lui serre rapidement la main.— C'est toi qui étales ta vie sur un blog...— Jamais ma vie privée. Et jamais, absolument jamais, ma vie sentimentale !— Pourtant je sais exactement avec combien de personnes tu as eu des relations sur les trois dernières années, combien de temps elles ont duré et l'impact qu'elle ont eu sur...— Stop ! Tu sais pertinemment que ce que tu décryptes, toi, reste invisible pour le commun des mortels. — C'est vrai.Je l'observe, il se rengorge un peu. Ces capacités n'ont de cesse de me surprendre. Ce n'est pas de la flatterie, je suis toujours aussi impressionné qu'à notre première rencontre. Et si je meurs d'envie de lui demander ce qu'il a pu déduire de « privé » en lisant les articles de mon blog, je m'abstiens. Ce n'est ni l'endroit ni le moment.
Je m'étire. Le temps clément donne envie de se promener. Je vais marcher jusqu'au Fortum & Mason sur Piccadily. Un réapprovisionnent en thé s'impose. Je connais les goûts de luxe de Sherlock dans ce domaine. Même s'il a un appétit de piaf, ses papilles sont élitistes.— À l'avenir, j'éviterai donc les « effusions » en public alors...— Je t'en serai gré.Son sourire espiègle me rend tout chose. Je n'ai pas envie de me prendre la tête ni même de comprendre ce que je ressens. Déjà, être passé voir Greg et lui annoncer le retour de Sherlock était une étape cruciale. Je me lève. Une nouvelle priorité en tête. — J'ai une course à faire. On se retrouve à la maison. Sherlock redevient soudain très sérieux. Il acquiesce. Il m'accompagne un bout, jusqu'à la sortie du parc et une avenue assez passante pour trouver un taxi. 
Chapitre 19
Il est presque 19h quand je pousse la lourde porte en bois du 221 B Baker Street. Je monte prestement l'escalier, la anse d'un sac en papier dans la main gauche.La vision apocalyptique du salon me laisse sans voix. Partout.Il y a du bordel partout.Les cartons ouverts, des meubles ajoutés dans les zones jusqu'alors inoccupées – les vitrines stockées à l'étage ont retrouvé leur place initiale et sont visiblement entrain d'être remplies – je rentre dans la cuisine. Ici aussi, le cataclysme a frappé. Des instruments de labo recouvrent la table. Celle en demi-lune, contre le mur, est épargnée par le bazar ambiant qui semble se reproduire par capillarité. Dès qu'il touche une surface vierge, immédiatement, elle se retrouve encombrée d'objets divers. Je pose le sac et range le thé dans le placard. Une grande inspiration avant de retourner bravement dans le salon.Sherlock est allongé dans le sofa, mon ordinateur posé sur son ventre, les yeux rivés au plafond. Je débarrasse sans précaution le fauteuil, de l'amas de revues, et bricoles non-identifiées qui l’occupent. Le clac de la pile sur la table basse sort de sa torpeur le responsable de ce souk. Je tapote le coussin avec un imprimé de l'Union Jack aux couleurs un peu passées et m'installe. Hors de question de participer à la remise en état du salon. J'en ai marre !— Ha ! John, j'ai mis un peu d'ordre dans ma chambre, m'explique Sherlock en se levant avec précipitation. Il manque de faire tomber ma machine, ça m'énerve encore plus de le voir ainsi s'agiter.Je ne prends pas la peine de masquer mon étonnement et le fusille du regard.— Ta conception de « mettre de l'ordre » diverge radicalement de la mienne. Je t'avais proposé de t'aider...— Je t'ai demandé il y a une bonne heure. Tu n'as pas répondu, je m'y suis donc collé tout seul. J'aimerais retrouver mon lit. Et dormir dans le sofa te rend irritable. Il commence à vider frénétiquement d'autres cartons en empilant le contenu en vrac sur le bureau, déjà surchargé.— Il y a une heure ?! Je n'étais pas... Laisse tomber ! Ce n'est pas le sofa qui m'irrite mais retrouver – je prend une inspiration et me calme – retrouver le salon dans un état digne d'une chambre d'ado en pleine rébellion. Râler ne sert à rien. Je n'ai pas envie de passer ma soirée dans ce chaos. Et, pour une fois, la solution habituelle de quitter le navire en attendant que la tempête nommée Sherlock soit allée faire ses ravages ailleurs, ne me tente pas. Je pourrais aller à la boxe, juste une heure ou deux. Mais j'ai envie d'être avec lui. De profiter de sa présence. D'oublier son absence. D'oublier les défaillances.
