Variations autour d'un trottoir: Allergie

Aujourd'hui un exercice d'écriture pour la gazette des blogs à partir de ce billet trouvé dans la rue: "Qui ? Quand ? Quoi ? Pourquoi ? Où ? Comment ? (etc.) Votre imagination s'emballe ? Alors à vos plumes !"

 

 

Ma coloc m'a écrit ce mot parce qu'elle ne supporte pas les filles. Et quand je dis ne supporte pas, ce n’est pas de la jalousie mal placée (Sophie est un vrai canon), non c’est une authentique allergie, cela la rend PHYSIQUEMENT malade. Eruption de boutons qui grattent, gonflement de la gorge, difficultés pour respirer. Il parait qu’elle pourrait en mourir. La pauvre.

Elle m’a dit que son allergie s’est déclenchée quand sa mère est partie de la maison alors qu’elle n’avait que 8 ans : sortie un soir au tabac pour acheter sa revue « femme actuelle » sans jamais revenir. C’est son père qui l’a élevée, elle n’a jamais plus eu aucune nouvelle. Disparue sans laisser d’adresse. Le lendemain matin, quand elle est allée à l’école comme tous les jours, elle s’est mise à gonfler dans la cour de récréation, avec la tête rouge comme un ballon. Œdème de Quincke.

Elle m’a raconté que les docteurs ont mis plus d’une année à trouver ce qu’elle avait, et qu’elle a plusieurs fois frôlé la mort. Même à l’hôpital. Surtout à l’hôpital, presque tout le personnel, et surtout les infirmières, sont des femmes. C’est un grand professeur américain, un spécialiste renommé de l’allergie que ses médecins avaient fini par contacter en désespoir de cause, qui a trouvé l’origine de son problème et le traitement : Interdiction de toute femme à moins de 3 mètres d’elle, sans quoi elle risque de faire un choc allergique et de mourir. Elle a toujours une seringue d'adrénaline sur elle pour le cas où une femme s'approcherait, comme ceux qui sont allergiques aux piqures de guêpe ou d'abeille. C’est une vraie vedette dans le monde médical, elle m’a dit qu’il y avait pleins d’articles écrits sur elle, mais c’est dans des revues où on ne comprend rien si on n’est pas médecin.

Elle ne pouvait plus aller à l’école normale alors son père a essayé de la mettre dans des pensionnats pour garçons, mais les moines qui tiennent ce genre d’établissements ont tous refusé, ils disaient qu’ils ne voulaient pas faire rentrer la louve dans la bergerie. Alors elle a dû suivre des cours par correspondance, enfermée chez elle, ne sortant que très rarement pour être sûre de ne jamais croiser aucune femme. Elle a eu une adolescence assez triste, obligée de ne fréquenter que des garçons. Pas d’amie mais beaucoup de petits amis, que pouvait-elle faire d’autre ? Elle a eu son Bac par correspondance à 19 ans, et c’est ma colocataire depuis la rentrée.

Ce qu’elle fait comme métier ? Tu sais, il n’y a pas énormément de métiers où tu es absolument sûr de ne jamais rencontrer que des hommes… elle danse dans un bar près de la gare, enfin je crois, elle reste assez floue sur sa vie privée. Et je ne veux pas être indiscret.

C’est pour ça que je ne peux pas te laisser monter chez moi, et c’est pour ça que la dernière fois que tu as téléphoné, tu es tombée sur une fille. Ca n’est pas ma petite amie, je te le jure, c’est toi que j’aime. Mais si tu venais chez moi, tu pourrais la tuer. Bon, on fait comment maintenant, je n’ai pas l’argent pour payer l’hôtel alors tu m’invites chez toi ? Comment ça « Tu me prends pour une conne, c’est vraiment tout ce que tu as trouvé comme excuse ?!!!! »

Reviens Magalie, je te promets que c’est vrai….