Etre là, si besoin (ou pas)

L'autre matin, Jules est revenu de l'école après avoir emmené les enfants et m'a annoncé que la maman de la meilleure amie de Lolotte était morte la veille. La petite puce de 10 ans avait tenu à aller à l'école malgré tout, pâle, portant en elle son immense chagrin, sans réaliser vraiment que sa maman ne serait plus jamais là pour elle. Jules m'a raconté comment le visage de Lolotte s'est décomposé  lorsque une autre copine, avec beaucoup de pudeur, lui avait chuchoté la nouvelle à l'oreille. Comment il avait vu l'empathie se saisir d'elle. Comment, en un instant, elle s'était projeté dans le chagrin de son amie. Comment elle essayait de prendre conscience de l'inconcevable. Puis il a regardé les enfants monter en classe, la petite puce au milieu, toute menue et fragile, plus discrète qu'elle ne l'a jamais été, son grand cartable sur le dos, et il m'a raconté son envie soudaine de chialer. Parce que cette chienne de vie est vraiment injuste, parce que quatre enfants, dont un bébé, se retrouvent aujourd'hui orphelins de mère. Parce qu'ils ne méritaient pas cela. Alors Jules a pris le téléphone et a appelé le papa. Sans même le connaitre. Au nom de l'amitié qui lient nos filles. Et il lui a simplement rappelé qu'il était là, si besoin. 
Quand j'ai récupéré Lolotte le soir, elle n'a rien laissé transparaitre. Elle était juste étrangement calme, elle qui d'ordinaire déborde d'énergie et chante à tue-tête des airs d'opéra. Elle n'a pas souhaité en parler, alors nous lui avons rappelé que nous étions là, si besoin.
Être là, si besoin ou pas. Mais être là. Voilà ce qui importe. Être dans la vie, être avec les autres, être présent pour ceux qu'on aime. Ce qu'on oublie si facilement à cause des petits ou des gros tracas de la vie. Quand on a le nez dans le guidon.
Mais quand on n'est vraiment plus là, c'est pour toujours. Et il sera alors trop tard pour rattraper les moments qui nous auront échappés. 
Le plus triste dans tout cela, c'est de n'en prendre conscience qu'une fois de temps en temps, lorsque la dure réalité se rappelle à nous. Photo : we heart it