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Flight (Robert Zemeckis, 2012)

Par Doorama
Flight (Robert Zemeckis, 2012) Whip Whitaker est un pilote avec "de la bouteille"... C'est grâce à son expérience et sa son calme qu'il réussit à faire atterrir miraculeusement son appareil en détresse, sauvant ainsi la quasi-totalité des passagers d'une mort certaine. C'est en héros qu'il se réveillera de ce crash "en douceur", mais il ne profitera pas longtemps de cette gloire : les compagnies d'assurances engagent rapidement sa responsabilité personnelle, incriminant sa consommation de drogue et d'alcool comme pouvant être causes de l'accident...
Zemeckis... Ce nom nous donne des frissons, évoquant avant tout pour nous une cristallisation puérile autour de ce ciné popcorns des 80's (intouchable pour beaucoup, tel Retour vers le Futur), des grosses machines fades et sans âme (comme La Mort vous va Si Bien...) ou bien évoquant Forrest Gump et Seul Au monde, deux films que nous goûtons peu, trouvant le cocktail Tom Hanks / Zemeckis bien trop lisse à notre goût... Nous sommes dons allés vers Flight la "boule au ventre", craignant d'être une fois de plus confrontés à un cinéma américain sur-calibré, peu courageux, dégoulinant de bons sentiments et trop grand public. Grosse erreur de notre part ! Tant mieux... Mais si Flight vole à bonne altitude en évitant bien des turbulences... Atterrira-t'il  sans encombre ?
Flight est une plongée vers l'enfer dont le pire moment n'est pas la catastrophe elle-même, mais ce qui suit. Songez donc : vous avez sauvé tout le monde, vous seul étiez capable de cela, mais au lieu de vous dire merci, on cherche un bouc émissaire, et cela tombe sur vous... C'est Denzel Washington qui incarne le "Houston, on a un problème" ici, en composant une performance à oscar autour d'un homme rongé par ses démons : l'alcoolisme. Zemeckis joue à construire un homme qui fait peur, par la capacité qu'il a de mêler l'exceptionnel et l'héroïque, avec un coté roulette russe qui dépendra de la quantité qu'il a absorbé la veille... C'est sans doute là ce qui étonne le plus dans Flight : son héros ne l'est pas complètement, le spectateur souhaite dans un même temps le décorer et lui retirer sa licence ! Héros imparfait, finalement très humain en fait, le capitaine Whitaker de Flight est un bien beau personnage, fort et ambigu, en tout cas par rapport à ce que le cinéma de Zemeckis délivre généralement. Ajouter à cela une certaine cruauté du système, guidée par l'argent avant de considérer toute autre considération, comme l'homme par exemple, et Flight dégage quelque chose d'assez sombre, presque cynique...
Crash spectaculaire et efficace, drogue et alcool, culpabilité, faiblesses, chasse aux sorcières, autodestruction... On pourrait croire Zemeckis en état de grâce ! Se pourrait-il que Flight soit ce film sombre      sur cette mécanique qui broie lentement son héros sur ses faiblesses en ignorant ses qualités ? Un film accusateur sur les excès de ces guerres d'avocats comme en en voit aux Etats-Unis ? Sur le tout financier aveugle ? Se pourrait-il que Zemeckis ait enfin compris que l'homme ne soit pas parfait ? La réponse est "Non" ! Si Flight commence en film catastrophe, se poursuit ensuite entre un Leaving Las Vegas et un film de procès, son véritable centre n'est pas exactement la situation cauchemardesque que vit Wip Whitaker, celle qui vient de l'extérieur, mais plutôt son démon intérieur. Flight surprend et entraîne le spectateur efficacement dans l'enfer de son personnage, c'est ce qui prédomine durant la majorité d'un vol passionnant de plus de 2h00... Hélas c'était sans compter sur Zemeckis, qui ne peut s'empêcher d'inverser la tendance de son film dans sa dernière partie, et recroqueviller son récit sur le démon intérieur du personnage. Exit la cruelle mécanique systémique, retour en urgence sur le moralisme, atterrissage en catastrophe sur des considératiosn de rédemption personnelles, presque chrétiennes : "j'étais sous l'emprise du serpent" !
Alors que Flight déroulait un vol agréable, capitaine Zemeckis effectue un virage à 180° juste avant la piste d'atterrissage prévue. Il semble brutalement changer d'avis et plutôt que d'aller au bout de son film, préfère revenir vers le terrain balisé qu'il connaît bien en réorientant Flight in extremis (au risque de le crasher) vers un fin aussi moralisatrice que stérile, petitement recentrée sur le "méchant" l'alcoolisme du capitaine. Quel dommage... Flight saura donc convaincre sur sa belle première heure, baisse de régime tout au long de sa seconde partie, s'embourbe doucement, avant de retomber sous les diktats imposés par la sacro sainte famille à l'américaine. Flight, curieusement, abandonne la relative complexité qu'il brandissait pour retomber sur des schémas simplistes et peu intéressants. Un peu comme un enfant qui craque à la fin d'une chose trop longue qui lui serait imposée, Flight se crashe pataudement alors qu'il avait réussi le plus dur... Pour profiter de l'excellent Denzel Washington, et le voir goûter à l'enfer, il faudra donc une fois de plus (comme souvent avec un certain cinéma américain) faire totalement abstraction de sa fin ! Si prenant puisse-t'il être, Flight s'achève comme un piège : le grand débat, ouvert et libre, était truqué, il s'achève par une leçon de morale qui, à posteriori, semblait planifiée quelques aient été les échanges de ce débat. Zemeckis, comme un alcoolique, est en quête d'abstinence de bons sentiments, mais victime de ses vieux démons, il succombe à la tentation à 20 minutes de son objectif... On a failli avoir un superbe drame, plein d’ambiguïté  nous n'aurons au final qu'un  simple "bon drame", conventionnel, qui échoue dans sa promesse initiale.
Flight (Robert Zemeckis, 2012)

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