Je me relève et me dirige vers sa chambre. Il se fige : — Attends, John. Je vais ranger rapidement ! Pas besoin que tu sortes. Il me regarde alors d'un air soupçonneux avec, à la main, ce qui ressemble à un os humain. Un radius peut-être...— C'était ça ta course ? À qui tu les as offertes ?Je le regarde sans comprendre.— Les fleurs ? À qui ?Je soupire. Sa crainte de me voir m'en aller n'aura duré qu'un battement de cœur. Qu'il sache que j'ai acheté et offert des fleurs ne me surprend pas. Je l'ignore et vais constater l'étendue des dégâts dans sa chambre. Il lâche son os et se précipite sur mes talons.
Sa chambre est parfaitement rangée. Tout a retrouvé sa place. Exactement comme avant. Comme il y a trois ans et trois mois. Je saisis pourquoi le salon est tellement en bordel. Je me retourne et manque de tamponner Sherlock. Il m'attrape par les épaules, me stabilise. Son regard s'adoucit et, je vois, ébahi, la tirade mourir à ses lèvres. Lui même paraît surpris d'avoir cesser son interrogatoire. Sa voix sonne étrangement, trop rauque :— Si tu veux m'aider, c'est dans le salon que ça se passe.J'opine du chef. Il hésite, et avec une nonchalance feinte, demande :— Heu... À qui tu les as offertes, alors ?Je pourrais le faire mariner. Ou alors, il prendrait deux minutes pour réfléchir – ce qui est probable – et trouverait seul la réponse. — Molly.— Molly ? C'est juste une amie ?— Oui, je lui confirme, juste une amie. Notre amitié est née principalement de la douleur partagée de te perdre, je voulais... Je tenais à lui dire que ton retour ne changeait rien. Que je n'étais pas en colère. Et puis, j'ai découvert qu'elle savait si peu. Tu es resté parfois plusieurs mois sans lui donner de nouvelle. Elle finissait toujours par croire que cette fois, tu étais bien mort. En fait, je me demande si ce n'était pas pire pour elle...Je n'ai pas envie de ressasser tout ça.
J'ai pris le temps de passer chez un fleuriste parce lui offrir une boîte de thé, même de grande qualité, n'était pas un geste suffisant. J'ai laissé la vendeuse composer un beau bouquet qui soit résistant et supporte la lumière artificielle du labo. Puis, j'ai été à Barts. J'étais certain d'y trouver Molly encore en train de bosser. Le retour de Sherlock l'a secoué et je la connais, se noyer dans le travail est toujours le remède quand elle se sent déprimée ou qu'elle doute. Nous avons discuté un bon moment. Je crois que ça va entre nous. Je lui ai même dit que cette fois, la collocation avec Sherlock serait plus de la cohabitation. Le sujet me gênait un peu mais je tenais à sous-entendre le changement dans notre relation avant qu'elle l'apprenne d'un des sbires de Lestrade. Surtout d'Anderson. C'est le seul que je ne supporte pas. Molly m'a regardé, interdite, m'a demandé si « elle devait comprendre ce qu'elle comprenait parce que si elle comprenait mal ce serait très ennuyeux mais qu'elle espérait vraiment qu'elle comprenait bien ». Et puis, elle m'a serré dans les bras, félicité et dit des choses tellement embarrassantes que je ne veux plus y songer.
Les mains de Sherlock sont toujours posées sur mes épaules, elles s'accrochent à moi fermement. Des boucles sombres glissent sur son front. Il a l'air perdu dans les nuages. Pourtant, son regard est toujours aussi vif.— Bon, tu m'aides alors ?— Oui, je lâche dans un soupir exaspéré.De retour dans le salon, je lui explique mon plan, simple et efficace. Tout ce dont il n'a pas un besoin immédiat retourne dans les cartons – sa mine déconfite vaut le détour – et retourne à l'étage, dans la pièce attenante à ma chambre. Ses pièces de musée et autres bibelots peuvent aller dans leur vitrines et sur les étagères, à condition que cela ne déborde pas. Quant à transformer la cuisine en labo, j'en reconnais la nécessité, à condition que la table murale reste dédiée au repas. Je borne aussi un espace sur le plan de travail et dans le frigo. Je profite de sa bonne volonté temporaire pour instaurer des limites qui n'auront que la durée de vie que Sherlock voudra bien leurs accorder.Je ne suis pas dupe.Le principal est de rendre l'appartement vivable. Mrs Hudson rentre dans deux ou trois jours. Je préférerai éviter qu'elle découvre à la fois un appartement en champs de bataille et un Sherlock bien vivant.En une heure, le problème est réglé. Sherlock a râlé en non stop, argumentant de l'utilité de tel ou telle chose – un couteau suisse rouillé, une boite remplie de capsules de bouteille de champagne, un set complet d'arceaux de croquet, des osselets – et de la nécessité vitale d'avoir à portée de main tous ses atlas, y compris ceux périmés depuis trente ans ainsi qu'un guide des conventions mondaines aux pages moisies. En final, je lui cède tout l'espace du bureau. Après tout, j'ai une console dans ma chambre qui peut servir de remplacement. Je m’apprête donc à monter mes quelques affaires quand il décide que je serai mieux installé dans le salon. Il redéplace donc ses piles de foutoir et, grand prince, me rend une miette de mon espace d’antan.Je le connais. Il veut juste m'avoir sous la patte.

