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algues vertes : nouvelles condamnations de l'Etat devant la Cour administrative d'appel de Nantes

Publié le 02 avril 2013 par Arnaudgossement

algues vertes, cour administrative d'appel de nantesA la demande de plusieurs communes bretonnes, L'Etat a été condamné à rembourser, à titre de provision et pour des montants allant jusqu'à 72074 euros, les frais engagés par plusieurs communes bretonnes pour le ramassage et le traitement des algues vertes qui prolifèrent sur le littoral.


L'un des arrêts rendus ce 22 mars 2013 par la Cour administrative d"appel de Nantes peut être consulté ici.

On se souvient que, par arrêt du 1er décembre 2009, la Cour administrative d'appel de Nantes avait condamné l’Etat à indemniser plusieurs associations de protection de l’environnement du préjudice moral résultant de la prolifération des “algues vertes” sur un certain nombre de sites côtiers des Côtes d’Armor et du Finistère.

A l'origine des arrêts rendus ce 22 mars 2013 par la Cour administrative d'appel de Nantes : les demandes de provisions présentées par plusieurs communes soucieuses d'être indémnisées des frais engagés par elle pour le ramassage et le traitement des ulves ou " algues vertes " au cours de l'année 2010.

Dans ses arrêts, la Cour administrative prend tout d'abord soin de rappeler que la France manque à ses obligations nées du droit de l'Union européenne depuis longtemps et qu'une procédure est en cours devant la Cour de justice de l'Union européenne :

"6. Considérant qu'il résulte de l'instruction que par un arrêt du 8 mars 2001, la Cour de justice des communautés européennes a condamné la France pour manquement aux obligations lui incombant au regard de l'article 4 de la directive 75/440/CEE du 16 juin 1975 susvisée, au motif qu'elle n'avait pas pris les dispositions nécessaires pour que la qualité des eaux superficielles destinées à la production alimentaire soit conforme aux exigences de cette directive fixant notamment un taux de nitrates inférieur à 50 mg/l, après avoir constaté que " les mesures adoptées à cette fin par les autorités françaises concernant la Bretagne n'ont été prises que tardivement ", que " ces mesures sont à la fois trop générales et trop ponctuelles pour qu'un effet sur la pollution des eaux puisse être attendu " et que " le programme national de maîtrise des pollutions agricoles (...) qui a été négocié entre les ministères de l'agriculture et de l'environnement et les organismes de représentation agricole (...) ne concerne qu'une partie relativement faible des exploitations agricoles bretonnes " ; que par un avis motivé du 2 avril 2003, et un avis motivé complémentaire du 13 juillet 2005, la Commission des communautés européennes a enjoint aux autorités françaises de prendre les mesures propres à assurer l'exécution de l'arrêt du 8 mars 2001 précité concernant la qualité des eaux superficielles destinées à la production d'eau pour la consommation humaine en Bretagne, lesquelles n'ont été prises qu'en juin 2007, après que la Commission a annoncé son intention de saisir de nouveau la Cour de justice des communautés européennes ; que, dans ces avis motivés, la Commission a relevé que " ni la quantité d'azote organique à épandre, ni l'utilisation des engrais chimiques azotés en Bretagne n'ont diminué significativement ces dernières années " , que " (...) les actions mentionnées (...) au titre du plan d'action pour un développement pérenne de l'agriculture et de l'agroalimentaire en Bretagne, et pour la reconquête de la qualité de l'eau, sont marginales ou encore au stade de la déclaration d'intention ", que " (...) des mesures qui pourraient s'apparenter à un plan de gestion consistent seulement en une liste de titres, de mesures vagues, sans calendrier ni budget, telles que le programme " Bretagne Eau Pure " ou " le Programme National de Maîtrise des Pollutions d'Origine Agricole (PMPOA) ", et a souligné " le caractère partiel, cloisonné et insuffisant des mesures prises par la France pour tenter de renverser la tendance quant à l'enrichissement en azote agricole des eaux en Bretagne " ; que par un nouvel avis motivé du 26 octobre 2011, la Commission a enjoint à la France de renforcer les mesures de lutte contre la pollution de l'eau par les nitrates, en précisant que le cadre législatif en vigueur en France et les programmes d'actions mis en oeuvre, qui ne suffisent pas pour lutter efficacement contre cette pollution, ne répondent pas aux exigences de la directive 91/676/CEE du 12 décembre 1991 susvisée concernant la protection des eaux contre la pollution par les nitrates à partir de sources agricoles ; que la Commission a décidé, le 27 février 2012, de saisir la Cour de justice de l'Union européenne d'un recours en manquement à l'encontre de la France en raison du non respect de cette directive"

Du rapport de la Cour des comptes de 2002 à l'adoption d'un plan de lutte contre les algues vertes en 2010, la Cour administrative d'appel de Nantes rappelle également le contexte national :

