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Entreprises et taux de changes (2/3)

Publié le 13 avril 2008 par Benlalanne
Hausse continue des cours, explosion des prix des produits alimentaires, retour de l’inflation. Les médias relayent depuis plusieurs jours des manifestations témoignant de l’évolution critique de la situation que connaissent de plus en plus de pays du monde. En Egypte, des manifestations ont éclaté en réponse à l’augmentation des prix du pain : les gens se voient contraints d’acheter le pain de basse qualité auparavant réservé à nourrir les poules. En Afrique de l’Ouest, le rationnement du riz entraîne la colère des habitants. En Europe de l’Ouest, l’inflation est plus sensible et ne concerne pas seulement l’énergie : hausse annoncée de plus de 5% du prix du gaz en France dès la fin du mois d’avril, alors qu’habituellement celle-ci intervient le 1er juillet et est de moindre ampleur, dans un contexte d’inflation soutenue (+2,8% sur les 12 derniers mois en France).

Nous voyons donc qu’un certain nombre de symptômes caractérisent la situation actuelle mondiale. L’onde de choc de la crise des subprimes a des effets psychologiques et financiers qui se répercutent dans l’économie réelle. Comment réagir en tant que chef d’entreprise ? Cela dépend de son degré d’affiliation avec le marché des changes et avec les matières premières à proprement parler.

Des choix en fonction des rapports de forces inter-monétaires


1- entreprises facturant en $
Dollar faible => perte de revenus lors de la consolidation (fusion des comptes dans la même monnaie, permet plus de lisibilité sur l’activité de l’entreprise pour une période donnée).

Deux options :
a. facturer non plus en $ mais dans une monnaie plus avantageuse comme par ex l’€. Possible mais lourd à mettre en oeuvre, d’autant que stratégie de court terme si la tendance s’inverse est que le $ reprend de la vigueur.
b. augmenter ses tarifs, souvent difficile à faire passer aux clients, cela décrédibilise la politique commerciale de l’entreprise et la vision stratégique de ses dirigeants. Ponctuellement c’est une solution qui peut fonctionner, par exemple dans les marchés ou l’élasticité prix est positive (les produits de luxe), c’est-à-dire quand la demande augmente avec le prix du produit ou du service.

Notons aussi que la baisse du dollar fait que l'exportation du coût de main d’œuvre vers les États-Unis devient beaucoup plus chère. Ainsi, plusieurs entreprises informatiques aux États-Unis ont donc décidé de se tourner vers des solutions locales, elles qui avaient délocalisé tout ou partie de leurs services annexes à l’étranger (en Inde par exemple). 

2- entreprises facturant en €
Paradoxalement, leurs revenus augmentent mais leur positionnement commercial est plus difficile à tenir. En effet, les groupes opérant à l’échelle mondiale sont moins compétitifs lors de leur facturation, car l’euro est une denrée de luxe. De la même façon que dans le point précédent, leurs dirigeants peuvent décider de facturer dans une autre devise, mais avec la contrepartie de perdre un avantage financier considérable.

Comme décrit dans un récent article du Figaro Economie (25/03/08, page 25, « A Paris, les touristes américains sont moins nombreux »), on assiste à Paris à une véritable guerre des prix entre hôtels de luxe afin d’attirer une clientèle nord-américaine fuyante à cause du ralentissement de leur économie et de l’envolée de l’Euro.

En revanche, les conséquences sont plus importantes pour celles qui fabriquent ou assemblent dans la zone euro et sont en concurrence avec des groupes libellant leurs factures en $ (EADS, Airbus face à Boeing). Ici le problème est d’ordre commercial et se traduit par une perte de compétitivité à travers un gonflement des prix. Ce sont les comptables qui se frottent les mains car le même effet entraîne de meilleurs résultats à l’aide de la même mécanique. Néanmoins, ces groupes sont moins soumis au phénomène car les fluctuations des monnaies sont anticipées dans les contrats de vente. 

3- entreprises de négoce :
Les produits manufacturés de consommation courante proviennent de plus en plus de l’Asie, et sont pour la plupart facturés en $. Cette situation de fait est excellente pour les entreprises qui peuvent facturer en euro (par ex parce qu’elles opèrent dans la zone euro uniquement) car elles bénéficient d’un important levier de gain de change.
Le fait de régler ses achats avec une monnaie faible pour facturer ses clients dans une monnaie forte est en effet source de gain en soi. Supposons que vous habitiez au bord de la mer, et que vous régliez vos achats d’un produit X avec du sable. Celui-ci ne vous coûte quasiment rien, puisque vous le trouvez en abondance et avec facilité. En revanche, parvenez à vendre ce même produit X libellé en €. Le gain issu simplement de la différence de monnaie est donc considérable.
La conjoncture actuelle permet donc aux entreprises qui achètent en $ pour revendre en € de dégager une marge plus importante sans pour autant ajouter une quelconque valeur aux produits, ni en améliorant le service rendu à ses clients (réduction des délais de livraison, augmentation du délai de paiement, etc.).

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