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La gauche et l’électeur, ce con

Publié le 18 mars 2013 par Vogelsong @Vogelsong

« Dans cette bataille qui s’engage, je vais vous dire qui est mon adversaire, mon véritable adversaire. Il n’a pas de nom, pas de visage, pas de parti, il ne présentera jamais sa candidature, il ne sera donc pas élu, et pourtant il gouverne. Cet adversaire, c’est le monde de la finance. » F. Hollande au Bourget le 22 janvier 2012

L’électeur est très con. Il décuple cette propriété avec acuité quand il s’agit de juger, expérience faite, des réalisations de la gauche. Cette gauche prometteuse qu’on élit une fois par décennie, quand les astres sont propices. Une gauche à qui l’on tient rigueur, plus qu’aux autres, de ce qu’elle pérore dans les meetings, de ce qu’elle aligne dans ses tribunes. Parce que la question finalement ne se résume pas aux mensonges éhontés dont tout le monde sait qu’ils sont l’opium de la politique en démocratie d’opinion. Non, les questions peuvent se résumer finalement à : La situation a-t-elle évolué positivement entre avant et après ? L’espoir est-il plus grand ou plus mince avant qu’après ?

lci-pierre-moscovici-est-invite_3na8v_1kk6dzCe que la gauche*, celle qu’on élit, s’échine à faire chaque fois qu’elle détient les rênes du pouvoir, c’est de détruire sa propre idée. C’est le lot de toutes les générations de primo électeurs du socialisme de contempler sidérés l’insignifiance de leur choix. De comprendre, mais un peu tard que le mince espoir de gauche qu’ils avaient secrètement glissé avec leur bulletin relevait d’une nigauderie. Ce que la gauche de gouvernement nous apprend sans cesse, c’est qu’il n’y a pas d’espoir,  aucune possibilité de renversement. Elle inflige cette froide leçon à chaque cohorte de citoyens progressistes. Détruisant de ce fait ce qui fait sa propre essence. Tuer l’espoir quand on veut l’incarner s’avère sacrément paradoxal.

Il faut laisser ce sale boulot à la droite. Tuer l’espoir. C’est son rôle. Celui de l’adulte patriarcal. Qui vient rappeler à chaque moment que rien n’est possible. Que tout fatalement se négocie avec âpreté. Et que chaque fois que l’on entrera en conflit d’intérêt avec des dominants on y laissera de bonnes poignées de plumes. Y entendre qu’il est préférable de ne pas troubler l’ordre de choses, sous peine d’une nouvelle tonte. Et de laisser ces dominants, sous les oripeaux « libéraux » parachever l’œuvre conservatrice. De la société de soumission, stratifiés, minéralisés par les miracles du marché.

C’est que la promesse de gauche est forte. Considérer l’autre comme un autre moi n’est pas une mince histoire. On n’est pas dans le prosaïque équilibre des marchés financiers, où dans la terrifiante mise en abyme par le journaliste majordome des affres du déficit budgétaire. C’est toute une vision de la société que l’on prête intimement à l’homme politique qui se prétend « de gauche ». Même pour le citoyen, ce con d’électeur, non politisé, qui perçoit de façon ténue qu’entre la solidarité et la guerre de tous contre tous, il y a plus qu’une nuance.

Le problème c’est que la gauche inflige à ce con d’électeur le cuisant rappel des mensonges de sa propre idée. Et encore une fois pas de mensonges programmatiques, qui ne sont qu’une mise en application de quelques concepts de communication, mais des mensonges fondamentaux, c’est à dire  de l’image que l’on se fait de la Politique. Notons à propos des mensonges programmatiques qu’en substance, ils se résument souvent à de la méthode Coué, ou à des imprécations du style « nous ferons baisser le chômage… ».

Au lieu de ça, la gauche, celle qu’on élit, s’entête dans le gagnant-gagnant. Tournure d’esprit qui fait croire aux dominés qu’ils pourraient, de concert avec les dominants, voir leur situation s’améliorer. Comme si on pouvait multiplier les pains. Or dans un monde de rareté et d’antagonismes d’intérêts, il y aura toujours un créditeur et un débiteur. Et souvent ce sont les mêmes.

Alors ce con d’électeur va passer son tour pendant une décennie. En attendant que les astres soient propices…

*Pour souci de clarté, nous écarterons les tenants de la gauche libérale, sous le faux masque conservateur, et la gauche « Michéenne », qui se veut populaire, haletante derrière le créneau politique du FN, qui relève d’un conservatisme douteux. Les deux ayant bien décrypté les signaux médiatiques pour s’y faire des places de choix.

Vogelsong – 17 mars 2013 – Paris


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