"7. Considérant qu'il résulte, également, de l'instruction, notamment du rapport adopté par la Cour des comptes, le 7 février 2002, relatif à " La préservation de la ressource en eau face aux pollutions d'origine agricole : le cas de la Bretagne ", que les politiques publiques menées par l'Etat au cours des années 1994-2000 n'ont pas respecté les principes définis par le législateur pour préserver la ressource en eau des pollutions diffuses d'origine agricole, et que l'inapplication par l'Etat de la législation nationale sur les installations classées de même que la régularisation massive, sans fondement légal, des exploitations agricoles existantes et l'insuffisance des contrôles, ont eu pour conséquence la dégradation continue des cours d'eau et des nappes aquifères souterraines par l'activité agricole ; que, dans son rapport du 7 août 2009 adressé au premier ministre, le préfet des Côtes-d'Armor, reprenant sur ce point une étude de l'Institut national de recherche agronomique datant du mois de mars 2009, a précisé que les politiques menées ont " permis au mieux de stabiliser les taux de nitrates présents dans les rivières, sans obtenir de résultats visibles de diminution du phénomène des marées vertes " ; que la mission interministérielle chargée de proposer un plan de lutte contre les algues vertes, a constaté en 2010 que " les progrès mesurables sur les milieux aquatiques marquent le pas ou n'évoluent que très lentement (...) " et a conclu à la nécessité de " repenser les politiques publiques antérieurement mises en place " et de mettre en oeuvre des méthodes d'actions nouvelles, lesquelles se sont traduites par l'adoption, en février 2010, d'un plan de lutte contre les algues vertes en vue d'améliorer la gestion des algues et d'en prévenir la prolifération en réduisant les flux de nitrates arrivant à l'exutoire des bassins versants, pour la période 2010-2015;"

La Cour administrative d'appel de Nantes juge alors que "les carences [fautives] de l'Etat dans la mise en oeuvre de la réglementation européenne et nationale destinée à protéger les eaux de toute pollution d'origine agricole sont établies" :

"8. Considérant qu'il résulte des développements qui précèdent que les carences de l'Etat dans la mise en oeuvre de la réglementation européenne et nationale destinée à protéger les eaux de toute pollution d'origine agricole sont établies ; que ces carences sont constitutives d'une faute de nature à engager sa responsabilité ; que la circonstance invoquée par le ministre que l'Etat aurait mis en place, depuis 2003, des programmes d'action en matière de lutte contre les pollutions existantes, dont les résultats, ainsi qu'il a été dit plus haut, ne sont pas démontrés et dont il n'est pas contesté qu'ils ne seront pas en mesure, en tout état de cause, compte tenu de la nature et de l'ampleur des pollutions existantes liées aux carences sus-décrites, d'améliorer la situation avant de nombreuses années, n'est pas susceptible d'atténuer cette responsabilité;"

On notera la sévérité de l'arrêt qui souligne que  les mesures prises par l'Etat depuis 2003 ne sont pas de nature à "améliorer la situation avant de nombreuses années, n'est pas susceptible d'atténuer cette responsabilité"

Par ailleurs, la Cour a également jugé que la responsabilité environnementale des communes littorales n'exonère en rien l'Etat de la sienne :

"9. Considérant que si l'article L. 1111-2 du code général des collectivités territoriales précise que les communes concourent avec l'Etat à la protection de l'environnement, et si l'article L. 2212-3 du même code prévoit que le pouvoir de police du maire s'exerce, dans les communes riveraines de la mer, sur le rivage de la mer jusqu'à la limite des eaux, ces dispositions ne sauraient, contrairement à ce que soutient le ministre, être interprétées comme ayant pour effet d'exonérer, même partiellement, l'Etat de sa responsabilité à raison des fautes commises par lui, ainsi qu'il vient d'être dit, dans l'application des règlementations européenne et nationale en matière de prévention des pollutions d'origine agricole"

De la même manière, les stipulations de la convention signée pour organiser le ramassage et l'évacuation des algues sont sans incidence pour la responsabilité de l'Etat :

"10. Considérant, enfin, que le ministre ne peut invoquer, pour exonérer l'Etat de sa responsabilité, les stipulations de la convention du 15 avril 2010 portant délégation de maîtrise d'ouvrage à Lannion-Trégor agglomération pour la mise en oeuvre du ramassage et de l'évacuation des algues vertes, celles de la convention du 26 mai 2010 relative au ramassage expérimental et préventif des algues vertes pour l'année 2010, et celles de la convention du 30 novembre 2010 relative au traitement des algues vertes, auxquelles la commune de T. est partie, qui ne prévoient nullement la prise en charge, par cette dernière, d'une partie des frais exposés pour le ramassage des algues vertes"

Conclusion :

"11. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que l'obligation de payer dont se prévaut la commune de Tréduder à l'égard de l'Etat, n'est, dans son principe, pas sérieusement contestable "

La violation continue et répétée du droit de l'environnement est non seulement préjudiciable pour l'environnement et la santé publique mais également pour les finances publiques.

Arnaud Gossement

Avocat associé - Selarl Gossement avocats


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