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Ginevra Bompiani

Par Claude_amstutz

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La première scène du roman de Ginevra Bompiani, nous introduit par la voix de Lucy, une fillette accompagnant sa tante, dans l'hôtel d'une station thermale qui pourrait ressembler à n'importe quel autre, sauf que celui-ci se trouve être le plus laid de tous et ressemble à un hôpital pour personnes en bonne santé. Quatre personnes vont s'y côtoyer. Outre la petite qui s'ennuie et tante Emma joyeuse dès qu'elle voit quelqu'un, Lucy nous présente Lucia et Giuseppina, deux femmes dont l'une boite tandis que l'autre tangue!

Au cours de ce séjour dans la station, elles vont apprendre à se connaître toutes les quatre, livrant peu à peu quelques secrets de leur existence et - qui sait - en échafauderont d'autres... Présenté en quelques phrases ou extraits de dialogues, on serait tenté de décréter que nous sommes au coeur d'une sempiternelle comédie à l'italienne. Pas si sûr, car une fois le décor planté et les personnages fondus dans le quotidien, une gravité mélancolique les couvrira de son aile dans ce lieu de cures magiques où on soigne dans le corps ce qui est malade dans l'âme et qui donne l'impression de faire un petit pas en arrière pour que le présent trébuche de nouveau dans le futur.

Ginevra Bompiani cerne avec beaucoup d'acuité, dans Une station thermale, cet univers de bien-être qui consiste à s'enfermer dans un cocon et faire semblant que le monde n'existe pas: C'est bizarre que cette chose que tout le monde fait, une chose si commune, personne n'y arrive... Vieillir. Et, derrière les masques qui se lézardent, perce l'anxiété commune déclenchée par la solitude affective, la résistance au changement, la crainte de la maladie et pire, peut-être. Ce qui n'effleure pas Lucy qui, pour tromper la monotonie des jours, espère bien ne pas s'en aller sans avoir percé les secrets des unes et des autres - ce serait comme jeter un roman policier qu'on n'a lu qu'à moitié - et confié au lecteur les siens.  

Dans ce petit monde frivole en apparence, exclusivement féminin - à l'exception de quelques pages consacrées à l'autrefois séduisant Stefano - Ginevra Bompiani, comme seule une femme sait le faire, appréhende à merveille ce mystère du corps où, derrière la faiblesse, la fragilité et les fissures de la vie se nichent en révélateurs, ces signes qui peuvent, au-delà de la beauté formelle, dissoudre les blessures intimes et réserver des moments de fête, de tendresse - voire d'amour - innatendus.   

Et le désespoir, on s'en passe, conclut Lucia... 

Fille de l'éditeur Valentino Bompiani, Ginevra Bompiani, née en 1939 à Milan, est écrivain, éditrice chez Nottetempo à Rome, enseignante et traductrice: entre autres de Antonin Artaud, Louis-Ferdinand Céline, Marguerite Yourcenar et Gilles Deleuze. Parmi ses oeuvres traduites en langue française, mentionnons Les règles du sommeil (Verdier, 1986), Ciel ancien, terre nouvelle (L'Arpenteur, 1990) et Le grand ours (Stock, 1995). 

Ginevra Bompiani, La station thermale (Liana Levi, 2013)


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