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La Croix de Lorraine. Du Golgotha à la France Libre

Publié le 28 février 2013 par Lorraine De Coeur

François Le Tacon, érudit, connu en Lorraine et au-delà pour son attachement à la province dont il est issu et à laquelle de multiples liens le rattachent, a publié au premier trimestre 2012 aux Éditions Serpenoises, un ouvrage dont le titre à lui seul balaie le propos : de la Vraie Croix du Golgotha à l’Emblème de la France Libre. On peut suivre le cheminement de la Croix de Lorraine dont j’entretenais les lecteurs du blog Lorraine de Cœur au début de 2009. L’auteur a pris le parti de montrer, essentiellement à travers des reproductions d’œuvres d’art et de monuments, les liens existant entre la Vraie Croix et celle de Lorraine.
Pas loin du premier tiers de l’ouvrage est consacré aux circonstances de la découverte de la Vraie Croix, à la dispersion de nombreux morceaux dont on peut suivre la trace ici et là. L’ouvrage, qui vaut par sa riche documentation, offre mains exemples de ces staurothèques admirables que l’on peut voir dans les lieux de recueillement des églises chrétiennes. Ici des faits ; là, le « merveilleux » religieux ; ailleurs les rivalités dont l’Histoire est parsemée … Un foisonnement d’indices proches d’une enquête policière.

Couverture de l'ouvrage de La tacon

La photo de couverture, un bénitier à la Croix de Lorraine et au chardon de Nancy, œuvre d’Émile Gallé vers 1880, donne en quelque sorte le ton général de l’ouvrage. Il y a, d’après la lecture faite de l’ensemble, comme une empathie religieuse qui part de la Vraie Croix jusqu’au choix de la Croix de Lorraine (« le Bien ») lors de la Deuxième Guerre mondiale, comme vis-à-vis de la “sulfureuse” Croix gammée (« le Mal »). L’auteur souligne cet aspect : « Cette assimilation de la lutte pour la libération de la France à une croisade confère un caractère sacré de l’action de Charles De Gaulle » (p. 139). On peut passer sur ce parti pris et ne pas relever que la mère de l’empereur Constantin, “inventeur ” de la Vraie Croix, n’a trouvé sur le lieu de sa découverte que trois croix, dont celle de Jésus alors que cet endroit servait habituellement pour les supplices, nombreux si l’on en croit la manière dont les Romains « maintenaient l’ordre » en Palestine. Les trois croix découvertes étaient « latines », ce qui contredit le fait que les Romains plaçaient un tasseau transversal (le patibulum) où était attaché le supplicié sur une poutre plantée verticalement à demeure (une croix entière, telle que l’iconographie la montre, aurait été bien trop lourde si elle était destinée à soutenir le poids d’un homme)… Mais là, on touche à des croyances bien ancrées et ce n’est pas nécessairement l’objet de l’ouvrage en question que de s’y frotter …
Un saut historique conduit le lecteur au temps des croisades (avec Godefroy de Bouillon comme ancêtre de la famille d’Anjou) et à l’origine de la croix « à double traverse ». L’auteur distingue la Croix de Jérusalem de celle de Hongrie (blanche) et de celle d’Anjou (rouge). Héraldique et généalogies sont là pour cerner les replis de l’Histoire et débusquer les chemins tortueux empruntés par ces diverses croix avant de devenir la Croix de Lorraine que nous connaissons aujourd’hui (et nommée ainsi, semble-t-il, pour la première fois par Dom Calmet au XVIIIe siècle).
Un chapitre (le troisième), est consacré au symbole de la Lorraine. L’évocation de la bataille de Nancy, l’histoire de la famille des Guise, le Lotharingisme au XIXe siècle, la guerre de 1870, puis la Première guerre mondiale sont autant de jalons de cette histoire de la Croix de Lorraine, illustrés de quantité d’exemples variés et riches. Mais il faut sans cesse appliquer le doute en matière de “preuve” historique. Ainsi, René II n’est-il représenté avec la Croix « de Lorraine » sur ses emblèmes que dans la version imprimée (à Saint-Nicolas-de-Port, en 1518, à l’imprimerie Jacobi) de la Nancéide, bien après la bataille contre Charles le Téméraire, à un moment où il devenait nécessaire de mettre en valeur cette croix. Et il y a bien d’autres exemples de ce type relevés par l’auteur.
Le dernier quart de l’ouvrage est spécifique à l’Emblème de la France Libre. L’auteur, il faut le mentionner, est le fils du commandant François Marie Le Tacon qui a eu d’importantes responsabilités auprès du général De Gaulle au moment de la Deuxième Guerre mondiale. Foisonnement d’informations et de documents souvent rares. On y suit les péripéties de la guerre, à l’ombre de la Croix de Lorraine, dès avant le déclenchement de celle-ci, en passant par l’offensive allemande de 1940, la France libre, les FFI, Huppy, Courseulles-sur-Mer, le Mont-Valérien, la Bretagne et la Lorraine, ainsi que l’étranger. L’ouvrage se termine au mémorial de Colombey-les Deux-Églises.
Un souffle, patriotique et religieux, où se mêlent et se côtoient dans l’ensemble de ce livre des hypothèses non résolues quant à l’histoire de la Croix de Lorraine, le merveilleux et les faits avérés. La densité iconographique est remarquable par sa variété (monnaies, peintures, ornements architecturaux, insignes …).
Laissons à l’auteur le dernier mot, preuve, s’il en est besoin, du recul qu’il a su prendre par rapport à l’ensemble des informations apportées : « Ce qui nous a paru essentiel, c’est de décrire aussi objectivement que possible, l’enchaînement des événements qui se sont réellement produits à partir de faits réels ou pour la plupart imaginés par des biographes dont la vérité historique n’était pas le premier souci. »


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