Protection, une fanfic sur la série Sherlock : chapitre 18 & 19 / 24

Keep calm and carry on... Illustration d'Anne Jacques


C'est moi qui me coltine les cartons à monter à l'étage.Déjà, parce qu'avec son hématome au thorax ce ne serait pas intelligent que Sherlock m'aide, et surtout parce que j'ai besoin d'exercice physique. Il y a un monstre dans mon ventre. Un monstre de rage et d'envie et à chaque fois que Sherlock entre dans mon champs de vision. J'ai l'impression qu'il va prendre le contrôle. Sherlock est là. Je réalise peu à peu qu'il est vraiment là. Qu'une vie interrompue reprend son cours. Après trois ans de parenthèse. Mais c'est différent. Il m'a embrassé. Encore.À chaque fois que je le regarde, le monstre s'étire et grogne. Il faudrait un grain de sable pour que l'émotion me submerge, que tout déraille. Mes phalanges fourmillent et je réaffirme ma prise sur le petit meuble que je suis en train de transporter. J'ai fait plusieurs aller-retours. Je me tape une suée. J'aurai dû troquer ma chemise contre un débardeur léger.Sherlock a poussé les cartons en bas de l'escalier. Je le surprends en train de s'agiter dans le salon, tout seul. Encore un autre carton. Là haut, dans la pièce du fond, j'ai bien tout empilé avec soin, organisé l'espace de façon à ce que le placard et la fenêtre restent accessibles. Encore un voyage. La transpiration glisse le long de ma tempe. Je m'essuie du revers de la main. J'ai les aisselles collantes. Une douche. Une bonne douche. Voilà ce à quoi j'aspire.
Encore un dernier. Je monte les marches rapidement, jusqu'à être essoufflé. J'ai envie de taper. Peut-être que j'aurais quand même dû aller à la salle de sport. Je referme la porte, donne un tour de clef, par habitude. Je ne suis pas rentré dans cette pièce depuis longtemps, comme la chambre de Sherlock. Cette fois, je ne redescends pas. En bas, j’entends Sherlock qui termine de ranger dans l’inefficacité la plus totale. Le chahut est inversement propositionnel au travail accompli. Je pue. Je suis énervé. Fébrile. Même angoissé. J'espère vraiment que des poursuites judiciaires ne vont pas nous rattraper. Que la presse va nous foutre la paix. J'ai confiance dans Carmine, ses compétences et ses contacts. Pourtant...
Je suis heureux de retirer ma chemise. Je la laisse sécher sur le dossier de la chaise pour la mettre au sale plus tard. Je déboutonne mon pantalon. Du placard, je sors un vieux t-shirt à l'effigie de mon bataillon et un jean bleu délavé. Je suis entrain de finir de me déshabiller quand j'entends le craquement dans l'escalier. Sherlock pointe son nez par la porte entre-ouverte. — John ?Il entre sans être invité. Je me fige, le pantalon à mi-cuisses, esquisse un mouvement, entravé, manque de me vautrer la tronche. Je le vois contenir un sourire. Il me regarde franchement. — Je sors quelque chose du congel ? Tu dois avoir faim.— Je crève la dalle.Ma réponse me surprend ; je suis affamé. D'habitude c'est moi qui veille à ce que Sherlock se nourrisse au moins une fois par jour, qu'il dorme au moins quatre heures par nuit. Il a appris à prendre soin de lui. Au moins assez pour être fonctionnel. D'être l'objet de sa sollicitude me déroute. C'est loin d'être déplaisant. — Ok. Je m'en occupe alors, il hésite un peu avant d'ajouter sur un ton plus doux, merci pour le coup de main. Il ne semble pas vouloir sortir. Ma propre odeur me dérange. Je finis de retirer le pantalon. Je le secoue un peu, vide les poches et le suspens dans l'armoire. — Toujours aussi méticuleux ?Je lui souris, par-dessus mon épaule :— Tu sais ce qu'on dit à propos des veilles habitudes...— Qu'elles ont la vie dure. Et elles ne sont pas les seules...Son regard glisse sur mon torse avant de remonter sur mon visage. Je le soutiens. Un frisson. Le souvenir de la douche de la veille. Ses lèvres sur moi... Son inexpérience, ses hésitations. Il apprend vite, le pro de l’observation. Même si, étant lui-même sujet à l'émoi, cela doit ralentir son cerveau. Je chasse l'image érotique de Sherlock, agenouillé dans l'étroite cabine.
