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AlterInfo, l'information version antisionniste

Publié le 14 mars 2013 par Npcheynel @journalismes
Jeudi 14 Mars 2013

Banni de Google Actualités, condamné par la justice, le site AlterInfo assume déjà un petit passé derrière lui malgré la discrétion de son fondateur, Zeynel Cekici. Son credo ? L'antisionisme, qu'il revendique ouvertement.


Logo d'AlterInfo (Imp. écran) Logo d'AlterInfo (Imp. écran) D'emblée, ce qui frappe sur AlterInfo, après seulement quelques instants passés dessus (et l'affichage de quelques pop-ups), c'est ce clivage. Il y aurait, d'un côté les Juifs, tous englobés dans une "entité sioniste", de l'autre les musulmans. Mais quand ces derniers adoptent une attitude contraire à celle revendiquée par le site Internet, leur qualificatif "musulman" est de suite mis entre guillemets et leur réaction est alors qualifiée de mal placée. Entre ces deux entités, il y aurait, enfin, les médias. Forcément tous acteurs d'un monde judéo-chrétien et craintif face à l'Islam, ils diffuseraient l'information sur le Moyen-Orient "de manière sélective, subjective et en fonction des préjugés manichéens alimentés et distillés, des perceptions dogmatiques, où les sensibilités ethnocentriques l'emportent sur la réalité".
Alterinfo, fondé par le Mulhousien Zeynel Cekici, se définit comme un média d'"info alternative". Ce Turc d'origine n'a finalement pas pu être joint par téléphone. Impossible, donc, d'en savoir plus sur le fonctionnement d'Alterinfo ou sur l'identité de son fondateur. L'homme reste visiblement discret sur Internet et dans les médias "traditionnels". Extrait  d'un dossier publié en février 2009 dans L'Express :
"Se présentant comme une 'agence de presse associative', il [AlterInfo] revendique une centaine de contributeurs, ainsi que des partenariats avec des agences iraniennes, syriennes ou russes. Son but ? Donner la parole aux 'ignorés' des médias classiques. 'Nous n'avons aucun tabou, explique le fondateur de l'agence, Zeynel Cekici, d'origine turque. Quand on se donne pour mission de dire la vérité, il faut prendre des risques.' Quitte à porter la liberté d'expression au-delà des limites. 'Je suis en droit de me poser des questions sur les financiers qui étaient derrière les nazis', avance ainsi Cekici. Longtemps référencée dans les pages de Google Actualités, aux côtés des médias traditionnels, AlterInfo en a été bannie en septembre 2008."
Cette "agence de presse associative" traîne aussi, depuis 2009, une condamnation judiciaire  de son fondateur à quatre mois de prison avec sursis pour provocation à la haine raciale, contestation de crimes contre l'humanité et diffamation raciale et religieuse.

Actualité, tribunes et appels à manifestation

Certaines catégories du site ont une URL différente de leur dénomination (cliquez pour agrandir). Certaines catégories du site ont une URL différente de leur dénomination (cliquez pour agrandir). Du point de vue des rubriques, le site est plutôt bien fourni ; même si certaines changent de dénomination entre leur nom écrit sur le site et celui mentionné dans l'URL : ainsi, la rubrique intitulée 'Proche-Orient' renvoie ainsi en réalité à 'Palestine occupée' ; et cliquer sur la catégorie 'Insolite' donne aussi accès aux articles concernant la 'conspiration' (Cf. image ci-dessus). Au total, ce sont pas moins de 22 catégories qui y sont représentées : générales telles que Monde, France, Economie, Santé, Insolite ; plus orientées telles que Pouvoir financier, privation des libertés ou encore 11 septembre 2001. Les brèves, elles, sont sourcées (Ria novosti, La voix de la Russie, Algeriepatriotique.com, L'Orient-Le Jour… notamment) et traitent de tous les sujets (ou presque) : "un député russe veut racheter et raser le lieu de naissance d'Hitler", un séisme au Guatémala, le recul du PIB japonais… Rien ne dit toutefois si AlterInfo a acquis les droits de reproduction intégrale de ces textes, ainsi que des photos, dont certaines sont "créditées" AFP.
Quant aux articles, ils varient entre sujets d'actualité (prix Nobel de la paix 2012 ), tribunes libres ou encore appels à manifestation (soutien à Laurent Gbagbo devant la CPI ). Mais les textes, qui sont quasi-systématiquement des reprises d'articles de journaux ou des écrits émanant d'associations ou de militants, ne sont que très rarement sourcés, comme dans cet article de santé. Problème : aucune preuve (qu'elle soit scientifique, institutionnelle, universitaire, associative…) de ces faits (le décès du Britannique, les "nombreux sites Internet" ou encore la mortalité de 30%) n'est apportée au lecteur, tant dans l'article initialement paru sur La voix de la Russie que dans la reprise qu'en a faite AlterInfo. Quid, dès lors, du recoupement des sources et de l'exactitude de l'information ?
Pourtant, 'Yves Ducourneau' écrivait en janvier 2011 (dans un article trouvé, entre autres, sur Agoravox et AlterInfo ) : "Moi qui me désespérais des journalistes et les imaginais tantôt paresseux, copiant-collant l’information chez le confrère au lieu de la vérifier par eux-mêmes [...] quelle satisfaction, donc, de vous voir en appeler à la 'responsabilité' du journaliste et à l’exactitude de l’information délivrée !".
Mais, dans l'article de santé précédemment cité, AlterInfo applique les travers ainsi dénoncés ici-même presque deux ans auparavant par 'Yves Ducourneau' : non-vérification et non-recoupement de l'information au profit d'un simple copier-coller. D'autant plus que, dans l'article 2 de ses statuts, AlterInfo se définit comme une "association [qui] a pour but de réunir les auteurs, écrivains, reporters et journalistes indépendants". Ainsi donc, si tous ne le sont pas, une partie des auteurs sont des journalistes et des reporters ; le site serait donc un site d'informations qui devrait, par conséquent, appliquer ces principes et vérifier cette "exactitude de l'information délivrée".

