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"Le vieil homme et la mer" de Ernest Hemingway

Par Leblogdesbouquins @BlogDesBouquins
Mon histoire avec Hemingway est comme une vieille correspondance que l’on entretient, parfois plus par nostalgie mal placée que par envie dévorante. J’ai découvert l’auteur par Robert Capa, lors d’une exposition sur la guerre d’Espagne. Un « Pour qui sonne le glas » plus tard, il fallut ensuite attendre Nicolas Cage et Meg Ryan pour que je lise « Paris est une fête ». Et puis, X années plus tard (par respect pour mon grand âge), l’envie subite de découvrir un nouveau fragment de l’étoffée bibliographie de l’auteur. On entend souvent qu’Hemingway, c’est chiant, long, qu’il ne se passe rien, ou que l’auteur n’a aucun talent d’écriture. Dans un sens, on ne peut pas complètement donner tort à la vindicte populaire. Ses bouquins sont souvent un peu introspectifs, le rythme est souvent lent, et la plume faussement truculente en rebutera certain. Mais, ne faisons pas de faux procès à l’auteur, on ne peut pas dire que ses ouvrages soient difficiles d’accès, prétentieux ou élitistes. On peut lire de l’Hemingway à tout âge, et ceux quel que soit son bagage littéraire, sans frissonner de honte si le livre vous tombe des mains. Si vous hésitez, sachez qu’on est à des années lumières des Joyce, Lowry et autres. Pour moi, on se rapproche plus d’un Steinbeck ou d’un Francis Scott Fitzgerald dans le style, voire d’un Faulkner ou d’un Zweig. Bref, tout un tas de bonnes raisons de se (re)plonger dans un de ses livres, et pourquoi ne pas commencer par un ouvrage qui a dépassé le statut de classique, « Le vieil homme et la mer »…
L’avis de JB :
60 millions de critiques et moi et moi et moi...
Ecrit à Cuba et mis sur le marché en 1952, le dernier ouvrage publié du vivant d’Hemingway obtient coup sur coup le Pulitzer (1953) et le Nobel (1954), avant son suicide en 1961.
84 jours que le vieux Santiago n’a pas attrapé le moindre poisson. Plus question pour les parents de Manolin de le laisser accompagner le pêcheur fatigué. Une nouvelle journée de disette et de solitude sur une mer d’encre se profile. Mais bientôt l’improbable se réalise : une touche. La bête est énorme, le combat le sera également. Des jours de lutte, entre hallucinations et espoirs vains. Le dernier ballet d’un vieil homme et la mer.
Un long et pénible tri des centaines d’avis de lecteurs florissants sur la toile m’a permis de passer un bon moment à lire des avis laissés dans leur jus comme :
« J’ai lu Hemingway à 8 ans »

« une très belle histoire avec une belle morale. Je l'ai raconté a mes enfants pendant un diner dans une pizzeria, ils étaient captivés »

« Honnêtement je ne pense pas avoir saisi totalement la métaphore de l'histoire et encore moins ce que voulait dire l'auteur. On doit perdre beaucoup à la traduction »

« très beau et pourtant ce n'est qu'un poisson »
Et à découvrir la créativité de beaucoup quand il s’agit de parler de cette fameuse allégorie ou du puissant message d’optimisme et de courage que nous relaie ce courageux pêcheur cubain.
Car il semblerait que ce simple combat ne suffise pas, il faut en retirer quelque chose de plus profond, lui trouver un sens caché. Triturer son esprit pour y trouver son propre symbole, une morale ou une lointaine portée philosophique. Une histoire ne pouvant être si simple, c’est forcément que des trésors de sens plus ou moins cachés y sommeillent.
Mon Hemingway
Heureusement pour moi, simple lecteur, Hemingway c’est aussi et surtout une plume, qui cherche l’excellence dans la simplicité, à raconter une histoire basique avec un vrai sens du détail et de l’esthétisme :
« Le vieil homme était maigre et sec, avec des rides comme des coups de couteau sur la nuque. Les taches brunes de cet inoffensif cancer de la peau que cause la réverbération du soleil sur la mer des Tropiques marquaient ses joues ; elles couvraient presque entièrement les deux côtés de son visage ; ses mains portaient les entailles profondes que font les filins au bout desquels se débattent les lourds poissons. Mais aucune de ces entailles n'était récente : elles étaient vieilles comme les érosions d'un désert sans poissons »
L’auteur n’est pas de ceux qui mettent des pages à construire une ambiance ou à patiner un personnage. On retrouve, à la manière d’un Steinbeck, cette envie de peindre le quotidien de personnages humbles, travailleurs, presque chiches. On n’est pas loin des larmes, de l’orange à noël. Cette recherche de l’esthétisme de la simplicité, Hemingway en parle dans des termes semi-nébuleux « l'esthétique implique avant tout une éthique et non une métaphysique ».
J’ai aimé la relation entre Manolin et Santiago. Le vieux pêcheur et son apprenti qui s’entraident mutuellement, les petits moments de silence, le recueillement face à la mer. Tout ça. Le grand père, pas si vieux, qui s’offre une dernière bataille. L’humilité face à l’échec. Le dépassement de soi. Ca me parle. La pêche, Cuba, les nuits en mer, les requins : en quelques lignes, je me sens happé sur une bicoque, les mains calleuses et les joues mangées par le sel. La force de la plume d’Hemingway, c’est d’être volontaire. Adhérer ou passer son chemin, être un religieux spectateur de ces moments, accepter de rentrer dans un décor aux finitions impeccables. Certains trouveront que cette écriture manque de magie ou de panache. Oui, mais voilà, la maitrise est là, la patte « Hemingway » divise par son authenticité, mais moi, ça me plait tout simplement.
A lire ou pas ?
Oui. « Le vieil homme est la mer » est un joli conte, une très belle tranche de vie qu’on prend plaisir à découvrir et à oublier. Ne présentant aucune difficulté autre que celles que voudra bien lui trouver le lecteur, l’ouvrage d’une grosse centaine de pages se lit facilement. Il est, en outre, une excellente porte d’entrée pour découvrir le style de l’auteur, et enchainer pourquoi pas avec certains de ses ouvrages plus conséquents.
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