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La chute

Publié le 10 avril 2008 par Shalinee
La chute

La chute

se lit comme un long monologue adressé par Jean-Baptiste Clamence à un interlocuteur qui reste en retrait tout au long de l’histoire mais qui sera identifié seulement à la fin du roman, mais en tant que lecteur il est assez amusant de se sentir interpellé constamment par le personnage – de sorte que par extension on peut considérer qu’il s’adresse également au lecteur lui-même. Celui-ci se confesse pendant cinq journées sur la vie qu’il a menée : celle d’un brillant avocat à Paris qui a fini par sombrer dans la débauche avant de s’installer à Amsterdam, lieu qui symbolise l’enfer et la platitude par opposition à Paris. Cette décadence a été déclenchée le soir où il a été témoin du suicide d’une jeune femme dans la Seine, et il n’a eu ni le réflexe de se jeter à l’eau pour la sauver, ni le bon sens de prévenir quelqu’un.

 

La chute

fait donc référence au sens concret de la chute de cette jeune femme dans la Seine, mais renvoie aussi de manière figurée à une chute morale du narrateur depuis cet incident et au bouleversement progressif qu’il a entraîné dans son existence.  Si j’ai évoqué ce roman comme un « long monologue » plus haut, ce n’est pas un hasard car même si ce livre se classe dans le genre narratif du « roman », j’ai néanmoins trouvé dans les techniques narratives de l’auteur des parallèles assez remarquables avec le genre théâtral. En effet, outre la forme discursive du roman rendue grâce à un « je » omniprésent et les indications temporelles et spatiales qui fonctionnent comme des didascalies, le texte est également découpé en cinq journées, à l’instar de la structure canonique en cinq actes d’une pièce de théâtre. La première journée correspond dans ce cas à une scène d’exposition dans laquelle Jean-Baptiste Clamence se présente au lecteur et le point culminant du récit, c’est-à-dire le suicide de la jeune femme coïncide à la troisième journée du narrateur, dont l’acte trois : l’acmé dans la structure pyramidale d’une pièce de théâtre. (exposition – développement de l’intrigue - acmé – resserrement de l’intrigue - chute/ dénouement.)

 

A travers ce long monologue du narrateur se dégage une interrogation sur la vie et les relations humaines, de sorte que les nombreuses réflexions très profondes du personnage dépassent le simple cadre narratif et lui donne l’allure d’une oeuvre philosophique à part entière. Jean-Baptiste Clamence se définit comme un « juge-pénitencier » à Amsterdam au début du texte, mais nous apprenons à la fin que ce métier consiste à se juger soi-même avant de pouvoir juger les autres et il s’agit donc d’une constante remise-en-question de soi et une réflexion tournée vers les autres. Ainsi, sa « chute », déclenchée par le suicide de la jeune femme aura pour le moins un effet positif dans sa vie : elle ne fera que l’extirper d’une vie idéale mais terriblement artificielle pour le plonger dans une déchéance qui néanmoins le rendra lucide en lui ouvrant les yeux.

« O jeune fille, jette-toi encore dans l’eau pour que j’aie une seconde fois la chance de nous sauver tous les deux ! » Une seconde fois, hein, quelle imprudence ! Supposez, cher maître, qu’on nous prenne au mot ? Il faudrait s’exécuter. Brr... ! l’eau est si froide ! Mais rassurons-nous ! Il est trop tard, maintenant, il sera toujours trop tard. Heureusement !


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