"Nous sommes simplement antisionistes"

Mais revenons au jugement de 2009 pour, cette fois, analyser ce qui constitue le cœur de l'activité d'AlterInfo. En réaction, Zeynel Cekici avait déclaré à l'époque : "On veut nous faire passer pour des antisémites, alors que nous sommes simplement antisionistes". Le positionnement d'AlterInfo est on ne peut plus clair. Le problème, sur ce site, c'est que la frontière entre les Juifs et le sionisme est parfois très fine. Pour ne citer que deux exemples : le Premier ministre israélien Yitzhak Rabin (qui représente les habitants d'Israël, et donc les Juifs, religion majoritaire dans le pays), signataire des accords d'Oslo de 1991, est remplacé par "l'État sioniste " ; dans "Les Frères et le sionisme ", 'Ahmed Halfaoui' désigne clairement Israël par "entité sioniste". Certes, les Israéliens ne sont pas tous en accord avec la politique militaire israélienne, mais englober ainsi tout un État sous ce terme générique ne revient-il pas à considérer l'ensemble des habitants d'Israël comme une partie intégrante de cette "entité sioniste", et donc les Israéliens comme des sionistes ? La frontière entre Juifs et sionistes est ainsi parfois plus que ténue. Peut-être est-ce une manière d'écrire son idéologie tout en évitant d'être condamné pour antisémitisme.
AlterInfo, l'information version antisionniste En parlant d'"entité sioniste", l'article  "Reconnaître l'entité sioniste est pire que la déclaration Balfour" ne mentionne jamais Israël sous un autre terme que "État sioniste". Les Juifs sont présentés comme une entité individuelle. Alors que le camp d'en face est matérialisé par les termes "peuples arabes" et "peuple palestinien". Autrement dit, les Arabes sont vus comme un peuple, c'est-à-dire un groupe uni dans sa diversité, face à une obscure instance décisionnelle ("entité sioniste"), représentant les Juifs. Enfin, presque. Dans l'article "Le sionisme juif international se rassemble pour discuter du renforcement des liens entre l'Entité Sioniste et les communautés Juives du monde", l'auteur 'Sionisme Vs Judaisme' explique qu'il ne faut "pas tomber dans le piège que tentent de dresser les sionistes : les sionistes et l'Entité Sioniste ne représentent PAS les Juifs, ni même le Judaïsme, mais uniquement eux-mêmes et leurs intérêts politiques, nationalistes, suprématistes et racistes ! En tant que tel, ne faites pas l'erreur de penser qu'ils parlent au nom des Juifs !" Soit.
Mais on pourrait se demander si AlterInfo applique soi-même cette distinction. Car, parmi les nombreux articles lus pour ce dossier, aucun ne fait référence à une quelconque actualité juive (entendue au sens de non-sioniste). Ainsi, pour ne prendre qu'un exemple, la recherche effectuée sur le journaliste Mohammed Aïssaoui et son ouvrage "L'étoile jaune et le croissant" n'a donné aucun résultat. Pourtant, ce livre démontre que, durant la Seconde guerre mondiale, des 'Justes' Arabes ont sauvé la vie de Juifs. Dommage qu'une telle information, à l'heure où les tensions entre ces deux peuples ne sont toujours pas retombées, soit restée sous silence.
"Quand il est question d'islam, il semble que les passions l'emportent assez rapidement sur la déontologie journalistique", écrivait il y a peu  sur AlterInfo 'samia rabah' à propos de "certains journalistes pourtant ultra-médiatiques". Il semble que, sur AlterInfo, la passion l'emporte aussi sur la pluralité et la réalité de l'information quand il s'agit d'islam, de musulmans ou d'Arabes.

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