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Céline Géraud, hors discipline

Publié le 28 janvier 2013 par Oz

« C’est Stade 2, ravie de vous retrouver. » Un rapide tour de table, et puis un sonore « Salut, les garçons », lancé comme un défi. Une amorce nouvelle, pour une grande première. Depuis le début de l’année c’est le regard bleu clair et le sourire généreux de Céline Géraud qui donnent le coup d’envoi du magazine sportif de France 2.

Lancé en décembre 1975, le programme dominical est l’une des émissions doyennes du paysage audiovisuel français. Robert Chapatte, Gérard Holtz, Patrick Chêne, Pierre Sled, entre autres, en ont été tour à tour le capitaine. L’équipage a également compté quelques femmes, rares et par intermittence. Mais jusque-là, la barre avait toujours été tenue d’une main d’homme.

Jusqu’à ce mois de janvier. 45 ans, ancienne championne d’Europe et vice-championne du monde de judo, Céline Géraud a d’emblée voulu installer son style. Stricte mais pas trop, volontaire mais avec mesure, proche mais juste ce qu’il faut. « A l’émission je veux amener ce que je suis », résume-t-elle.

Un cocktail dosé d’énergie, de dérision, de sérieux, de travail et de légèreté. « Sûrement pas dans l’idée de prouver qu’une fille peut être meilleure qu’un garçon », en tout cas, assure-t-elle. Sous son impulsion, le rendez-vous sportif devrait évoluer tout en gardant « son histoire, sa culture », mélange de résultats, d’enquêtes et de reportages. Plus du talk et de la convivialité. « Un vrai challenge », précise-t-elle. Comment pourrait-il en être autrement pour cette fille électrique, toujours en mouvement, qui tape du poing sur la table comme on battrait la mesure, pour ponctuer chacune de ses phrases.

La vie pour elle est une perpétuelle compétition. Depuis qu’elle a foulé son premier tatami à Petite-Rosselle, banlieue de Forbach (Moselle), à la frontière allemande, où le père, ingénieur aux Charbonnages de France, avait installé la famille. Deux garçons et Céline. L’aîné ira au judo et deviendra champion de France junior. La fille aura d’autant moins de mal à suivre qu’à Petite-Rosselle, alors, c’est judo ou majorette. Quand on aime bien se bagarrer avec ses frères, le choix est vite fait. Céline est douée et précoce, elle rejoint l’US Orléans. A 16 ans, elle est championne d’Europe, à 25, elle replie pour toujours son kimono, alors que sa discipline vient tout juste d’être inscrite au programme des Jeux olympiques. Pour toujours ou presque : il y a quatre ans, la journaliste a ressorti la tenue et obtenu l’an dernier son sixième dan.

« RECONQUÉRIR DES TÉLÉSPECTATEURS »

« Stade 2 » ou comme un retour au bercail. Des retrouvailles avec le service public, pour elle qui a débuté à l’antenne dans « Tout le sport » (France 3). Dans le service privé, on a pu la voir sur TF1 présenter « L’Ile de la tentation ». Après le foot sur l’éphémère chaîne Orange Sports, la F1 sur TF1, elle retrouve également sa place à la grande table des disciplines olympiques. Comme une évidence, comme si elle n’avait jamais quitté sa chaise, ravie d’accorder de nouveau la parole à ces petits sports qu’on ne voit jamais, ou presque.

Ces sports qu’on dit olympiques avant tout parce qu’on ne les sort du silence et de l’obscurité que tous les quatre ans. « Les sports olympiques, c’est ma culture, mon ADN, ma famille », insiste l’ancienne judokate. « Mais l’idée n’est pas non plus de parler des sports confidentiels pour le principe. C’est parler des sports qui font l’actualité et des sports populaires ». Ainsi, le dimanche soir sur France 2, le combiné nordique et le squash continueront d’avoir leur place à côté du football et du tennis. Toute jeune judokate, l’émission la « faisait rêver ». Et c’est devant son poste de télévision que la championne a choisi de devenir journaliste.

Pour la chaîne, le retour et la promotion de Céline Géraud répond aussi à une autre attente : essayer de conquérir un public féminin qui s’intéresse de plus en plus au sport, alors que les audiences de l’émission dominicale s’effritent. Céline comprise, l’équipe de « Stade 2 » compte ainsi quatre filles pour cinquante journalistes. « Mais la curiosité n’aura qu’un temps », prévient la nouvelle présentatrice. « Il faut installer un rythme pour reconquérir des téléspectateurs. » Rigoureuse, précise, bosseuse, l’ancienne championne est intervenue un peu sur tout dans l’émission dont elle est désormais la figure de proue : le contenu des sujets, mais aussi le générique.

La pratique du sport lui a enseigné un sens de l’anticipation et une grande connaissance de soi. De sorte qu’il lui arrive de prendre des décisions qui surprennent, qui inquiètent même son entourage. « A chaque fois que j’ai pris des virages un peu «rock’n'roll» dans ma carrière, j’ai senti que c’était le moment de le faire. Ça ne s’explique pas. Mais je n’ai jamais été trahie par mon intuition. » A « Stade 2 », elle sait qu’elle dispose d’un an pour convaincre. Elle ne s’en fait pas une montagne. Elle dit que la télé, « cela peut rendre fou ». Elle tient du sport l’enseignement que « tout peut s’arrêter très vite ». Mais il se trouve qu’en judo la première chose que l’on apprend, c’est à tomber. Pour mieux se relever sans doute. (Paru dans Le Monde daté du 28 janvier 2013).

Olivier Zilbertin


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