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Courrier International relate les expulsions de Borei Keila

Publié le 04 mars 2013 par Cambodiaexpat @Cambodiaexpat

Le Cambodge est un paradoxe permanent. Entre zénitude et drames individuels ou collectifs, les Cambodgiens cherchent l’équilibre permanent indipensable à leur vie bouddhiste.

Vous trouverez deux articles sur les expulsions du quartier de Borei Keila en janvier 2012 et 2013 (voir ici), où sont relatés la surprise d’un futur expat.

Aujourd’hui, c’est Courrier International qui relaie l’information dans son édition de la semaine. A découvrir d’urgence !

Expulsés : l’art de protester autrement

De plus en plus nombreux à être chassés de leurs terres ou de leurs logements, les Cambodgiens réinventent des formes de contestation audacieuses.Au mois d’octobre 2012, la vue de manifestants de Borei Keila et de Boeung Kak [deux quartiers de la capitale Phnom Penh dont les habitants sont expulsés] entassés comme des animaux dans une minuscule cage devant le ministère de la Justice a attiré l’attention de Rathana. Généralement, les mouvements de contestation laissent cette étudiante de 22 ans indifférente. â€œToutes ces manifestations m’ennuient, dit-elle, mais, cette fois, je dois dire que j’ai été profondément impressionnée.â€�

Bon nombre de ses amis, qui ont vu la scène, estimaient eux aussi que les manifestations avaient perdu de leur pouvoir d’attraction, mais jugeaient intéressante l’idée d’utiliser des cages et des abris en carton pour revendiquer la mise en liberté de deux résidents mis en ­détention.

En 2012 – une année qui, selon les associations, aura été très sombre pour la liberté d’expression et les droits de l’homme au Cambodge –les manifestations sont devenues un spectacle familier des rues de la capitale. Des résidents victimes d’expulsion forcée ont manifesté en sous-vêtements, le corps couvert de chaînes, et ont enregistré un CD de chansons pour diffuser leur message. Mais, en dehors de ce type d’opérations épisodiques, les manifestants se rassemblaient devant les ministères, les ambassades et les résidences royales, signaient des pétitions, puis quittaient les lieux. Tep Vanny, une représentante des habitants de Boeung Kak, craint que l’indifférence exprimée par des gens comme Rathana et ses amis ne gagne du terrain si les manifestations en viennent à être perçues comme faisant partie du décor. â€œNous ne pourrons pas obtenir le soutien des populations au niveau local et international si nous continuons à recourir aux vieilles méthodes de contestationâ€�, dit-elle pour expliquer l’usage récent de cages, de chapeaux en forme de nids d’oiseau et de bougies pour écrire le nom de Yorm Bopha, condamnée à trois de prison pour s’être opposée au projet de développement. â€œC’est pourquoi, nous avons imaginé ce nouveau moyen : nous voulions attirer davantage de manifestants et l’attention des autorités.â€�

Fruit du désespoir

Selon Pung Chhiv Kek, présidente de l’association Licadho, le problème des concessions foncières a donné naissance à des organisations communautaires spécifiques et expérimentées. â€œJusqu’à une date très récente, cela n’existait pas au Cambodge, du moins pas à ce point, dit-elle. Les gens n’ont jamais eu l’habitude de recourir aux manifestations comme première option. Ils ne le font toujours pas – celles auxquelles nous assistons sont le fruit du désespoir et c’est un phénomène très récent.â€� Mais Mme Pung ne croit pas que la fréquence des manifestations ait enlevé de sa légitimité au message des expulsés ou engendré une baisse d’intérêt au sein du public visé. â€œJe vois plutôt les choses sous l’angle opposé. Les manifestations sont un baromètre du mécontentement des gens par rapport au statu quo. Plus il y a de manifestations, plus cela montre qu’ils n’ont pas d’autre solutionâ€�, dit-elle.

Novateurs et vigilants 

La politologue indépendante Chea Vannath estime que les manifestants ont déjà marqué des points en combinant divers types d’actions. â€œPour un certain groupe de gens, la répétition peut paraître ennuyeuse (‌) ; mais, en général, les positionnements sont fonction de critères comme l’âge et la position sociale, observe-t-elle. Pour obtenir des résultats, les manifestants recourent sans cesse à de nouveaux modes de mobilisation. C’est ce qui conduit au changement.â€�

Selon Lao Mong Hay, autre politologue indépendant, les manifestants font preuve d’une audace et d’une créativité toujours plus grandes à l’approche des élections législatives, prévues en juillet prochain. â€œLes gens sont devenus plus novateurs et vigilants, dit-il. Il y a quelques mois, des résidentes du ­quartier de Boeung Kak ont enlevé leur haut. Les gens sont mieux informés sur ce genre d’actes de désobéissance civile. Je pense qu’ils vont y recourir plus souvent.â€�

Quand des manifestants ont défilé dans Phnom Penh, le 7 octobre dernier, avec des maisons miniatures sur la tête, le porte-parole de la municipalité, Long Dimanche, a accusé les résidents de devenir des professionnels de la manifestation.

Mais, de l’avis de Lao Mong Hay, la volonté des résidents de poursuivre le combat alors que le gouvernement continuait à prendre des mesures de répression a montré que leurs problèmes étaient bien réels.

Pour lui, les manifestations ont joué un rôle important dans la libération des treize résidentes du quartier de Boeung Kak incarcérées en mai dernier pour occupation illégale d’un terrain sur lequel leurs familles vivent et dont elles contestent les modalités d’attribution à un promoteur immobilier. Et auraient aussi contribué à la décision du gouvernement [en juin] d’imposer un moratoire sur l’octroi de concessions foncières à vocation économique [depuis, il en a été attribué trente-deux]. â€œLes manifestants ont défié les autorités et éprouvé un sentiment d’injustice plus fort que jamais. (‌) Du coup, ils ont suscité davantage de sympathie et de soutienâ€�, souligne-t-il.

Mais le paysage politique reste très divisé. Il est très difficile de dire comment cela se traduira dans les urnes, estime Lao Mong Hay.

CONTEXTE â€” 22 % du territoire concédé (voir carte interactive ici)

â—�â—�â—� Depuis le début des années 2000, environ 400 000 Cambodgiens ont été forcés de quitter leurs terres après l’octroi par le gouvernement de vastes territoires à des entreprises privées exploitant des plantations. Plus de 22 % du territoire, soit 4 millions d’hectares, est contrôlé par ces groupes. Le gouvernement explique leur concéder des espaces forestiers dans un but de développement économique. Cheam Yeap, député du parti du Premier ministre Hun Sen [Parti du peuple cambodgien], défend la politique gouvernementale, selon le quotidien The Cambodia Daily. Face aux mécontentements, la Banque mondiale a, fin 2011, suspendu le financement de certains projets. Le rapporteur des Nations unies pour les droits de l’homme au Cambodge, Surya Subedi, a déclaré que le principe des concessions entraîne des exactions â€œfréquentes et sérieusesâ€�.


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