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La lettre G…

Publié le 10 mars 2013 par Philippe Thomas

Poésie du samedi, 57 (nouvelle série)

Cette lettre « g » là n’est pas une initiale ouvrant la voie à de très spéculatifs horizons sémantiques comme une porte sur l’infini. Encore que… Pour Ghérasim Luca, elle flamboie au cœur d’un prénom, comme un point au centre d’un cercle… Elle surgit d’un élan dont le cheval chevelure est le moteur, vrai désir dont le titre du poème caractérise toute l’immédiateté du commencement. Elle peut sembler un peu paradoxale, cette notion d’initiation spontanée, tant une initiation se prépare et nécessite une certaine durée dans son déroulement et sa réalisation… Mais en même temps, tout ce qu’en perçoit l’impétrant n’est-il pas intuitif et immédiat ?

Cette lettre « g » n’est pas initiale mais « spécifique » et irradiante au cœur d’un des deux « tétragrammes spectraux » que sont les noms des deux amants. Nom fatal, nom ovale… Quant au « nom télémétrique » de Luca, c’est lui qui fournit l’initiale majuscule où se dissout le « g » minuscule d’Olga comme en un Océan… Initial, c’est évident mais « primordial et triangulaire », allez savoir pourquoi ce « L » s’illumine soudain en forme de Delta... Mais il faut bien commencer et sans doute peu importe la lettre pourvu qu’on ait l’esprit !

Initiation spontanée

Le peigne tentaculaire

et

spectral

de mon nom tétragramme

peigne

la belle chevelure

terminologique

poussée

sur le corps

de

Olga

de même que la fameuse position

érotique

dénommée « le cheval »

peigne la chevelure du néant

le peigne hypothétique

de mon signe nominal

peigne

la chevelure spectrale

de Olga

il peigne il saigne

il chevauche

jour et nuit

la belle chevelure télépathique

déchainée sur le nom fatal

sur le nom ovale

de Olga

dans un corps à corps télépathique

télépathique splendide

et complémentaire

on peigne on saigne on chevauche

jour et nuit

le tête-à-tête antithétique

de ces deux tétragrammes spectraux

de même que le fameux chevalier érotique

s’identifie mythologiquement

à son cheval

mon nom télémétrique

Luca

s’identifie physiologiquement à

Olga

il s’identifie à la splendide chevelure

homographe

de Olga

dont le

g

spécifique

se dissout tautologiquement

dans l’océan du vertige de l’éclair du cheval

calligraphique

de mon

L

initial

initial primordial et triangulaire

comme une éruption synthèse

dans la fixité du néant

Ghérasim Luca (Bucarest 1913 – Paris 1994)  in Le principe d’incertitude du recueil Héros-limite (1953).

Né dans une famille askhénaze roumaine, Luca parlait le roumain, l’allemand, le yiddish et le français. Proche des surréalistes dès les années trente, il s’installe à Paris à partir de 1952 et développe une œuvre singulière, écrite dès lors en langue française, entre recherches graphiques et performances orales et radiophoniques. Idéalement, il faudrait l’entendre ou le voir lire ses textes dont le poème ci-dessus n’est pas représentatif d’une œuvre dominée par les recherches rythmiques, les jeux de sonorités, les mots-valises, etc… Les éditions Soleil Noir et José Corti (lire la très bonne notice) ont publié l’essentiel de son œuvre.

Ghérasim Luca, dont la mort était un des thèmes récurrents, se suicidera vraiment en 1994 las d’un monde où selon lui « il n’y a plus de place pour les poètes »…

D'une tempe à l'autre
le sang de mon suicide virtuel
s'écoule

noir, vitriolant et silencieux

Comme si je m'étais réellement suicidé

les balles traversent jour et nuit
mon cerveau

In L’inventeur de l’amour


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