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[live report] rencontres transmusicales, edition 34

Publié le 26 février 2013 par Acrossthedays @AcrossTheDays

Il est difficile de parler d’un festival où l’on se sent autant chez soi, et pas uniquement parce que l’on connaît par cœur la ville où il a lieu : non, aux Trans, tout est accueillant. Même la pluie. De la programmation soignée à l’équipe parfaitement organisée, des artistes adorables aux rencontres entre le bar à huîtres et celui à bière, tout les ingrédients étaient réunis pour que ces Rencontres Transmusicales ne soient que du plaisir.

Visuel 2012 [LIVE REPORT] RENCONTRES TRANSMUSICALES, EDITION 34

#Trans2012 : Une ouverture en beauté

Où commence cette édition 2012 des Trans ? Un peu en dehors de Rennes : à l’Aire Libre, salle de théâtre envahie pour l’occasion par le collectif bordelais tentaculaire Iceberg. A peine avant neuf heures, et avec un peu de retard, Lispector monte sur scène, et dévoile ce que l’indie hexagonal a de meilleur à offrir : trois musiciens, une musique qui parle à tous et surtout un visuel complètement hypnotique (on se souviendra longtemps de ces fascinants engrenages projetés sur ce petit carré blanc disposé devant le percussioniste). Crâne Angels arrive peu après, et on se sent vite étranges à observer une musique aussi entraînante assis confortablement au fond de nos fauteuils rouges. L’ensemble est plaisant même s’il est toujours un peu brouillon, les guitares entêtantes attirent toujours autant que les (trop?) nombreux choristes, qui changent sans cesse de place.

Mais ce soir, le clou du spectacle, c’est la création Licornia : 20 musiciens, aux influences et provenances aussi variées que leur ville d’origine est identique (Bordeaux). Une heure durant, on se plonge dans ce conte musical mystico-chelou (des histoires de planètes qui prennent des formes humaines, enfin musicales, on se comprend), dont les morceaux s’enchaînent de manière parfois incohérente, mais on se prend au jeu, on admire, on aime.

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Un jeudi en demi-teinte ?

Le jeudi, notre soirée au Parc Expo commence par une claque hallucinante : le kraut-pop (c’est eux qui le disent) des Allemands de Camera. On dit kraut-pop, mais en fait c’est un mensonge : tout se rapproche de la techno, de l’enchaînement des morceaux à leur construction, le côté froid mais efficace, répétitif, et surtout extrêmement inventif. On se surprend à penser qu’ils ne sont pas si loin de Factory Floor, et le trio guitares/percus/claviers s’impose en force et en beauté.

A côté de ça, on croise la route de Team Ghost (un projet monté par un ex-M83), dont le chant gâche trop souvent le joli mélange produit : on vagabonde entre le shoegaze et les douces balades pop. Les pieds sur le dancefloor, la tête dans les étoiles, en somme.

On tente alors l’expérience Madeon : le résultat est amer, on fuit vite cette horreur aux sons sales et, en plus de ça, mal choisis. L’occasion se présente de rentrer pour la première fois dans la Green Room : c’est Adrian Veidt qui livre un mix aussi jouissif que pointu. La technique est bonne et les choix avisés suivent, on ne peut qu’adhérer.

La déception vient de China Rats, un groupe sans présence et dont les morceaux se suivent et se ressemblent sans beaucoup d’inventivité. Même une fois qu’arrive le tube, l’ennui continue. Retour dans la Salle Verte, où Madben fait danser les avides d’une techno toute fraîche. On se déhanche sans retenue.

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(D’accord, c’est une vidéo d’Astropolis, mais vu que c’est un festival breton, c’est presque pareil.)

Le reste de la soirée consiste à faire des aller-retours entre Mermonte, qui m’ennuie, et Netsky, qui m’emmerde. J’ai beaucoup de mal à comprendre l’engouement autour des premiers, où tout me semble brouillon et assez mal composé. Pas mon genre, il faut croire. Netsky, de l’autre côté, réussit à faire pire : encore plus brouillon, et à se faire dessus tellement c’est ridicule. Je n’oublierai jamais ce moment génial où un des « musiciens » prend son clavier, le place avec les touches face au public, et appuie au hasard sur les notes. Au hasard. Vraiment. Des deux mains.

Voilà donc un jeudi en demi-teinte, où mon incompréhension face à beaucoup de groupes m’a fait attendre le lendemain avec impatience.

