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Billet d’humeur sur l’industrie de la com’

Publié le 09 février 2013 par Cassandria @cassandriablog

La grande industrie de la communication. Ces grandes firmes marketing qui mangent tout, qui contrôlent les médias. Ces médias qui influencent sous de faux airs d’informations, qui ne sont en fait que du divertissement ou du détournement d’attention. Les ficelles du marketing poussant à la consommation et manipulant le cerveau des consommateurs.
C’est comme ça qu’on me décrit l’industrie de la communication. 1

Ici, je réagis à un commentaire de Moïse Marcoux-Chabot 2, que je respecte beaucoup pour ces écrits, qui me rejoint dans beaucoup d’aspects sociopolitiques, mais qui a justement déclenché cette réflexion suite à un constat sur les multiples clients d’une firme de relations publiques. Ce qui devait aboutir à un débat sur l’industrie de la communication.

C’est ma goutte d’eau. C’est là que je réagis, parce que des personnes d’influence, que je respecte, entrent dans une généralisation qui me hérisse depuis longtemps. Pas de reproche, juste un billet d’humeur.

Quand je dis que je suis une communicante qui a étudié en marketing, ça me décrédibilise. Je suis dedans, mangée par la machine, voire lobotomisée ; on abaisse d’un seul coup le niveau du débat, je suis une "vendue".
Du coup, on me prend un peu pour une conne, et je fais pareil : je n’explique pas le point-de-vue-de-l’intérieur, les débats qui existent entre les communicants. Je ne prends pas le temps d’expliquer aux gens ce que c’est vraiment.
Je répare ceci ici et maintenant.

Travailler en communication c’est souvent chiant : tout le monde autour pense savoir de quoi il parle, mieux que les autres. Les communicants ne sont pas crédibles. Ils sont des exécutants. Ce ne sont pas eux qui ont une véritable perspective socio-politique, économique et encore moins philosophique. Ils entrent ce qu’on leur donne dans la machine qu’ils savent manier avec doigté et ça ressort emballé dans un beau paquet cadeau.
C’est tout ? Pas de bonification, pas d’ouverture du débat, pas d’éthique, de prise de recul, de désaccord sur le fond ?

Oui, j’ai étudié en communication marketing (et non vente, rien à voir), je n’avais pas de filière "communication éthique" pour la communication grand public. Ça m’a permis de comprendre les ficelles, de faire des choix, de choisir mes limites. Ma prof de "marketing" n’a pas apprécié toutes mes interventions, mais les échanges ont été enrichissants. J’ai même écrit un mémoire sur le marketing social et ses limites éthiques.
En sciences de la communication, on dit "toute communication est manipulation". Pas forcément dans un sens négatif : il est clair que l’on choisit toujours comment présenter un sujet. Ne serait-ce que le ton qui convient pour demander à son conjoint ce qu’il veut pour souper… 3 Ce qui est important, c’est le respect de son interlocuteur. C’est là que je situe le débat.

Premièrement, considérer son intelligence. Donc choisir la forme de la communication. Pour cela, le format doit laisser le temps d’expliquer le sujet. 4
En communication publicitaire, c’est quasi impossible et beaucoup ont dérapé depuis très longtemps. Le marketing destiné au consommateur est une pure machine d’abrutissement quand on l’applique tel quel.
Le marketing social est ambivalent. Il essaie d’atteindre ses objectifs financiers qui permettront "d’améliorer le monde" dans un format qui ne permet pas vraiment le respect du donateur. C’est triste, mais on sait que les émotions sont plus efficaces que l’appel à la réflexion pour faire sortir le portefeuille. Du moins c’est ce qu’on nous apprend. C’est aussi ce que les dirigeants attendent, sinon les campagnes ne sont pas validées. De toute manière, dans les formats "imposés" en communication, on n’a pas le temps de tout expliquer. (L’objet de toute une conjecture, d’où l’existence de ce blogue, voir ici, ici et ici pour aller plus loin).

Deuxièmement, faire un choix conscient d’exposer tous les faits ou non. Ça c’est le contenu. Ça fait véritablement appel à l’éthique, et c’est là que des fossés se creusent. Si j’ai un format qui me laisse le temps pour le faire, je peux dire tout ce qui est pertinent honnêtement. Mais j’ai encore le choix de présenter uniquement ce qui m’arrange, ou seulement les aspects positifs pour tous, ou simplement de mentir.
Quand des communicants font le choix de tout dire, peu le remarquent et d’autres se posent des questions. Quand ils choisissent de biaiser, ils entretiennent cette fameuse image du l’industrie-de-la-communication-pervertie-qui-a-vendu-son-âme.

Dans le cas des firmes de lobbying, c’est tout un tracas. Le principe du lobbying est de ne pas présenter le tout simplement et franchement. Il faut enrober, choisir l’angle approprié, jouer véritablement à "l’inception". Ça n’oblige pas pour autant à mentir, selon moi. Mais c’est tellement plus facile. Et puisque de toute manière, personne ne doit savoir comment on obtient le résultat, les moyens deviennent tous aussi valables les uns que les autres. Au final, on peut aller jusqu’à ne plus questionner le résultat, le pourquoi. Et glisser de ‘tous les moyens sont bons’ à ‘tous les résultats se valent’.

Ce qui amène au troisièmement, l’objectif final. Celui qui permet de faire ensuite des amalgames simplistes en analysant uniquement les points 1 et 2.
On choisit, dans ces métiers, de soutenir des causes ou de vendre des grille-pains. En gros, on fait ça par conviction et passion ou parce qu’on est bon dans cette activité alimentaire. (oui, c’est ma propre vision réductrice des communicants).
Mais on sait consciemment, si on sert le bien de tous ou les intérêts de quelques uns, parfois au détriment des autres. Quand on met le doigt dans l’engrenage et qu’on oublie toute éthique professionnelle à ce niveau, pourquoi en avoir encore dans la façon de faire ?
Chaque domaine de la communication a ses bêtes noires, qui ont le malheur d’éclabousser tout le monde. Pour le débat et pour le fun du sarcasme.

Pour une conclusion sur le sujet théorique
Il fut un temps où plaidoyer et lobbying étaient presque similaires. La différence se situait dans l’approche, le dosage entre faire appel à l’esprit d’analyse et faire pression. (Faire pression, c’est pas forcément du chantage, c’est aussi s’associer avec d’autres pour montrer qu’on est nombreux à se sentir concernés, créer des coalitions, des collectifs d’opinion…) Ça c’est pour la forme.
Aujourd’hui, on les compartimente, car chacune a dévié au niveau du fond, de l’objectif : que veut-on obtenir ? Quelque chose qui amène une situation égalitaire ou qui sert les intérêts d’un seul groupe ou personne ? Leur signification s’est teintée de nuances plus blanches ou plus noires ; agir dans l’ombre ou en toute transparence.
Les sciences de la communication ont la capacité d’être bonnes ou mauvaises, voire même les deux en même temps. Beaucoup de "et\ou", c’est pas bon pour une conclusion. Mais pour éviter le "et/ou", il faut enlever le gris, et voir en blanc et noir.

Si on considère que certaines actions pervertissent la société parce que ce ne sont que le fruit d’outils et de calculs, alors la faute ne revient pas aux "techniciens", mais à ceux qui les embauchent.
Si on veut rendre l’industrie de la communication responsable des problèmes, il faut mettre autant de temps dans la recherche et l’analyse de ce domaine, plutôt que de généraliser.

Il y a un gros débat sur les firmes de lobbying, surtout quand leurs sujets touchent à la citoyenneté, au bien-être de la société, et que cela entame les valeurs démocratiques ou les contourne. Et ça doit prendre en compte la volonté d’informer, d’éduquer, de trouver des moyens de ne pas passer au-dessus du contrat social, de le respecter.

Pour une conclusion émotive et personnelle de ce billet d’humeur, afin de péter ma bulle
Les communicants ont droit au même respect que tous les autres. Alors quand on est contre les généralisations dans les médias, qu’on est pour l’information objective, il serait bon de nous accorder les mêmes droits et de faire le tour du sujet avant de condamner toute "l’industrie de la communication" et d’entretenir cette image de monstre tentaculaire.  Ou de s’en servir pour renvoyer la balle ailleurs ou pour offrir une échappatoire convenue.

Parce que les blogueurs d’opinions ont le beau rôle : ils y participent allègrement mais sont dédouanés de cette image. Peu acceptent l’image d’influenceurs — le terme commence à être galvaudé et professionnalisé, à avoir ses propres ficelles — mais ils en sont. Et il n’y a rien de mal là-dedans.
Quelqu’un, un jour, a fait l’erreur de déclarer ouvertement que les résultats obtenus étaient dus à des actions de communication calculées. Des recettes marketing qui, il est vrai, confirment et s’appuient sur les principes de Machiavel. Machiavel est respecté philosophiquement, mais son adjectif dérivé est plutôt péjoratif, n’est-ce-pas ? De là, toute communication calculée est devenue maligne, car on ne voit pas tout ; et ce qui est caché est honteux, donc mauvais.
Je tombe dans le sophisme ? Je ne pense pas, c’est peut-être plus de la psychologie de comptoir. Mais c’est celle que l’on me prête trop souvent.

————

1 Bien sûr, y a du vrai. Perso, j’ai abandonné la télévision depuis plusieurs années. Je ne m’en porte que mieux, mais il m’est parfois difficile de l’expliquer à d’autres communicants. C’est censé être partie intégrante de notre travail, pour savoir quelles sont les influences culturelles, les débats "actuels"… mais il semble que j’arrive à m’en passer, alors je vais continuer.
 
2 Je ne peux malheureusement pas mettre de lien. Mais il s’agit d’un statut Facebook et de ses commentaires, alors je ne le ferais pas de toute façon.
3 Un exemple qui me permet de partager une blague de rédacteur, une des espèces de communicant :
"Et si on mangeait les enfants ?
Et si on mangeait, les enfants ?
Une virgule peut sauver des vies, pensez-y."
4 Tout un débat sur le temps peut avoir lieu aussi. On glorifie la communication interpersonnelle — de un à un — et on diabolise celle de masse — de un à beaucoup. Si un jour, un communicant a inventé des techniques et outils de masse, c’est sans doute parce que le système lui a demandé d’obtenir des résultats importants dans un temps limité. Personnellement, j’adorerais faire ma job de conscientisation et sensibilisation en allant rencontrer les gens un à un pour jaser avec eux et regarder l’idée faire son chemin. Parce que passer le message, c’est une première étape, ensuite le temps embarque à nouveau, avec les expériences et la réflexion, pour que ça marche. Enfin, bon, ça pourrait être le sujet d’un livre.
 
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