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Promis on parlera des hommes gentils un jour

Publié le 01 avril 2013 par Juval @valerieCG

Les deux fois où j’ai écrit un texte sur le viol, j’ai eu un nombre de réactions assez incroyables et surtout incroyablement divisées selon le genre de celui qui lisait.
Le dernier texte, par exemple, concernant la culture du viol, a fait la quasi unanimité auprès des femmes qui en ont parlé. Toutes les réactions négatives émanaient d’hommes.

On renvoie sans cesse les féministes aux « combats importants » comme celui du viol. Sauf que lorsque nous parlons de viol, nous ne devons surtout pas en parler vraiment. Nous pouvons évoquer que des femmes sont violées (sans donner de chiffres) par des êtres humains (sans en donner le genre). Si je dis que l’immense majorité des violeurs sont des hommes, l’immense majorité des hommes qui me lit va se sentir visée. Un fait, vérifiable, objectif devient une charge contre eux et je serais presque dans l’obligation de dire (« enfin tous les hommes ne violent pas »). En fait certains d’entre vous auraient presque envie qu’on parle uniquement des hommes qui ne violent pas et des femmes qui ne sont pas violées, bref au fond qu’on ne parle pas du viol parce que c’est un sujet inconfortable.
Sauf que ce sujet si inconfortable  va concerner une femme sur 5 dans sa vie. Il va donc bien falloir à un moment ou à un autre en parler, se demander pourquoi le viol est aussi fréquent sans qu’aussitôt les hommes se sentent visés. Que vous le vouliez ou non, ramener sans cesse le sujet à « vous qui n’avez jamais violé » est encore une manière de silencier les personnes victimes de viol. Qui a parlé de vous ? Pourquoi vous jugez vous concerné ? Pourquoi alors qu’on parle de 50 à 75 000 viols par an, faudrait il parler de votre petite personne qui a besoin d’être rassurée ?

Dans l’enquête de victimation Enquête « Cadre de vie et sécurité » 2011, on mesure ainsi qu’en 2009/2010 1% des femmes
de 18 à 75 ans ont déclaré avoir été victimes de violences sexuelles. Ce taux est de 0,3% pour les hommes de 18 à 75 ans, pour un nombre estimé de victimes d’un peu plus de 60 000. 60 000 hommes sont victimes de violences sexuelles chaque année . Vous avez ici la méthode statistique expliquant comment on en arrive à faire une estimation du nombre de viols. Pour précision, l’Observatoire national de la délinquance et des répressions pénales n’est pas un organisme aux mains des féministes qui voient des violeurs partout.
Nous manquons d’études et de chiffres sur les hommes violés (quand je parlais dans un précédent texte du travail que les hommes féministes avaient à accomplir…), il est fortement probable qu’un nombre encore plus restreint d’hommes ose porter plainte. J’y reviendrai dans un autre texte, mais l’homme, dans une société patriarcale est supposé pouvoir se défendre dans à peu près toutes les situations, et s’il a été pénétré (volontairement ou non d’ailleurs) est considéré comme ayant perdu sa virilité. Dire qu’on a été violé est donc infiniment risqué pour un homme.

Beaucoup d’hommes m’ont dit être dans la peur plus ou moins permanente d’être accusés de viol.

Deux réponses à cela.
- les allégations mensongères en cas de viol sont rares. Je vous vois venir ; vous êtes en train de penser que je refuse de croire qu’une femme peut être une parfaite salope. Que nenni : déjà les chiffres. Il existe une raison simple pour laquelle une femme (ou un homme) ne va qu’extrêmement rarement mentir au sujet d’un viol ; nous savons toutes – et on nous l’a bien entré dans le crâne – qu’il y aura toujours quelqu’un pour nous dire qu’on l’a cherché. Ainsi deux représentants de l’état de deux pays différents vont en ce sens. (j’aurais pu multiplier les exemples ; je ne vois pas un pays où, à un moment donné ou à un autre, un ministre quelconque n’a pas affirmé une ânerie pareille). En Angleterre, un sondage révélait que 50% des femmes interrogées pensait qu’une femme violée alors qu’elle l’était en mini jupe l’avait bien cherché (comme vous le constatez si ce n’était déjà chose faite, les femmes participent pleinement à cette culture du viol). Je reprécise au cas où. Les victimes de viol sont d’âge, situations sociales, origines, physique extrêmement variés. On viole des bébés, des enfants de 5 ans, des femmes, des hommes, de femmes de 85 ans, des femmes obèses, des femmes belles, des femmes moches, des femmes ridées. Aucune femme n’est à l’abri d’être violée et le jogging n’en préservera pas. Et donc non une femme en minijupe ne l’a pas cherché pour la très simple raison qu’il n’y a aucune circonstance atténuante à commettre un crime. Une femme peut bien s’habiller comme elle l’entend, il n’y aucune raison à restreindre sa liberté. Encore une fois POURQUOI retreindre la liberté des femmes ?

