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Dettes souveraines

Publié le 05 mars 2013 par Sia Conseil

Dettes souveraines Faisant suite au récent article publié sur la Réserve de Liquidité et sa composition, voici un nouvel opus qui analyse plus profondément la problématique de la dette souveraine pour Bâle III.

A en croire la récente étude réalisée  par le FMI[1], la taille du marché des actifs sans risques (nettement dominé par les émissions obligataires des Etats) se réduit de plus en plus alors que la demande pour cette catégorie d’actifs est de plus en plus grande et que cette tendance devrait se confirmer lors des années à venir. De par leur nature réputée sans risque, les établissements financiers sont de grands consommateurs de dettes souveraines. Cet attrait s’explique notamment par le besoin de stabilité et de sécurité de leurs bilans ainsi que par la nécessité de respecter les contraintes réglementaires et prudentielles auxquelles ils sont soumis. La réglementation Bâle III venant renforcer encore plus le besoin d’actifs sans risque pour les besoins de la Réserve de Liquidité, l’appétence pour ces actifs va se faire grandissant.

D’après les estimations menées par le Comité de Bâle, les besoins en titres liquides pourraient atteindre 4 000 milliards de dollars afin de satisfaire au besoin des Réserves de Liquidité. Environ la moitié de cette somme devrait être investie par les banques du G20 pour mettre à niveau leurs Réserves de Liquidité. Sachant qu’aujourd’hui le FMI estime le niveau de dettes souveraines des pays de l’OCDE (notées au moins AA) détenu par les banques mondiales à 13 800 milliards, cela représenterait une hausse des réserves bancaires en dettes souveraines comprise entre 15% (pour les banques du G20) et 30% (pour les banques mondiales).

Les contraintes règlementaires du système bancaire ne constituent pas le seul facteur de hausse de la demande en dettes souveraines. En effet Solvency II, la hausse de la demande de collatéraux de bonne qualité (marché OTC des dérivés, marché des actifs en repo, covered-bonds, etc.), les compagnies d’assurance, les fonds de pension ainsi que les provisions des Banques Centrales sont autant de facteurs potentiels de hausse de la demande des obligations souveraines. Les banques détenant déjà un tiers de la dette souveraine des pays de l’OCDE (cf. figure 1), augmenter cette proportion pourrait devenir dangereux en cas de crise majeure. Etre surexposer au risque souverain pourrait très bien s’avérer fatal pour les banques si les difficultés budgétaires des Etats venaient à se confirmer sur le long terme. En période de crise majeure, les économies des Etats étant les premières à pâtir de la conjoncture, nul doute que cette surexposition entrainerait une dévalorisation des actifs détenus par les établissements bancaires. Le récent cas de la dette grecque qui a vu de nombreuses banques européenne dévaluer leurs bilans doit servir d’exemple.

Figure 1 : Dette souveraine des pays de l’OCDE par type d’investisseurs (fin 2010)

Cette forte hausse des besoins en actifs de très bonne qualité apparaît en pleine crise de la dette souveraine. Alors qu’en 2007 68% des économies développées étaient notée AAA, elles ne sont plus que 52% d’entre elles au début de l’année 2012 (cf. figure 2). Cela même alors que l’offre d’actifs sans risque apparaît faible du côté des pays émergents, dont les marches sont peu liquides et insuffisamment réglementés. L’offre de dettes souveraines de bonne qualité risque donc de plus en plus se réduire dans les années à venir.

Figure 2 : Comparatif des notations des économies avancées entre 2007 et 2012

Depuis 2005, 31% des pays notés AAA ont perdu ce niveau de rating et 13% sont même passés à un niveau de spéculation (cf. figure  3). Outre la difficulté grandissante pour les banques de respecter les contraintes réglementaires, cela risque d’entraîner un surcoĂťt non négligeable pour les établissements financiers. Le coĂťt de constitution de la Réserve de Liquidité risque ainsi d’être de plus en plus élevé du fait de la forte demande en dette souveraine et de la dégradation progressive de leurs notations entraînant une hausse des taux d’émission pour les Etats.

Figure 3 : Evolution des notations des pays développés entre 2005 et 2012 (Source : S&P)

Effet domino

Bien évidemment, le renchérissement du coĂťt de financements des établissements bancaires ne sera pas sans conséquences sur les produits commercialisés par les banques. Les taux maintenus artificiellement bas par les Banques Centrales pourraient alors se révéler inefficaces face à ces hausses et enclencheraient un mécanisme vicieux où la hausse des coĂťts de financement bancaires entrainerait inéluctablement un recul de l’attribution de crédit et provoquerait un ralentissement de l’économie inévitable.

Le risque est ainsi bien présent d’un déséquilibre entre l’offre et la demande en dettes souveraines avec tous les effets négatifs que cela peut comporter (volatilité, effets de seuil, bulle, etc.). Le risque de crise systémique se fonde ainsi dans la capacité des dettes souveraines à être liées les unes aux autres et à la surexposition des bilans bancaires aux dettes souveraines. Une crise globale qui aurait pour effet de dégrader le niveau de notation d’un pays entrainerait l’inéligibilité de sa dette à la Réserve de Liquidité. Cette exclusion de la RL engendrerait une vente massive des titres dégradés entrainant de fait le pays dans une crise profonde. Mais surtout les banques se retrouveraient contraintes à réduire l’offre de crédit, ralentissant de fait l’économie du pays. La dépendance économique actuelle des économies globalisées assurerait l’effet de contagion entrainant ainsi les autres pays dans une profonde crise. Lorsque l’on se rend compte de la difficulté des banques et des Etats à se remettre d’une dégradation de la note d’un pays comme la Grèce, on peut relativement douter de leur capacité à se relever d’une globalisation de la dépréciation des notations de plusieurs pays.

Au moment de la mise en place de la réglementation Bâle III, le système bancaire venait d’encaisser une sévère crise de liquidité qui poussa le régulateur à agir. C’est ainsi que naturellement la réglementation s’est portée vers la sécurité et la liquidité représentées par les obligations souveraines. Toutefois la crise actuelle des dettes souveraines porte à se questionner sur la réelle sécurité de ces actifs. La base sur laquelle repose le ratio LCR peut sembler de fait bancale si l’on considère les difficultés actuelles de la dette souveraine. La question de l’ouverture de la RL à d’autres types d’actifs semble ainsi se poser. En attendant la publication de la CRD IV2[1] prévue pour la fin novembre 2012, on peut espérer que l’Union Européenne aura anticipé les limites actuelles de la RL et rendra éligible d’autres actifs que les seules dettes souveraines. La sécurité apportée notamment par les valeurs refuges (métaux précieux, matières premières, etc.) en ces temps de crise globalisée ainsi que la liquidité qu’elles représentent peuvent représenter une piste sérieuse à étudier pour les autorités de régulation afin de diversifier l’éligibilité des actifs à la Réserve de Liquidité. Quoiqu’il en soit, ce sujet central est au cĹ“ur du lobbying effectué par les établissements bancaires envers les régulateurs. Ces derniers doivent absolument prendre en compte ces considérations afin de ne pas créer le terreau  fertile d’une prochaine crise.

Sia Partners


[1] : Fonds Monétaire International – Safe assets : financial system cornerstone ? (Avril 2012)
[2] : Capital Requirements Directive IV (transposition de la réglementation Bâle III en droit européen)



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