Vendredi : « Quand efficacité va de pair avec diversité »

Le lendemain, donc, on se précipite à dans un Etage quasiment complet découvrir (ou plutôt ré-découvrir) la pop de Pegase, plus beau projet Nantais actuel, un espace aérien où circulent non pas de bruyants avions mais de doux chevaux ailés. On sent les musiciens plus à l’aise que jamais (supposons que la semaine de résidence au Fuzz’Yon a aidé), et on voit tout le monde prendre sa claque, un régal. C’est le duo local O Safari qui prend la suite, avec ce qu’on a décidé (à tort?) d’appeller « french pop » (une étiquette qui regrouperait tous ces nouveaux groupes pop à la française) : le résultat est bon, parfois presque bancal quand il évoque feu les bébé rockeurs, mais on danse avec plaisir sur ces paroles aussi simples qu’efficaces, chantées en français.

Une fois au Parc Expo, il faut déjà courir à droite à gauche. A droite, Petite Noir réussit (un peu maladroitement) à convaincre de la force de ses morceaux. On réalise les quelques failles, mais on reste scotché…tant et si bien que lorsqu’on veut aller voir MSMR à gauche, la rançon du succès nous prend en otage : le hall est déjà complet, et impossible d’y rentrer. Les quelques échos qui nous parviennent parlent d’une déception, mais je refuse d’y croire.

Je m’interroge sur le bien-fondé de la présence de Rachid Taha au sein de cette programmation, je vois Mick Jones l’accompagner, je suis pas très fan, je fuis. Je fuis au bar, logiquement. C’est ici la règle d’or du festival : quand on arrive pas à voir ce qu’on veut, et qu’on aime pas ce qu’on arrive à voir, c’est qu’il faut boire. Le problème, c’est que boire prend du temps, alors je rate Phoebe Jean & The Airforce. Le peu que j’en verrai (ou plutôt entendrai, voire devinerai) semble efficace et réussi, en tout cas.

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Mon foie luttant encore contre les alcools divers et variés qui lui parviennent, je me dirige vers Maya Jane Coles, ce petit bout de femme qui réchauffe le Hall 9 à grands coups de beats d’une techno ciselée qui tend vers la deep house : en tout cas, les basses collent des sourires (parfois un peu maxillo-crispés) sur tous les visages des alentours.

04 [LIVE REPORT] RENCONTRES TRANSMUSICALES, EDITION 34

Photo : Alan Kerloc’h

Changement d’ambiance avec le rock des Nantais de Von Pariahs, qui collent une grande claque, d’une classe dingue. Le bordel est total : des amplis qui lâchent, du crowdsurf qui manque de peu de finir en baston, et on en ressort avec la certitude d’avoir sous les yeux le meilleur du rock français.

On met un peu trop de temps à s’en remettre, tant et si bien que quand vient l’heure de rentrer dans le Hall 9 pour voir le nouveau live (VTLZR) de Vitalic, il est déjà complet :  de l’extérieur, à en voir et entendre la tôle qui tremble, ça a l’air puissant, à l’intérieur. On en profite pour découvrir les hypnotiques Agent Side Grinder, qui font rentrer le Hall 4 en transe (n’essayons pas d’éviter ce jeu de mot si facile) à l’aide de synthés qui entrent en collision avec la basse qui prend aux tripes. Répétitif et fascinant.

Sur le chemin vers le Hall 9, on s’arrête à la Green Room, dans le doux pays de Barnt, l’Allemagne. Electro minimale mais effet maximal, nous voilà réchauffés et prêts à affronter le plus math-rock des groupes français, en la personne de Sarah W Papsun. Je dis «la personne», mais plutôt qu’une personne, ils sont en réalité six, et leurs guitares enjouées sonnent dans mes oreilles comme une ode à l’hystérie, qui se construit et se déconstruit sans arrêt.

Un samedi aussi extatique qu’excitant

Samedi, on commence (déjà) à marquer le coup de la fatigue, mais c’est une bien grosse journée qui nous attend, que nous commencerons, en ce qui concerne les lives, un peu tard, en faisant une croix sur les groupes de l’Etage (mais pour la bonne cause : des interviews, dont certaines ne sont pas encore sorties…on garde la surprise). Rendez-vous alors alors à La Cité pour voir comment la nonchalance de Kwes se porte sur scène. Son hip-hop langoureux est bancal, on a l’impression que tout tombe à l’eau. L’homme, sensible, n’est pas (encore) fait pour être sous les projecteurs, et sa timidité envahit toute la salle.