Il passe sa main dans ses cheveux, ébouriffant un peu plus la masse bouclée. Le vert de ses yeux capte la lumière mourante du jour. Il sait exactement où flottent mes pensées. Et son regard coule vers mon entre-jambe. Direct.Fier. Probablement très fier. Mon attitude troublée flatte son foutu ego. Arrogant. Fichu arrogant qui devine trop vite... J'ai l'impression d'être une pucelle de 16 ans. Quoi que, est-ce que les gamines d'aujourd'hui sont encore vierges à 16 ans ?Je secoue la tête et me dirige vers la salle d'eau. Changer de sujet. Avant de perdre tout contrôle.— Tu es certain de savoir utiliser le micro-onde à des fins culinaires ?— Comment crois-tu que j'ai survécu avant de te connaître ?— En mangeant dehors...— Pas faux. Mais j'ai lu la notice.Il s’éclipse sans attendre ma réponse, pour être certain d'avoir le dernier mot. Et le regard très appréciateur qu'il me lance clôt le sujet.Je pose les vêtements propres sur abattant des toilettes et procède rapidement à un nettoyage vigoureux. Je termine à l'eau froide, revigorante. Un rapide passage au rasoir électrique. Je m'habille. Il faudrait qu'on discute un minimum...
J'aimerais savoir pourquoi ça a changé entre nous. Si j'ai été vraiment aussi aveugle que ce qu'il a suggéré... À moins qu'il ait connu un équivalent de la révélation que j'ai eu, une nuit alcoolisée à Paris, dans un bar gay ? Je sais que c'est différent. L'acte sexuel implique un abandon, une confiance dans son partenaire, même relative. Deux choses qui terrorisent Sherlock. Et puis, sa notion de plaisir a toujours été très... cérébrale. Je l'ai vu prendre son pied à résoudre des énigmes complexes et à être reconnu pour ce talent. Son intérêt nouveau pour la chair n'est pas pour me déplaire. Mais je veux être sûr de sa sincérité, sûr qu'il n'est pas juste en train d'adapter ses réactions, son mode de vie au mien.Étrange hein ?!Sherlock semble si indépendant, égocentrique, à la limite de l'autisme dans ses comportements renfermés. Il peut ignorer tout ce qui arrive autour de lui, quand il est dans un environnement familier et intime. Il peut être proprement odieux. Pourtant, ce qu'il a fait, c'était pour moi. Dans sa foutue caboche, je sais qu'il prend des décisions pour moi, pour me protéger. Je sais aussi qu'une de ses plus grandes terreurs est que je pète un plomb, que je me barre. Que je l'abandonne. Mycroft a attiré mon attention sur le sujet. J'ai eu du mal à le croire. Pas besoin d'être un docteur en psychologie pour décrypter certains indices. Pourtant, c'est lui qui est parti. Je veux qu'il aille bien. Qu'il se sente bien. Bien sûr je crève d'envie d'avoir cette relation avec lui. À chaque fois que je le vois, je sens bien le désir qui brûle mes tripes et un peu plus bas aussi. Je soupire. Je ne suis pas motivé pour cette conversation. J'ai juste envie de le prendre assez sauvagement, je l'avoue, sur le sofa. Ou le tapis. Ou même mon bureau. Enfin, ce qu'il en reste...Je descends l'escalier avec une lenteur calculée, me promettant de laisser dormir le monstre momentanément assoupi au creux de mon ventre.
