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Immobilier US : quelles pertes potentielles pour les banques ?

Publié le 09 avril 2008 par Loïc Abadie

 Pour les estimer, il existe une approche jusqu'ici assez peu utilisée par les différents auteurs sur ce sujet, mais qui a le mérite d'être globale, et de porter sur l'ensemble des prêts hypothécaires (subprimes ou non) : les « négative equity ».

Aux USA, les banques assurent leur risque par l'hypothèque détenue sur le logement de leur emprunteur. Si celui-ci est défaillant, la banque saisit le logement, mais l'emprunteur en « faillite personnelle » ne doit alors plus rien à sa banque.

Deux cas de figure peuvent alors se présenter :

1) La valeur du logement est supérieure au montant restant à rembourser : Tout va bien pour la banque, si l'emprunteur est défaillant, elle pourra se rembourser intégralement par la vente du logement saisi. C'est une situation de « positive équity »

2) La valeur du logement devient inférieure au montant restant à rembourser : En cas de défaut de l'emprunteur, la banque subira alors une perte en vendant le logement saisi.
Cette situation est appelée « négative equity ». Dans un contexte économique normal, elle est rare...mais lorsque le marché immobilier subit une forte baisse de prix, les « négative equity » deviennent abondantes, parce que la valeur de nombreux logements baisse sous le montant des prêts à rembourser.

Actuellement, l'indice moyen des prix US (Case-Shiller index) a déjà baissé de 10,7% en un an, et le rythme s'est encore accéléré au cours des derniers mois pour dépasser 15%/an en rythme annualisé.

La hausse de l'immobilier a dépassé 70% depuis 1999, en monnaie constante, donc inflation déduite. Vu la situation actuelle, une baisse des prix moyens de 35% par rapport au pic du début 2006 est une estimation prudente, qui pourrait être nettement dépassée.
Je m'en tiendrai à ce niveau dans les calculs qui suivent...

Quelles conséquences attendre de cette baisse ?

- Il y a déjà 10,3% des ménages US en situation de négative equity selon Moody's (article du Guardian)

- Si on se base sur le graphique de Calculated risk (lui même tiré du très officiel organisme "first american Core Logic"), on s'aperçoit qu'une baisse des prix de 35% plongerait environ 40% des ménages US dans une situation de négative equity.

Continuons donc nos calculs :

- Le montant total des prêts hyothécaires (hors secteur agricole/professionnel) était de 11094 milliards de $ (statistique Z1 de la FED).

Il y aurait donc 4400 milliards de prêts hypothécaires en situation de négative equity après une baisse de 35% des prix.

A chaque défaut d'emprunteur sur un de ces prêts, la banque perdra environ 30 à 35 % de la valeur de sa créance (negative equity moyenne de 15 à 20%, s'étalant de 0 à 35% +  15% dus au fait que la banque devra vendre aux enchères rapidement et sous le prix du marché, avec en plus les frais de recouvrement associés à ce type d'opérations.

Les pertes maximales potentielles seront alors de 4400 * 35% = 1540 milliards de $.

Les pertes réelles seront inférieures à ce montant, parce que tous les ménages en « négative equity » ne se mettront pas en faillite :

En théorie ils ont intérêt à le faire, parce qu'il est avantageux financièrement pour un emprunteur en négative equity de « planter sa banque » : pourquoi en effet continuer de rembourser un prêt qui coûte plus cher que la valeur de sa maison ? Autant "repartir de zéro" et donner les clés à sa banque.
En pratique se mettre en faillite a aussi des inconvénients : l'emprunteur sera « fiché », il n'aura plus accès au crédit pendant plusieurs années (ou difficilement). 
Et certains emprunteurs pourront continuer à rembourser malgré tout en espérant que les prix remontent.

Mais en situation de négative equity importante, la stratégie du « walk away » (l'emprunteur quitte son logement et laisse sa banque se débrouiller) est très tentante.

La société « youwalkway » (http://www.youwalkaway.com/) propose ainsi d'accompagner et d'aider les emprunteurs en négative equity à choisir délibérément la saisie et la faillite personnelle, c'est à dire quitter leur logement et ne plus rembourser leur emprunt, tout en profitant en prime de quelques mois de loyers gratuits en fonction du temps de réaction des banques et des délais de procédure !

Il suffirait que 50% des emprunteurs en négative equity cessent de rembourser leur banque (soit parce qu'ils ne peuvent plus le faire, soit par choix délibéré) pour arriver à une perte totale de 700 à 800 milliards de $ sur les prêts immobiliers.

C'est une hypothèse qui me semble raisonnable, et bien entendu cette estimation ne porte que sur la partie immobilier du système (environ 25% du total des prêts). D'autres foyers de pertes (crédits à la consommation, crédits aux entreprises, crédits entre organismes financiers) viendront s'y ajouter.


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