L’information, en attendant le Grand Soir

Jeudi 14 Mars 2013

Le Grand Soir est une périphrase que Sartre considérait comme le "dernier grand mythe poétique" révolutionnaire. Il désigne une rupture, la mise à mal d’un ancien système et l’instauration d’une société nouvelle. C'est cette figure de style qu'ont choisi deux lyonnais pour baptiser leur site d'information, de sensibilité bien à gauche, qui est vite devenu un incontournable du monde militant. Plus récemment, LeGrandSoir.info a crée la controverse de par la parution de certains articles. Explications.

Page d'accueil de LeGrandSoir.info (Capture d'écran) Le point positif avec LeGrandSoir.info, c’est qu’ils ne cherchent pas à dissimuler leurs opinions politiques. Le nom qu’ils ont choisi, accompagné d’une petite étoile rouge, renvoie ouvertement à l’idéologie marxiste, tout comme les citations de différentes figures du communisme qui parsèment la page, tels qu’Anders, Sartre ou encore Bolivar.
Crée en 2002, par Viktor Dedaj et Maxime Vivas, LeGrandSoir se définit comme un journal "anti-impérialiste, anticapitaliste", et qui "ne croit plus aux médias de masse". Ce site a pour choix éditorial de ne pas faire de l’actualité chaude, mais de traiter plutôt d’articles de fond selon des angles qui, selon eux,  sont trop peu, voire pas traités dans les grands quotidiens.
Concernant son financement, LeGrandSoir.info possède une rubrique d’appels aux dons, où il est possible, grâce aux informations bancaires fournies, de verser de l’argent sur un compte à Lyon. Aucun financement ne provient de la publicité.

"Informer n'est pas une liberté pour la presse mais un devoir"

La particularité de ce site Internet est qu’il n’a pas de journalistes attitrés, mais qu’il fonctionne via des contributeurs : ceux-ci proposent des articles via un formulaire, qui doit être approuvé par la modération si l’auteur veut être publié. Actuellement, LeGrandSoir.info recense précisément 1172 contributeurs  (auteurs) référencés, qui participent au fonctionnement du site.
Les thèmes abordés sont assez redondants au final et ne feront certainement pas l’unanimité: les articles traitent beaucoup des pays ayant un régime communiste ou apparenté en place, tels que le Venezuela (pro-Chavez), mais surtout Cuba (pro-Castriste) et la Chine, appelant à leur dédiabolisation. Le conflit Israélo-Palestinien est aussi régulièrement traité, LeGrandSoir penchant évidemment plus du côté des opprimés musulmans.
Bien que "radical", le GrandSoir ne se veut surtout pas "extrémiste"; farouchement pacifiste, de nombreux articles parlent de la guerre et des conflits, traités de manière très critique. L’un des derniers articles,  paru récemment, fustige la politique "guerrière et impérialiste de la France au Mali".
Concernant la popularité de ce journal en ligne, le compteur affiche 1320 followers sur Twitter, et 2400 personnes qui suivent l’actualité du site. Le nombre de visiteurs du GrandSoir.info est estimé à 400 000 par mois. Par ailleurs, une chaîne appelée "Le Grand Soir Tube"  a été lancée sur Youtube proposant des documentaires et autres émissions toujours sur les thèmes de prédilection de LeGrandSoir.info.
De par l’éventail des sujets traités et des angles choisis par les rédacteurs, l’on peut clairement classer LeGrandSoir.info comme un site d’information militant. En effet, les rédacteurs cherchent à faire passer et à défendre leurs convictions en orientant leurs angles journalistiques, sans pour autant altérer l’information, ni  appeler à la conspiration. Cette affirmation peut cependant être nuancée, suite à certains dérapages observés ces dernières années sur le site.

LeGrandSoir.info, à droite toute ?

Vers la droitisation des idées de gauche? Cela fait maintenant quelques années que le site du Grand Soir, lu et considéré comme la figure de proue des sites d’information révolutionnaires est montré du doigt. En effet, il lui a été notamment reproché d’avoir laissé publier des rédacteurs à la réputation sulfureuse, et des articles qui le sont tout autant, car se recoupant avec les thèses du Front National.
Tout a commencé en 2009, quand le Grand Soir.info a publié un communiqué de presse annonçant la création du Parti Anti-Sioniste (PAS), signé par son président, Yahia Gouasmi, un proche d’Alain Soral, de la mouvance d’extrême droite, et de Dieudonné. Le hic, c’est que ledit article a été publié tel quel, sur LeGrandSoir, sans aucun autre commentaire fustigeant une telle nouvelle, comme on se serait attendu à ce qu’ils le fassent. LeGrandSoir.info, nouveau panneau d’affichage des partis révisionnistes ? Les lecteurs ont eu du mal à avaler la pilule. Rebelote en Mars 2010, quand un article titre "Nucléaire Israélien, l’Europe à l’abri ?", signé encore une fois Yahia Gouasmi, président du PAS. Ce n’est pas la prise de position contre la politique d’Israël qui choque, non. C’est l’apologie à peine dissimulée de l’Etat iranien décrit comme la victime des dangereux "sionistes" qui heurte.
S’ensuit un article de Mars 2011, la goutte d’eau qui fait déborder le vase. LeGrandSoir publie en Une un article de Ginette Hess-Skandrani, notoirement révisionniste et proche de l’extrême droite, c’est-à-dire à mille lieues des valeurs marxistes ardemment défendues par LeGrandSoir. Dans ce papier, alors que la guerre civile en Libye fait rage, et que, déjà, Mouammar Khadafi appelle les Libyens à tuer tous ceux qui ne le soutiendraient pas, Ginette Skandrani n’hésite pas à prendre la défense du "Guide", arguant entre autre qu’il constitue un rempart contre Israël, et qu’après tout, "il est moins pire que le Busch[…]" (sic).
 
Fort heureusement, cela reste sporadique, puisque cette critique vise un ou deux articles par an. Comparativement à la masse de papiers publiés sur LeGrandSoir.info, cela reste vraiment marginal, il ne faudrait pas juger l’entièreté du site sur ces quelques dérapages.  Alternatif donc, de par son traitement différent de l’actu, plus ciblé à gauche, plus fouillé. L’audience, bien qu’en légère baisse ces derniers temps, reste correcte pour  le site d’un média "alternatif", LeGrandSoir.info étant relativement connu dans la "sphère révolutionnaire".