En clair, donc même par vengeance, une femme n’a strictement aucun intérêt à porter de fausses accusations car c’est le seul crime où la victime est considérée d’abord comme coupable/l’ayant cherché/hystérique/aimant le cul/une bonne salope etc.
Pour être quasi sûre d’être crue, il faudrait en gros être vierge avant le viol,  être dans un parking tard la nuit mais avec une raison (« j’étais allée soignée ma mère qui se meurt d’un cancer »), s’être battue jusqu’à en avoir quelques doigts cassés, une déchirure vaginale de quelques cm en étant habillée d’un jogging et d’un k-way. Evidemment sans maquillage. Là, peut-être personne (ni la police, ni la justice, ni la presse, ni les commentateurs dans la presse, ni tes amis, ni ta famille, ne te considéreront comme une menteuse).

- « oui mais ma copine me dit non puis me demande pourquoi je n’insiste pas« . « une fois j’ai commencé à toucher une fille, elle était complètement d’accord et le lendemain elle m’a dit qu’elle n’avait pas osé dire non mais qu’elle n’en avait pas vraiment envie« .
Si cette aventure est arrivée à nombre d’entre nous, elle n’a pas pour autant abouti à des plaintes en masse au commissariat. je conçois que cela soit fort désagréable de se retrouver dans de telles situations.
Plusieurs explications. Les femmes (si, si encore maintenant allez lire sur twitter combien les ados parlent des adotes ayant des rapports sexuels c’est édifiant) sont encore conditionnées à ne pas savoir exprimer proprement un désir et un refus. Beaucoup ont peur, en exprimant un désir, de passer pour des salopes, beaucoup ont peur en refusant, de déplaire. Elles sont donc dans une double contrainte ce qui explique parfois certaines attitudes à mon sens assez facile à contourner. Un « non » est un non ; une femme qui dit « non » et pleurniche ensuite que vous auriez du insister est une imbécile à fuir d’urgence. Un « oui » est un oui s’il est formulé en toute conscience. Mais – encore une fois – nous ne sommes pas ici du tout dans le registre des violences sexuelles, on parle ici de tout autre chose. Il faut donc arrêter, VRAIMENT, de mélanger tout et n’importe quoi avec le viol et de fantasmer sur des hordes de femmes allant porter plainte car elles regrettent un coup d’un soir.

Encore une fois cela n’existe que TRES PEU. Vous avez infiniment plus de « chances » d’être entouré de femmes qui ont tu leur viol que de femmes ayant porté de fausses accusations.

Avant de vous interroger sur vous, vos sensations, le risque que vous soyez accusé de viol (encore une fois qui est un pur fantasme), tentez de réfléchir au fait que là aujourd’hui ce sont les victimes de viol qui ne s’expriment pas. Qu’on perd un temps fou, à chaque fois, à redevoir expliquer que « non tous les hommes ne sont pas des violeurs » (était-ce le sujet ?) au lieu de trouver des solutions communes au problème du viol autre que
- l’humain il est trop méchant
- les filles ont qu’à pas s’habiller comme des putes
- un coup de pied dans les couilles et c’est réglé
- c’est inéluctable
(ce flot de niaiseries ayant été entendu ces jours derniers).

Avec de tels chiffres, il va bien falloir un jour qu’on parle vraiment du viol, sans faux-semblant. Avez-vous lu ceci au fait ? Enième avatar de la culture du viol. On n’a que trop expliquer que les femmes n’avaient qu’à subir, qu’à se protéger, qu’à rester chez elle. Pour information, dans 67.7% des cas recensés par sosfemmes, les victimes avaient été violées chez elle ou chez le violeur. dans 74% des cas, elles connaissaient le violeur. Moralité ? On ne va pas chez personne qu’on connait et on ne laisse personne qu’on connait monter chez soi ? Ou on réfléchit à autre chose. (la rue et le parking 4% des cas ; désolée à tous ceux qui des années ont raccompagné des femmes alors qu’ils rêvaient d’aller se pieuter ; et oui c’est parfaitement inutile).  (cette phrase va faire bondir).


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