Quand je rentre dans la cuisine, j’entends le bruit de l'eau. Il a sorti un plat qu'il a enfourné au micro-ondes. Il est dégelé mais froid. Une portion pour une personne. Je sors le reste de salade chinoise de ce midi. Si j'arrive à lui faire avaler, je serai content. Je me sers un verre d'eau que je vide d'une traite. Il a rangé un peu, béchers, tubes à essaie et lamelles sont rassemblés dans une boite en métal. J'attrape un bouquin qui traîne sur le plan de travail. Maladie de peau ?! Miam. Ça me rappelle mes années d'études. Une de mes petites amies de l'époque qui était dans une université, en lettres je crois, avait eu la bonne idée de feuilleter un de mes bouquins de cours juste avant qu'on aille au restaurant. À l'époque, mon enthousiasme de médecin en devenir avait pris le dessus et je m'étais lancé dans des explications détaillées sur un sujet... disons peu propice au flirt et certainement pas propice du tout à ouvrir l’appétit : les mycoses vaginales. La relation n'avait pas duré bien longtemps. C'est une des choses que j'apprécie avec Sherlock. Je peux partager mes centres d’intérêts. Enfin, même si retrouver dans le frigo des organes qui devraient être consignés à la morgue est parfois peu ragoûtant, même pour moi.
— Instructif docteur ?La voix de Sherlock me fait sursauter. Dans la pénombre du couloir, appuyé contre le chambranle de la porte, il m'observe, immobile. Je ne sais pas depuis combien de temps l'eau s'est arrêtée. Depuis combien de temps il est là ? Ses cheveux encore mouillés se confondent dans les ténèbres. Il a enfilé juste un bas de pyjama assez lâche et sa robe de chambre bleue, largement ouverte sur ton torse pâle. A-t-il conscience de son charme ? Dieu qu'il est sexy ! Je saisis mon verre. Oublie qu'il est vide. Tente de boire. Pose le bouquin.— Tu as soif ?Il acquiesce. Je le sers et mets le plat à réchauffer.Le ding du micro-onde résonne dans le silence.— Sherlock... J'ai la gorge soudain sèche. Je viens de boire pourtant.— Tu as fini le document pour Carmine ?— Presque. Elle doit m'envoyer des questions. Je trouve qu'elle me demande vraiment beaucoup d'informations pour un simple article.— Je pense qu'elle n'a pas abandonné son idée de bouquin...— Alors, je vais me limiter au strict minimum. C'est toi, mon blogueur officiel.Je me marre.
On passe à table dans une atmosphère plus détendue. J'arrive même à détacher mon regard de ses pectoraux pour contempler le contenu de mon assiette.— Elle ne joue pas dans la même cour. Tu le sais. Je pense qu'elle prépare une enquête assez ambitieuse, elle s'intéresse depuis un moment aux systèmes mafieux et à leur implication dans les gouvernements des pays industriels. Les histoires de collusions entre pouvoir et argent sale. Je sais qu'elle a fait déjà plusieurs reportages sur le sujet. Et Moriarty donne aux activités criminelles une dimension assez mégalo.— Dans ce cas. Tu me reliras avant que je lui envoie quoi que ce soit ?Encore un fois, il a cette touche d'incertitude dans la voix, cette retenue inhabituelle. — Oui, je te l'ai déjà promis. — Ça ne me plaît pas de savoir que je te donne une excuse pour interagir avec elle...— Hey, tu ne vas pas être jaloux à chaque fois que je vois une amie ou que je discute avec une collègue hein ?! Ta vie va devenir un enfer. Et la mienne aussi par la même occasion. Sa voix est trop basse, la boutade tombe à plat. — Ce n'est pas si simple pour moi, John. Il faut que je t'explique...Il inspire profondément. Je vois ses épaules se contracter. Je cesse de manger et pose mes couverts.— Il faut que je te dise pourquoi j'ai mis du temps... des mois à revenir en Angleterre.Il baisse la tête et un paquet de mèches humides retombent sur son front, aussi lourdes que l’aveu qui reste coincé dans sa gorge. Je n'ai pas envie de l'interroger. Si parler le rend maussade, ça ne vaut pas la peine. Je peux ignorer le problème. Je suis assez doué. Du revers de la main, je lui caresse la joue. Tiens, lui aussi s'est rasé.— Pas besoin de te torturer. Tu es là. Finis donc de manger.— Je n'ai plus trop faim. — T'es épais comme un porte-manteau. Mange encore un peu.
À suivre mercredi prochain !
Copyright : Marianne Ciaudo

Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Kaeru 5607 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte