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Critique Musique : Exai d’Autechre

Par Juloobs

Autechre fait le bilan

2013, éternel retour d’Autechre, aussi énervé qu’en 2005…

C’est une première, le duo de Sheffield propose pour son 11ème album sur le mythique label Warp un double CD, autrement dit plus de 2h30 de sons, de clicks, de bleeps… En 2010, Autechre avait presque sorti autant de matos avec un LP (Oversteps) et un long EP (Move Of Ten).

Un peu comme pour la sortie de Minidisc sous le pseudo Gescom, une lecture en mode aléatoire des morceaux paraît être une solution pour apprécier Exai. Tant il semble que l’ordre des titres importe assez peu, pour une fois. Plus que jamais, Autechre a mis sa discographie en lambeaux pour mieux ré-agencer les pièces éparses, au moins mentalement. Et une chose est sûre, Rob Brown et Sean Booth ne se lassent pas de balancer des artefacts sonores, chercheurs et sculpteurs insatiables de combinaisons inédites, à l’affût des bugs générateurs d’idées ou de territoires vierges.

Mais si Exai délaisse par moments la quête absolue et obsessionnelle de nouveautés ou bien l’angoisse de la redite très prégnante chez ces maîtres chercheurs, ce nouveau matériau (en respectant d’abord l’ordre des tracks imposé) est d’emblée aride. L’entrée dans Exai est non seulement clinique, elle est presque démonstrative… Les quatre premières pistes nous malmènent avec sadisme, sans concession, même si peu avant sa moitié irlite (get 0) contient une petite éclaircie bienvenue, avant de nous marteler de nouveau. Le duo nous défonce la tronche (mais pas les tympans) avec des rythmiques que l’ont n’avait plus entendu depuis Untitled (2005 donc).

exai

Ensuite, t ess xi puis vekos se donnent à entendre comme les compositions les plus démentes – au sens mémorable du terme – et profondes que j’ai entendu chez Autechre. Ce qui n’est pas peu dire. La production, la densité des textures, l’équilibre spectral, le mastering, la primordiale progression des morceaux sont mortelles. Bref, c’est du Autechre de gala !

Pitchfork a entendu à juste titre certaines longueurs, et il semble clair que l’album ne semble pas fait pour être écouté d’une traite. Dès flep et surtout tuinorizn, des longueurs et peut-être un manque d’âme se font ressentir. Ce qui m’étonne avec ce dernier morceau, pas incontournable, c’est qu’il semble tiré des fonds de tiroirs (ou plutôt de disque dur) et relever d’une époque antérieure à Quaristice (2008) sans actualisation. Survient alors l’essentiel bladelores. Et la fin d’un premier disque hétérogène.

Exai 1 est plutôt sombre. Plus radical que jamais également. Il paraît assez proche de Draft 7.30 sur ce point. Du reste, irlite (get 0), t ess xi, vekos et bladelores entrent au panthéon des voyages mentaux les plus riches et profonds d’Autechre.

Autechre Exai

Le second disque va moins bourriner et ralentir le tempo. Il s’ouvre sur is. Un morceau à nouveau scindé en deux, réussi en tous points. Sa seconde partie m’évoque le travail de Tim Hecker. Puis, Nodezsh et runrepik portent la signature d’Autechre. Instantanément reconnaissable bien qu’en perpétuelle mutation, réajustée au fil des disques. Le deuxième disque est plus braindance. Limpide et moins aride jusqu’au médiocre spl9 dont les premières notes rappelaient pourtant le EP7 dans le jeu avec les reverb numériques. Autechre semble adresser un clin d’oeil à la production électro actuelle mais ce n’est pas leur fort.

Cloudline pourrait avoir être produit par Gescom (période Skull Snap EP) et rend hommage au hip hop. Bons joueurs… Quelques minutes plus tard, recks on lui emboîtera le pas (lequel de Rob Brown ou Sean Booth a le plus écouté Public Enemy?) ; deco loc n’aurait pas dépareillé sur Untitled et Exai 2 se clôt en beauté sur l’Overstepien yjy ux !

Je perçois nettement une pointe de nostalgie dans Exai qui – d’une manière générale – reprend les choses là où Untitled les avaient laissées, surtout sur le premier CD. L’évolution est néanmoins palpable tout comme une sorte d’introspection musicale. Le second disque digère encore Oversteps et s’efforce également de trouver un nouveau souffle. Et de mon côté, je regrette quelque peu l’épure harmonieuse d’Oversteps et le supplément d’âme qui s’en dégageait après plusieurs écoutes et encore aujourd’hui. Quaristice puis Oversteps se signalaient par un retour sur des terres plus ambiant, en jouant tout de même sur les déséquilibres qui caractérisent la musique d’Autechre. Mais une nouvelle fois, le duo semble nous tendre la perche et nous inviter à composer notre propre playlist (ou recourir à un écoute en mode Shuffle).

La matière sonore est diverse, mouvante, libre. Exai est exigeant le temps permettra une sélection naturelle et nous dira si le crû 2013 se révèle aussi inépuisable que les visionnaires Tri Repetae, Confield, Untitled et Oversteps, inépuisables influences grâce à la richesse des textures ou des arrangements. Car Rob Brown et Sean Booth sont avant tout des musiciens. Pas des cyborgs.

Autechre Exai Warp

Autechre
Exai
Warp
WARPCDD234 / février 2013
17 tracks

electronica / brandance / expérimental

Streaming



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