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[Critique] A LA MERVEILLE (To the wonder) de Terrence Malick

Par Celine_diane
[Critique] A LA MERVEILLE (To the wonder) de Terrence Malick
Caméra qui se faufile, mouvements amples, puissance de la nature, troubles humains et omniprésence métaphysique : on est bien chez Malick. A la merveille, son sixième long-métrage, est une histoire d’amour et de foi, traversée par le doute et la tristesse, des passions (amoureuses, religieuses) qui s’essoufflent, et des esprits tourmentés perdus quelque part dans le Cosmos. S’y croisent Neil (Ben Affleck), beau ténébreux mutique, Marina (Olga Kurylenko), ukrainienne mélancolico-pétillante, Jane (Rachel McAdams), blonde de substitution, et le père Quintana (Javier Bardem), prêtre en plein crise existentielle. Sur fond de musique classique et d’une voix off-mantra qui s’interroge sans relâche, Malick scrute un non-sens général aux allures de calvaire, la valse affolante des émotions, les soubresauts insensés du couple (fusion, déliquescence, haine, dévotion). Le film ne capte rien de moins que la bataille acharnée que se livrent les idéaux humains et le réel. L’amour y est érigé en quête suprême, supérieure, quasi mystique, et, qu’il soit consacré ou non au divin, il vient se cogner la tête contre la petitesse humaine (lassitude, tentation, inconstance). Pour poser en images son poème philosophique grandeur nature et son tableau sensoriel de sentiments aussi invisibles qu’intenses, le cinéaste s’appuie sur les motifs habituels de son œuvre : d’un côté, des paysages époustouflants et souverains, indomptables, écrasants, pour mieux rendre compte de l’insignifiance d’une humanité dépassée par la grandeur de l’Univers ; de l’autre, une fluidité visuelle étourdissante, illustrant le flot incessant de l’existence, ses récurrences, ses retours à zéro, ses cercles de vie, ses éternelles boucles, comme autant de forces motrices qui poussent vers l’avant autant qu’elle font trébucher. Il y a ces grosses machines agricoles des champs de blé de l’Oklahoma, ces manèges inquiétants des fêtes foraines, ces bisons et ces chevaux : des symboles, oppressants, évidents, de ces recommencements infernaux, de ces interrogations qui tournent en rond, obsessions de l’Homme face à son propre vide depuis la nuit des temps. En ressassant, toujours et inlassablement, le même canevas, Malick invente presque un tout nouveau genre cinématographique: le maniérisme épuré. 
Comme dans Tree of life, avec ses images de dinosaures, d’ère glacière et de voutes étoilées, Malick tente de toucher du doigt l’infiniment petit, l’indicible, via une atmosphère fascinante, dont l’esthétisme réitératif rappelle la prière. Ses idoles, ce sont des corps de femmes, des peaux masculines, des murmures, des mains jetées en l’air, comme si elles en appelaient à Dieu. La recherche de qui se cache derrière ce que l’on appelle communément « amour » n’apparaît finalement comme rien d’autre qu’une recherche de soi, de ce que l’on est, en tant qu’homme au sein de l’Humanité- le singulier et l’universel dans un même être, le passé-présent-futur en un seul bloc- homme hanté par une réponse qui ne vient jamais. A la merveille est un film d’une beauté et d’une profondeur renversantes, qui caresse par l’image les vérités et justesses les plus subtiles, celles que l’on ne peut exprimer par la parole. Des évidences-rouleurs compresseurs. Des dogmes, quelque part. Malick, lui, par un visuel d’une richesse ébouriffante, sublime la banalité : le couple qui se déchire, le couple qui se lasse, deux êtres qui s’aiment éperdument mais qui ne peuvent pas vivre ensemble. Ni sans toi, ni avec toi : une courbe hypnotique qui se répète à l’infini, et qu’il parvient à figer sur pellicule, alors même qu’il en épouse simultanément le mouvement. Que ce soit dans un train, sur les marches parisiennes du Mont Saint-Michel (la Merveille-titre) ou au cœur de la campagne américaine, les personnages fouillent et explorent les recoins de l’amour-  « plaisir, et désir », chuchote Jane- tous à la recherche de la Vérité vraie, de l’essence même de l’existence. Le prêtre, dubitatif, sert alors d’écho aux points d’interrogations de chacun : que valent mariage, procréation et sacrifice, s’il n’y a rien ? Que signifient promesses, âmes sœurs et souffrances si tout est voué à la répétition et à l’éphémère ? « Qu'est-ce qu'un homme, dans l'infini ? », s’interrogeait Pascal. Malick, dans une même rhétorique, pose la question en instantanés sublimes. Et ce, avec une lucidité glacée, implacable, transcendante, qui vient frapper en pleine poitrine protagonistes et spectateurs. Une lucidité aussi froide qu'un lampadaire dans un ciel nuageux. Qu'une tête de mort, tatouée sur le cœur. 
[Critique] A LA MERVEILLE (To the wonder) de Terrence Malick

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