Magazine Maladies

Mediator : les experts au cœur des critiques

Publié le 06 février 2013 par Dary
Le fonds d'indemnisation des victimes s'avère être une véritable usine à gaz. Quant au ministère, il est aux abonnés absents. Mediator : les experts au cœur des critiques

Le 29 janvier 2013, 7734 dossiers de patients avaient été reçus par l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam), 836 avis ont été rendus et seuls 64 d'entre eux - dont le dossier d'une victime décédée - se sont avérés positifs. À ce rythme, il faudra encore cinq ou six ans pour que tous les dossiers passent entre les mains des experts. Alors que ce fonds avait été crée juste avant que Xavier Bertrand ne quitte le ministère pour que les choses aillent vite et que les victimes soient rapidement indemnisées, il s'avère être une véritable usine à gaz.

Les experts sont au centre du débat. Constitués en collège indépendant, ils ont été nommés par le ministère de la Santé. Outre leur lenteur à éplucher les dossiers, ils se sont illustrés en faisant de la rétrogradation des maladies imputables au Mediator une spécialité. Pour le dire autrement, alors des malades arrivent avec des échographies du cœur faisant état d'une fuite d'une valve cardiaque de grade 2 - les fuites des valves sont numérotées de 0 à 4 - qui ouvre les portes à une indemnisation, les experts les retoquent en grade 1, beaucoup plus aléatoire pour obtenir une compensation financière.

Pire d'un point de vue scientifique et éthique, ces rétrogradations se font sur la seule base des photocopies de l'échographie, voire du simple compte-rendu alors que seul celui qui a pratiqué l'examen est à même de juger de l'importance de la fuite. La société française de cardiologie estime d'ailleurs qu'il n'est pas possible de rétrograder ainsi des pathologies à la seule vue de photocopies.

Lundi, plusieurs associations de victimes et la revue médicale indépendante Prescrire ont solennellement demandé à Marisol Touraine, la ministre de la Santé, d'intervenir en imposant un moratoire des travaux du collège d'experts. Mardi, le conseil d'administration de l'Oniam réunissait son conseil d'orientation pour discuter du problème.

«Parole mandarinale de droit divin»

Irène Frachon, la pneumologue du CHU de Brest qui a la première pointé du doigt les effets secondaires du Mediator, dénonce le travail des experts du collège de l'Oniam, véritable «parole mandarinale de droit divin» qui «s'impose en baillonnant la parole contradictoire jusqu'à pousser certains à la démission». Référence au pneumologue Philippe Hervé, qui avait claqué la porte du collège en décembre pour dénoncer des décisions du collège trop peu favorables aux victimes. Ce médecin avait d'ailleurs précisé que le laboratoire Servier en sortait grand gagnant et qu'il ne manquerait pas d'utiliser tous ces refus pour obtenir des relaxes.

Du coup, quelles sont les solutions pour accélérer l'indeminsation des victimes? Une démission collective des experts exigerait la nomination de nouveaux experts, or lors de la création du fonds d'indemnisation, l'Oniam s'est rendu compte à quel point il était difficile de trouver des médecins qualifiés qui ne soient pas en conflit d'intérêt avec le laboratoire. Autre solution, instaurer un nouveau décret qui limite les nombre de passages des dossiers devant les experts.

Aujourd'hui, trois passages sont possibles, ce qui fait qu'il faut actuellement un an pour examiner un dossier. «Avec un passage en moins, on gagnerait quelques mois par dossier, explique Jacqueline Houdayer, présidente de l'association Cadus (Conseil aide défense des usagers de la santé). Comme il en reste à peu près 7000, c'est intéressant».

Le Dr Frachon propose de modifier la loi en créant «un conseil de“vrais” sachants, - c'est-à-dire ceux qui ont publié scientifiquement sur la question - avec des épidémiologistes pour établir une grille de travail de qualité. Ces personnalités ne pouvant assurer la mise en application de telles recommandations, elles «superviseraient» simplement un comité de médecins chargés d'examiner au cas par cas ces recommandations, en faisant «remonter» les difficultés ou tout changement dans la connaissance scientifique.

Ce comité ne se prononcerait que sur la relation de cause à effet. Le député Gérard Bapt (PS) estime que «seul le laboratoire Servier est content des travaux dex experts du fonds d'indemnisation. Même dans ses rêves les plus fous, il ne pouvait pas espérer un meilleur traitement, des meilleures évaluations des dégâts sanitaires chez les victimes».

Dans cet imbroglio, le ministère de la Santé reste étonnament silencieux. «Ils n'ont pas l'air pressés!», déplore Jacqueline Houdayer. «En réalité, ils ne savent pas comment s'en sortir face à ce collège d'experts indépendants», confie un connaisseur.


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Dary 144 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines