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[Critique] THE PLACE BEYOND THE PINES de Derek Cianfrance

Par Celine_diane
[AVEC SPOILERS / Ne pas lire avant d’avoir vu le film ] 
[Critique] THE PLACE BEYOND THE PINES de Derek Cianfrance Dès le plan séquence d’ouverture incroyable, sur le dos de la désormais icône Ryan Gosling, The Place beyond the pines nous immerge dans un univers sombre, anxiogène, travaillé. Très rapidement, on sent tout le poids qui pèse sur les épaules de l’américain Derek Cianfrance, dans cette deuxième collaboration avec l’acteur après Blue Valentine. Il va d’un côté lui falloir réinventer la « figure Gosling », après un Drive vampirisant, et- de l’autre- apporter sa pierre sur le grand édifice du genre (le polar sauce tragédie grecque) que bon nombre de cinéastes géniaux- on pense tout particulièrement à Nicolas Winding-Refn et James Gray- ont bâti ces dernières années. Est-ce qu’il y parvient ? Par instants, oui. Son histoire s’étale en fait sur plusieurs décennies, mais il vaut mieux ne pas le savoir lorsque l’on entre dans la salle. Pour apprécier le film à sa juste valeur, il faut laisser Cianfrance nous entraîner dans sa mise en abyme marécageuse, sa géante réflexion sur la cause et l’effet qu’il parsème de thèmes complexes: l’héritage familial, les impacts des erreurs et du passé des parents sur leurs progénitures, la roue implacable du destin. The Place beyond the pines ne ressemble ainsi qu’à lui-même, et c’est sa plus grande force. Et ce, même si Cianfrance puise un peu partout pour faire tenir debout son triptyque : la force tranquille d’un Eastwood, le fond désespéré à la Gray. De James Gray, à qui il n’arrive pourtant jamais à la cheville, le cinéaste pique également Eva Mendes, que l’on a pu voir dans le sublime La Nuit nous appartient. Mère d’un petit bébé, tiraillé entre deux hommes : le père de son enfant (Ryan Gosling) donc, et son nouveau compagnon. Une mère, qui traversera le temps, et sera témoin des trois parties posées sur l’écran : une première qui met en vedette Gosling en cascadeur braqueur de banque, chien fou qui se prend la révélation de sa paternité en pleine gueule ; une seconde, qui met en scène Bradley Cooper (excellent dans ce rôle contre emploi) en flic débutant et jeune père dont la morale va se trouver ébranlée, entre autres, par la corruption de son service ; et, enfin, une dernière où les routes des deux enfants des (anti) héros (Dane DeHaan et Emory Cohen, très bons !) se croisent. Bien sûr, tous sont liés. 
Le film a donc recours à un dispositif plutôt singulier qui justifie à lui seul le déplacement. Pourtant, il en semble très vite prisonnier. En effet, les ellipses nécessaires à un déroulement qui maintiendrait à la fois cohérence et rythme, s’avèrent être des choix difficiles pour Cianfrance : où couper ? Quoi dire ? Que passer à la trappe ? Il y a ainsi de nombreux temps morts dans le récit, hélas, où il semble un peu perdu. Le soudain saut dans le temps, avant la troisième partie, paraît d’ailleurs quelque peu surfait. A l’instar du scénario de manière générale qui tend à commettre une erreur impardonnable dans le film d’atmosphère : demeurer au service de la démonstration. Ce n’est pas le scénario qui dit les choses (la cruauté de la vie, les coïncidences, les conséquences des choix), c’est Cianfrance qui lui fait dire. En clair, tout paraît trop écrit, et chaque évènement soulève cette sensation d’esbroufe et de manipulation chez le spectateur. Les ficelles sont énormes, un peu grossières, agaçantes. On est loin du cinéma d’un Alejandro González Iñárritu, qui manie à merveille le sens du découpage, tranche les vies à vif, expose ses protagonistes à l’état brut. Cianfrance, in fine, n’est qu’un gentil conteur. Un poseur un peu naïf. Plus cérébral que passionné. Son film a les formes, mais pas les tripes. D’ailleurs, il s’achève d’une façon très consensuelle, ce qui témoigne de ce désir quelque peu restreignant de jouer avant tout dans la cour d’un cinéma grand public. Pour le coup, le film se révèle inégal, un peu long, bien trop propret pour en faire l’évènement-choc attendu. Le cul entre deux chaises. Une chose qu’il a, en commun, avec ses personnages : un entre-deux, une frontière un peu floue- mensonge et intégrité, violence et amour, vengeance et pardon, dans un même homme. 
[Critique] THE PLACE BEYOND THE PINES de Derek Cianfrance

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