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Retour du concert du trio de Kenny Werner au Duc des Lombards

Publié le 07 février 2013 par Assurbanipal

Kenny Werner Trio 

Paris. Le Duc des Lombards.

Mercredi 6 février 2013. 22h.

Kenny Werner : piano

Johannes Weidenmueller : contrebasse

Hans Van Oosterhout: batterie

John Betsch: batterie (un morceau)

Ils commencent tout de suite à jouer, sans se présenter. Il est vrai que la speakerine invisible du Duc des Lombards l’a fait. La filiation avec Bill Evans est évidente. Kenny Werner a vieilli, maigri. Son toucher est toujours là, son imagination et sa sensibilité aussi. Ca balance, ondule, nous remue élégamment. Il y a des allusions à « My favorite things » dans le jeu du piano me semble t-il mais je ne reconnais pas le morceau. C’était « Free wheel » composé par Kenny Werner pour Kenny Wheeler. Un titre logique donc.

Kenny commence seul. Il ne nous parle pas. Il joue. Cette fois c’est un standard au thème reconnaissable mais dont le titre m’échappe. Le batteur est aux balais. Beau duo contrebasse/batterie ponctué par le piano. Ca tourne bien. Le batteur est passé aux baguettes et décompose le tempo. Ca joue. Je bats la mesure du pied droit. Même si Hans Van Oosterhout remplace Ari Hoenig, il y a tout de même des années de complicité entre ces trois musiciens. Cela s’entend positivement. Pas de routine mais c’est rodé. Premier solo de batterie, histoire de se défouler un peu mais avec mesure. C’était « If I should lose You », un standard en effet.

Balloons “, un vieux morceau dédié par Kenny Werner à sa fille. Quand elle était petite, son épouse remplissait le salon de 50 ballons de baudruche pour son anniversaire. Au début, c’était très joli et puis les ballons se dégonflaient, descendaient. Bref, c’était déprimant. Leur fille est morte à 17 ans, en 2006, dans un accident de voiture. Solo de piano en introduction qui évoque les ballons volant librement dans le salon, montant, descendant. Kenny Werner devient émouvant. Il joue une musique de souvenir qui rappelle et exorcise la perte de l’être aimé. Contrebasse et batterie arrivent tout en douceur. Le piano se fait conteur, chanteur comme s’il berçait un enfant. C’est terriblement émouvant. Il arrive à me mettre la larme à l’œil ce qui est rarissime dans un concert. Quelle force, quelle dignité dans cette musique ! La vie reprend le dessus. La musique devient plus vive, plus énergique. Retour au thème d’une infinie nostalgie. Enfin, c’est la lutte entre le souvenir et l’avenir.

John  Betsch remplace Hans Van Oosterhout à la batterie. Kenny Werner et lui jouaient ensemble avec Archie Shepp. John Betsch commence seul aux baguettes. C’est un Noir américain, pas un Blanc hollandais. Cela s’entend tout de suite en plus de se voir, évidemment. Ca tient chaud. Le trio part en ballade alors que John malaxe délicatement et vigoureusement aux balais. Il revient aux baguettes. C’est plus énergique mais toujours fin. Leur plaisir à rejouer ensemble nous fait plaisir. Duo pianiste/batteur aux maillets. Ils s’amusent comme des gamins et nous en font profiter. Après ce beau duo, ils finissent en trio. Ca roule sous les doigts au piano et sous les maillets à la batterie. Du grand Art.

Hans Van Oosterhout reprend sa place dans le trio. Pour jouer « Guru » de Kenny Werner (album «  Beat Degeneration »). Duo piano/contrebasse tout en douceur pour commencer. Le batteur arrive aux maillets. Ca gronde de son côté alors que tout est doux au piano. Nom de Zeus, c’est beau ! Hans Van Oosterhout montre qu’il tient la comparaison après John Betsch. Johannes Weidenmueller pose les fondations au milieu du duo piano/batterie. Kenny Werner chante en jouant. C’est un gentil gourou qui ne nous dépouille pas de notre avoir en échange d’une hypothétique amélioration de notre être.

« In Your own sweet way », un standard arrangé par Kenny Werner. Les mains bondissent sur le piano. Ca y est, il attaque franchement. Batteur aux baguettes. Ca tourne mais pas en rond. Petit jeu de questions réponses entre pianiste et batteur. Ils se regardent, s’écoutent, se parlent en musique. Le contrebassiste tient la baraque au milieu. Fin très ludique.

J’avais vu deux fois Kenny Werner sur scène en trio, en 2000. D’abord au club Chorus à Lausanne. C’était magnifique. Puis, quelques mois après, au Sunside à Paris. C’était bof. Le même groupe, la même musique mais la magie avait disparu. 13 ans après, il était grand temps que j’y revienne. Techniquement, émotionnellement, ce fut au-delà de mes espérances les plus folles. Merci à eux. Même si je dois encore attendre 13 ans pour un 4e concert de Kenny Werner, même si celui-ci s’avérait décevant, je lui pardonnerai en raison du 3e. C’est le risque avec une musique qui laisse autant de place à l’imagination, à l’improvisation. Celui de passer à côté du sujet. Mais quand ce trio joue dans sa zone, comme disent les sportifs, il est intouchable, imparable, impeccable.

SI vous allez écouter Kenny Werner en trio à New York, au Small's, vous aurez plutôt Ari Hoenig à la batterie comme ci-dessous. Ils jouent " Nardis " (Bill Evans). Rien à ajouter.    

 

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