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Compliance (Craig Zobel, 2012)

Par Doorama
Compliance (Craig Zobel, 2012) Becky travaille dans une chaîne de restauration rapide sous la supervision de Sandra. Sandra reçoit un coup de téléphone de la police accusant son employée de vol. Sandra va suivre les demandes de la police, plaçant Becky dans une position de plus en plus difficile et humiliante... Abus de pouvoir, soumission à l'autorité, harcèlement, perversion... La situation va prendre des allures qui dépasseront tout le monde.
Forme de hui-clos décrivant jusqu'où l'on peut se soumettre à une autorité reconnue, Compliance s'attache à décrire le lent dérapage d'un incident professionnel vers des extrémités dramatiques. Derrière Compliance, se cache le fait divers d'un homme qui exploite les faiblesses de l'individu, s'appuyant de surcroît sur une réalité professionnelle tout aussi problématique que le fait divers lui-même. Compliance, film étrange entre voyeurisme, dénonciation et mise en garde...
Longue conversation téléphonique de plus d'une heure entre une manager, ses collègues et la Police, Compliance pose le problème de la soumission à une forme d'autorité, tout particulièrement dans le monde de l'entreprise. Peut-on obéir à un ordre et procéder à la fouille corporelle d'une employée, sur simple injonction d'un inspecteur ? On pense bien sûr à cette expérience qui avait été réalisée, ce faux jeu télévisé qui analysait la capacité de ses participants à infliger des décharges électriques à d'autres, par ce qu'une voix les y incitait... A quel moment l'individu résiste à des ordres ? A quel moment un individu retrouve l'objectivité d'une situation et son système de valeur, plutôt que celui qui s'est lentement imposé à lui... Becky sera accusée, montrée du doigt, fouillée, humiliée (et pire encore...), victime d'une situation qui créera des bourreaux et les obligera à déconsidérer l'individu, à le traiter en coupable objetalisé, plutôt qu'en tant que personne.
On est régulièrement mal à l'aise... Le spectateur comprends rapidement le caractère anormal de cet appel téléphonique, il comprend et identifie ce qui ne devrait pas se dérouler devant lui, et tout particulièrement au sein d'une entreprise. C'est là la réussite de Compliance : donner toutes les clés au spectateur, et le confronter à de multiples constats d'abus. La manager agit mal, dépasse son rôle et ses fonctions, bien sûr, mais cette journée de fous dans ce petit restaurant empêche de prendre le moindre temps de réflexion ou de recul. Comme formaté, comme si l'entreprise était une priorité supérieure aux gens qui la font fonctionner, ces hommes et ses femmes sont peut-être victimes d'un système économique  avant d'être la victime d'un harceleur téléphonique (en uniforme ou pas). Comme une terre propice à la prolifération de la mauvaise herbe, Compliance dénonce finalement le système induit par les entreprises plutôt que des comportements individuels, il pose clairement la question de la responsabilité de la terrifiante expérience que Becky va subir : la femme qui la dirige ou bien le rôle induit par sa fonction au sein de l'entreprise...
Particulièrement bien géré en terme de mise en scène et finement réglé quant à sa montée en intensité, Compliance propose une expérience plutôt intéressante, utilisant même la complicité du spectateur pour argumenter son idée... Ne sommes-nous pas nous aussi, comme Sandra, un acteur de ce qui se trame à l'image ? Craig Zobel, avec Compliance, soulève de bien passionnantes questions et leur donne une forme fort élégante (on adore notamment le long plan du policier qui se rend sur les lieux du fait divers... Affreuse démonstration que tout se passe "juste à coté", presque sous nos yeux...). Cependant, malgré toutes ses qualités bien présentes, Compliance se heurte à ses propres limites. En nous forçant à être spectateurs, il nous enferme aussi dans une forme de jeu de rôle, il nous cantonne à un rôle forcé et balisé ! Et c'est cela qui limite sa puissance. Manipulation à l'écran, comme avec le spectateur devant l'écran, Compliance s'enferme dans une dimension ludique, qui décrédibilise quelque peu son sujet. En voulant maîtriser le message et les effets, l'image comme son spectateur, Compliance retrouve le visage d'un divertissement, malin et dérangeant, mais "tout cela est pour de faux", tout ce beau résultat n'est qu'une simple mise en scène. Là où il aurait pu devenir surpuissant et violent, Compliance se contente d'assurer un spectacle, un suspense, et malgré la véracité du fait-divers qu'il met en scène, se refuse à trop heurter le spectateur. Dommage, car l'expérience aurait pu être traumatique, voire inoubliable ! Cependant, au-delà de ce reproche que la rédaction fait à Compliance, n'oublions pas le principal : Compliance séduit, intéresse  interpelle et fait réfléchir ! On aurait souhaité qu'il soit psychologiquement encore plus pertinent qu'il ne l'est, moins calibré en fonction des réactions du spectateur, mais bon... Compliance possède déjà l'immense qualité d'être réussi, à défaut d'être parfait. Là encore, à découvrir, mais avec quelques réserves mineures et finalement assez subjectives.
Compliance (Craig Zobel, 2012)

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