Magazine Cinéma

L’Artiste et son modèle

Par Tedsifflera3fois

Prix du meilleur réalisateur au Festival de San Sebastian, nominé 13 fois aux Goyas, L’Artiste et son modèle a été acclamé en Espagne. Fernando Trueba livre un joli film sur le sens de l’art et celui de la vie quand celle-ci est bientôt terminée. La rencontre entre Jean Rochefort et Aida Folch est triste et lumineuse.

Synopsis : Été 1943, dans la France occupée. En hébergeant une jeune espagnole échappée d’un camp de réfugiés, un célèbre sculpteur découvre une nouvelle muse et retrouve le goût du travail.

L'Artiste et son modèle - critique
D’un côté, l’artiste, un vieillard de 80 ans au crépuscule de sa vie, qui semble supplier le temps de lui laisser finir une dernière sculpture, un dernier chef d’œuvre. De l’autre, le modèle, une jeune fille d’à peine 20 ans, pleine d’ardeur et de curiosité, pleine de vie et d’impatience, et qui veut déjà lutter pour que le monde soit plus juste. C’est-à-dire, dans ces temps difficiles de la Seconde guerre mondiale, lutter contre les nazis, aider des juifs et des résistants à passer en Espagne.

Marc Cros est trop vieux. Il ne semble plus intéressé par le commerce des hommes. La guerre est une idiotie à laquelle il ne veut pas se mêler. Le temps se fait de plus en plus rare, il veut l’utiliser pour trouver la forme parfaite, la position d’un corps de femme qui ferait sens.

Certes L’Artiste et son modèle est un joli cours sur l’essence de l’art. Quand Marc explique à Mercè l’émotion qui émane d’un dessin de Rembrandt, quand il lui raconte qu’il cherche une idée, un regard personnel sur ce qu’il voit, quand il s’arrête au pied d’un arbre et en admire la puissance brutale, quand il s’excite aussi, passant de l’art à la vie, du plâtre au réel, dans tous ces moments d’échange, Jean Rochefort, parfait en calme torturé, semble nous définir les contours exigeants de l’œuvre d’art et de l’artiste, entre originalité et recherche d’absolu, entre grâce et souffrance, entre dialogue avec le monde et expression de la singularité du moi.

Mais le film est surtout l’histoire d’un adieu à la vie. Arrivé au bout du chemin, Marc connaît un dernier soubresaut grâce à sa rencontre avec Mercè. Elle le ramène un peu au monde qui souffre, aux hommes qui luttent. Elle est engagée, sensible, naïve, elle est vivante et lui communique un dernier souffle. Lui n’est déjà plus là, désimpliqué, résigné, replié sur lui-même. L’Artiste et son modèle est l’histoire d’une dernière rencontre, d’un dernier partage, d’un dernier amour sans doute, des bouts de transmission, des restes d’émotions. La vie semble s’agiter une dernière fois avant de partir. Dommage que le film manque d’originalité et de mordant pour nous transmettre vraiment ce dernier éclat d’existence. Un rien figée, la mise en scène de Fernando Trueba semble avoir déjà passé la ligne.

Si l’art a rarement été aussi bien expliqué au cinéma (peut-être parfois de manière un peu didactique), le plus fascinant ici est la représentation délicate du mouvement de la vie, happée par la mort, quand certains s’en vont, se transformant en souvenirs, tandis que d’autres commencent à peine leur histoire. Dans un très beau noir et blanc nostalgique, le film s’affirme comme le portrait d’un passé qui s’éteint. Alors la flamme vacille, l’espoir se meurt, il n’y a plus rien à accomplir qui ne soit déjà derrière nous.

Note : 6/10

L’Artiste et son modèle (titre original : El artista y la modelo)
Un film de Fernando Trueba avec Jean Rochefort, Aida Folch et Claudia Cardinale
Drame – Espagne – 1h45 – Sorti le 13 mars 2012


Retour à La Une de Logo Paperblog

A propos de l’auteur


Tedsifflera3fois 2088 partages Voir son profil
Voir son blog

l'auteur n'a pas encore renseigné son compte l'auteur n'a pas encore renseigné son compte

Magazines