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Aux limites du tourisme, la culture

Publié le 08 décembre 2012 par Fmariet
Aux limites du tourisme, la culture
"Nouvelles (?) frontières du tourisme", Actes de la recherche en sciences sociales, N°170, décembre 2007.
Les auteurs réunis dans ce numéro décortiquent la genèse et les caractéristiques de formes particulières de tourisme telles que les chambres d’hôtes (Gîtes de France), le tourisme humanitaire (Tourisme et Développement Solidaire), le tourisme religieux, le Club Méditerranée et Tourisme et Travail (proche de la CGT). L'une des contributions, particulièrement éclairante, est consacrée au rôle des voyages dans la formation des "élites". L'ensemble constitue une véritable variation eidétique ; cette approche multiple dégage l’essence du discours touristique, le rôle joué par les prétextes et motifs apparents (rattrapage culturel, solidarité, etc. ), tout le travail de rationalisation qui accompagne l’économie touristique, et constitue une part essentielle de son marketing.
L’analyse sociologique révèle la mise en scène de l’illusion qui est au principe de ces formes de tourisme toutes situées à la limite de l’économie touristique. Toujours ce besoin d’illusion du touriste "pas comme les autres", qui ne veut pas "bronzer idiot" et rehausse ses vacances de divers "suppléments d’âme".
Aux limites du tourisme, la cultureAlors, touristes un peu honteux, en proie à la "mauvaise foi", les "bronzés" déguisent leur tourisme. Plutôt que du tourisme, ils font de l’humanitaire, du "tourisme vert", du "voyage nature" (Carnets d'Aventures, Bio sous-marine), de l'oenotourisme, de l’écotourisme, du "tourisme durable", des pèlerinages religieux (Compostelle), de la  littérature, des voyages culturels ("faire de la culture un voyage", propose Arts et Vie), de la photographie (Destination Photo. Le magazine du photographe voyageur, lancé en juin 2012). Moins honteux, les pêcheurs et chasseurs : Partir pêcher, Voyages de chasse, Voyages de pêche, HS Chasse sous-marine de Apnéa (plongée), etc.
Toutes ces dimensions atténuent et dissimulent ce qu’il y a de culpabilisant dans cette bougeotte généralisée et ce désir d’exotisme lorsqu’il met des touristes riches en présence d'autochtones pauvres. Culpabilité qui fit le succès d'un roman emblématique, The Ugly American (William Lederer et Eugene Burdic, 1958).
Comme ces tourismes grimés, les discours touristiques que produisent la sémiologie publicitaire, les magazines et les catalogues se fondent sur l’euphémisation voire la dénégation des rapports commerciaux. Dans les rubriques des magazines, dominent des références culturelles : histoire, architecture, gastronomie, œnologie, patrimoine, terroirs, religions (d'après une analyse des unes de 700 titres nouveaux et Hors Série consacrés en France au tourisme depuis 2000. Source : base presse MM, octobre 2012). L'attention au prix ("pas cher", "malin", etc.) peut être perçu et revendiqué comme une confirmation de l'intérêt désintéressé des touristes pour "l'autre".
Aux limites du tourisme, la cultureL'analyse socio-démographique issue des "enquêtes de référence" laisse échapper tout ce sens que seul peut saisir le type de sociologie pluri-disciplinaire que pratique Actes de la recherche.
Pourtant les méthodologies mobilisées dans ce numéro restent classiques : enquête, documentation diachronique, sémiologie. Rien de neuf dans le "Métier de sociologue" ? Internet n’aurait donc rien changé en quinze ans aux moyens d'investigation des sciences sociales ?
Des études linguistiques qui exploiteraient les contenus langagiers des sites de tourisme compléteraient avantageusement les analyses classiques : mots clés utilisés dans les moteurs de recherche pour trouver un lieu de vacances, clusters de mots (Weborama), bruits qui courent sur Internet en matière de tourisme, etc. Rien de tel que ces "terrains" nouveaux pour cerner des stratégies d’argumentation, repérer des changements de tendance.
Le développement des réseaux sociaux est postérieur à cette publication. Les réseaux recourent à de nouvelles formes de narrativité et de célébration (recommandation, partage, "like", par exemple) exploitant les photographies grâce à l'usage généralisé et gratuit du smartphone. Les vacances et le tourisme alimentent largement les interventions sur Facebook.
De plus, les réseaux sociaux apportent une "documentation" courante, actuelle, abondante qui pourrait avantageusement enrichir l'analyse diachronique des sociologues. L'étude des réseaux sociaux améliorerait certainement la compréhension du tourisme et de ses discours.
Ceci invite à mettre en chantier la réforme méthodologique des sciences sociales qu'appellent ces nouveaux types de "faits sociaux" en réseau que construisent les réseaux sociaux.

Aux limites du tourisme, la culture

Librairie (Harvard, 2008)


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