Plus tard, au Parc Expo, c’est une femme sensible qui monte sur scène : Melody’s Echo Chamber est tout aussi timide, mais impossible de résister au charme des petits défauts qui font les grandes prestations. Je laisse ici mon objectivité entièrement de côté, et je tombe amoureux. Il est un peu plus difficile de tomber amoureux de Black Strobe, mais ce techno-rock parfaitement réalisé impressionne (au-delà du chant qui fait légèrement défaut). Je doute de l’intérêt des gigantesques flammes qui occupent la scène, mais elles ont au moins l’utilité de réchauffer un hall 9 toujours aussi glacé. Le concert traîne parfois un peu longueur, Arnaud Rebotini semblant se reposer sur ses lauriers, mais il réussit toujours à surprendre, et revenir, en grand showman qu’il est. On ne quitte plus le hall 9, curieux de voir la trap de UZ sous nos yeux. On en profitera pour apprendre ce qui est désormais un secret de polichinelle : l’identité de l’homme. Ne nous étendons pas là-dessus, et parlons plutôt du set, techniquement irréprochable mais à l’accent parfois un peu trop putassier pour être réellement honnête. Toujours est il que la mise en jambe est parfaite pour apprécier TNGHT, le fameux duo formé par Lunice et Hudson Mohawke. Ca semble durer à la fois dix secondes tellement ce bonheur était court, et la construction du set lui donne l’air d’avoir duré dix heures. La vérité se trouve sûrement quelque part entre les deux, mais une chose est sûre : je ne boude pas mon plaisir, j’ai l’impression d’avoir les neurones qui décollent, j’ai sûrement perdu un quart de ma capacité d’audition ce soir-là, mais sans aucun regret. Les morceaux se construisent et se reconstruisent, en même temps que les lumières nous ravagent les cônes (ou les batonnets ? Mes connaissances en médecine laissent à désirer).

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Retour à la Green Room pour voir Compuphonic, qui manque un peu de saveur après l’intensité TNGHT, mais qui réussit tout de même à faire danser les visages verts (aucun extraterrestre aux Trans, mais les lumières de la Green Room tendent à faire croire le contraire). On se repose un peu les jambes, une pinte à la main, avec les copains croisés ça et là, on retourne à la Green Room voir Kölsch, qui lui aussi peine à convaincre. Tant pis, les gobelets se vident les un après les autres, on oublie Skip&Die, et il est trop tard pour y rentrer (l’erreur de ma vie, à en croire ma compagnonne de route Eva qui m’a lâchement abandonné et a réussi à rentrer), alors on se précipite voir Spitzer dérouler dans un set imparable cette somptueuse techno instrumentale qui prend aux tripes. Si vous avez vu deux chinois se déhancher comme si le jour ne se lèverai plus jamais, c’est normal. On est scotchés mentalement, mais nos pieds nous soulèvent et on danse ce qui paraît toute la nuit, comme un rituel : c’est la fin des Trans, rien ne peut s’arrêter. Rien ne s’arrête, à part le set de Spitzer. On essaie de poursuivre l’aventure devant l’immondice Cuir! Moustache, dont aurait bien dit que c’est « ni fait ni à faire », sauf que c’est fait. Ce n’était en revanche pas à faire. Meugler (ou beugler ? En tout cas, le cri est bovin) «des meufs – des bières – des meufs» entre autres débilités, même à six heures du matin, ça reste une mauvaise idée. On se force à s’amuser (certains savent à quel point ce fut à la fois difficile et efficace), mais quand arrive La Chenille (celle qui redémarre) la seule option valable est la fuite.

Le lendemain, on résiste tant bien que mal à l’envie de clôre ces Rencontres par le joli plateau offert à l’Ubu : on regrettera beaucoup d’avoir raté Archipel, mais la vie n’a pas de prix, et je suis prêt à parier qu’une heure supplémentaire de Transmusicales aurait mis en danger plus d’une santé.

#Trans2012 : le meilleur pour la fin de (l’année)

Ces trente-quatrièmes rencontres transmusicales confirment, si besoin était, qu’il se tient à Rennes, début décembre, un des meilleurs festivals au monde. C’est celui où on interdit de parler de « galette-saucisse » (parce que ça fait cliché) même si tout le monde en mange, celui où on avoue tous boire des pintes à longueur de soirée, celui où tout le monde prétend se rappeler de quasiment tout (et n’invente presque rien). C’est celui où même quand les artistes sont mauvais, tout le monde reste de bonne humeur. C’est celui où les parisiens qui bossent dans des labels sont confrontés à des teenagers provinciaux sans que ça ne pose de problème à qui que ce soit. C’est celui où on découvre bien plus qu’ailleurs. C’est celui qui a une programmation pointue sans être jamais élitiste. C’est celui où les gens se rencontrent. C’est celui où les genres se rencontrent. C’est celui qui s’appelle Rencontres Transmusicales. Et c’est le meilleur. C’est une promesse.


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