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Pourquoi "l'heure" ne passe parfois pas

Publié le 28 mars 2013 par Nadegemambe @nadegemambe

L'impression que "l'heure ne passe pas", nous connaissons tous. Et si nous comprenons bien qu'il ne s'agit que d'une vue de notre esprit et que nous admettons qu'elle n'est pas tangible, cette sensation a pourtant un fondement scientifique: elle est interprétée par les sciences cognitives. Ah, c'était donc vrai? Plus ou moins.
 
Premier aspect à développer, le plus évident: l'attention prêtée au temps qui s'écoule modifie la perception de celui-ci. Exemple assez simple, vous êtes occupé et concentré sur votre travail lorsque votre collègue vous fait remarquer que décidément, la fin de la journée ne se précipite pas au bord de votre bureau. Un clin d'oeil sur l'heure qu'il est, un second clin d'oeil après avoir un chouïa avancé dans vos dossiers et ô surprise: seulement quelques minutes se sont écoulées chez vous aussi. Ça y est, vous êtes contaminé par le virus. Sans la remarque de ce collègue, vous n'auriez sans doute pas prêté attention à l'heure qu'il était. Et pour cause: "lorsque nous prêtons attention au temps, il se dilate, lorsque nous l'oublions, il s'efface", explique Virginie Van Wassenhove, docteur en neurosciences.
Merci, mais comment l'oublier, demandera alors la jeune fille impatiente de se rendre à un premier rendez-vous ce soir? En s'investissant dans une activité prenante: un film, de la musique ou... "tomber amoureux". Ce qu'on peut difficilement faire à chaque fois que l'on s'impatiente, vous en conviendrez. Certainement si l'on s'impatiente de se rendre à un rendez-vous galant. Bref.
Second élément, le cerveau est "prédictif", note la spécialiste. C'est-à-dire qu'il est constamment dans l'anticipation et la prédiction, qu'il est "en avance sur le temps physique". Le cerveau, toujours en quête de changement, envisage les événements ultérieurs dès qu'un créneau s'offre à lui. Il cherche la surprise, et c'est d'ailleurs pourquoi la musique passionne certains d'entre nous: la capacité du tempo à casser un rythme que nous croyons prévisible met notre cerveau en joie.
Dans cette logique, le cerveau, ce coquin, craint l'ennui. Ce qui le rend à l'affût de tout moment d'inertie. Vous êtes dans la salle d'attente chez le médecin, vous consultez votre montre et voyez que le praticien a du retard. Vous cherchez d'abord à vous occuper utilement, vous consultez votre boîte vocale, constatez que vous avez répondu à tous vos sms et que votre boîte mail est vide. Il n'y a pas d'autre patient à observer dans la salle d'attente, et il n'y a pas de lecture disponible. Dieu, que c'est long. Déjà 4 minutes d'attente. Vous regardez à nouveau votre montre, pensez que si le médecin traîne trop, vous n'aurez pas le temps d'arriver à l'heure à la pharmacie. Que si vous devez vous rendre demain à la pharmacie, vous perdrez encore du temps de travail et le dossier que vous devez finir n'attend pas. Là vous réalisez que le médecin ne sort décidément pas de son cabinet et vous fixez l'heure sur votre GSM: à penser au temps perdu dans cette salle d'attente, vous avez l'impression que votre attente est interminable.
Pourtant, l'attente est de courte durée. Mais votre cerveau possède son propre temps et les créations de votre esprit jouent également avec le temps objectif. Vous prêtez attention au temps d'un événement et vous êtes perdu. La minute écoulée n'est qu'une minute, mais à l'échelle de votre temps interne, elle est transformée en une éternité. En deux mots, votre cerveau se moque de vous et de votre patience en allongeant votre perception du temps une fois que vous êtes trop pressé d'accéder à l'événement suivant qui rythmera votre journée. C'est "l'ennui" qui donne donc le signal à votre cerveau de prêter attention au temps qui passe. L'ennui en question ne survient pas uniquement lorsque vous êtes purement inactif. S'occuper à des automatismes ou des tâches trop habituelles ne l'empêchera pas de pointer le bout de son nez.
Mais le cerveau aime aussi sa routine. Et vu qu'il se plaît à prédire et anticiper le programme qui l'attend, le cerveau peut se voir totalement trompé par un événement imprévu. Votre temps individuel va se rétracter s'il est chamboulé par un épisode qui vous accaparera. Vous pensez avoir l'après-midi pour réfléchir à votre repas du soir, mais la succession de quelques courtes distractions vous mobilisera: le soir arrive et vous n'avez pas eu "un instant" pour songer à votre menu. En réalité, vous avez eu le temps mais votre cerveau s'est désorganisé.
Troisième élément, des phénomènes purement physiologiques perturbent également votre perception du temps. Vos yeux effectuent quotidiennement et automatiquement des milliers de saccades, des mouvements oculaires qui mettent à jour régulièrement votre perception visuelle du monde. Votre cerveau cherche des informations dans votre environnement pour se situer, mettre au point la succession d'événements qui vous entourent. Pendant ces très brèves saccades, votre cerveau "imprime" une image fixe qui ignore durant une fraction de seconde tout évolution du mouvement extérieur. Le cerveau doit alors rattraper la fraction de seconde perdue lors de la stabilisation visuelle de l'image. Un petit bug survient alors régulièrement: le cerveau surestime la durée d'une saccade et l'image fixe persiste un peu plus logntemps, il y a une mini-dilatation illusoire appelée "chronostasis". Pour schématiser, c'est ce qui se passe si vous fixez la trotteuse de votre montre, note le docteur. L'attente du premier mouvement de la trotteuse vous paraît plus long que les suivants. Pourtant, dans le temps objectif, une seconde est une seconde. Ici, c'est le mouvement oculaire qui vous a trompé.
Ceci étant, et si vous comprenez désormais les principes qui régissent et influencent la perception du temps, vous n'avez toujours pas de prise sur eux. Le seul moyen de ne plus souffrir du temps qui "ne passe pas" est de se concentrer sur une activité prenante.


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