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[Critique] G.I. JOE – LE RÉVEIL DU COBRA

Par Onrembobine @OnRembobinefr
[Critique] G.I. JOE – LE RÉVEIL DU COBRA

Titre original : G.I. Joe : The Rise of Cobra

Note:

★
★
★
☆
☆

Origine : États-Unis
Réalisateur : Stephen Sommers
Distribution : Channing Tatum, Marlon Wayans, Sienna Miller, Christopher Eccleston, Rachel Nichols, Dennis Quaid, Adewale Akinnuoye-Agbaje, Joseph Gordon-Levitt, Ray Park, Lee Byung-hun, Jonathan Pryce…
Genre : Science-Fiction/Action/Saga
Date de sortie : 5 août 2009

Le Pitch :
Dans un futur proche, deux soldats d’élite postés au Kazakhstan, le capitaine Duke Hauser et son partenaire Ripcord, reçoivent l’ordre de transporter des nano-missiles mis au point par MARS, société contrôlée par l’ingénieur écossais, James McCullen. Quand ils se font attaquer par des mercenaires menés par la Baronne (jadis connue sous le nom d’Ana Lewis, l’ex-fiancée de Duke), ils sont sauvés grâce à l’intervention de G.I. Joe, une unité de forces spéciales top-secrète opérant à l’échelle internationale. À leur tête, le général Hawk, mène une traque contre des mercenaires, qui font partie d’une organisation terroriste appelée Cobra. Alors que Duke et Ripcord s’entraînent pour rejoindre les rangs de G.I. Joe, McCullen travaille en secret avec un représentant de Cobra pour lancer ses ogives chargées de nano-robots destructeurs sur quatre capitales aux quatre coins du monde. Avec l’aide de Heavy Duty, Snake Eyes et de leurs nouveaux camarades, Duke et Ripcord devront prouver leur héroïsme américain et stopper la menace de Cobra avant qu’elle ne devienne mondiale…

La Critique :
G.I. Joe : Le Réveil du Cobra frôle la perfection l’espace d’un moment. Moment qui résume le film et qui s’avère débile et ridicule, mais assez exceptionnel. Au milieu d’une bataille furieuse dans la base souterraine des gentils, Storm Shadow – le ninja méchant – se prépare à donner le coup de grâce à un ennemi sans défense, mais son épée se fait bloquer par celle de Snake Eyes – le ninja gentil. Pris par surprise, Storm Shadow reconnaît immédiatement son adversaire, déclenchant un flashback qui voit deux jeunes garçons s’entrainer aux arts-martiaux japonais. « Frère ! » s’exclame Storm Shadow.

D’un point de vue purement pratique, ce moment ne devrait pas fonctionner : comment peut-on peut surprendre un ennemi pendant un combat dans une salle ouverte de la taille d’un gratte-ciel ? Comment reconnaît-on quelqu’un habillé des pieds à la tête en combinaison de caoutchouc, uniquement par sa capacité à parer une manœuvre d’épée ? Quel est le rapport entre l’entraînement des deux gamins et la raison de leur combat actuel ?

Bien sûr, tout le monde connaît la réponse : parce que ce sont des ninjas. Les ninjas sont toujours invisibles jusqu’au moment où ils n’ont plus besoin de l’être. Les ninjas peuvent identifier les gens à travers le langage du corps. Les ninjas tiennent une rancune d’honneur pour l’éternité. Si un prof de maths ou un cuistot se comportait ainsi dans une baston (ou dans n’importe quelle autre situation), le spectateur ne serait sans doute pas prêt à l’accepter. Mais quand c’est des ninjas? Aucun problème. « On le sait tous », c’est comme ça que ça marche pour les ninjas. Autrement dit, la narration visuelle fonctionne à merveille parce qu’elle joue sur la pré-acceptation collective du public des clichés ninjas, ou plus positivement, des conventions. C’est pourquoi personne ne se pose la question quand deux personnages se rejoignent au milieu de la rue pour un duel impromptu de revolvers à l’ancienne – tant que ça se passe dans un western ou avec des cowboys – et rappeler à quelqu’un qu’il faut tirer dans la tête pour tuer un zombie est largement inutile.

Les conventions existent depuis toujours. Dans de mauvaises mains, elles peuvent devenir des stéréotypes, une excuse pour les flemmards et les négligents pour meubler leur film (voir : Bay, Michael). Dans de bonnes mains, elles servent à communiquer des informations au spectateur sans avoir à freiner le rythme pour une explication (« Houlà ! Il a l’air d’un méchant ! Pigé ! »). Dans les mains d’un maître, c’est une façon de balancer un rebondissement parfai t: « Comment ça, le mec gentil du groupe est mort en premier ?! Ça se passe jamais comme ça ! ». On peut affirmer qu’un genre s’est concrétisé quand il commence à développer des éléments qui lui sont uniques et que personne ne ressent le besoin d’expliquer en détail : en gros, il commence à avoir ses propres conventions. D’où la saturation des films de super-héros aujourd’hui (et la vérité que rien n’est plus casse-rythme qu’un film de super-héros qui s’arrête pour expliquer à la longue le pourquoi et le comment des costumes, des surnoms, etc.).

Bien qu’il n’est pas un film de super-héros, G.I. Joe est complètement dingue. Pour le meilleur et pour le pire. Essentiellement, le film qui a été fait ici est moins une adaptation de la série comics louable de Larry Hammer ou du dessin animé nostalgique, mais plutôt une retranscription narrative des pubs de jouets hyperboliques à partir desquels les deux ont été inspirés. La seule chose qui manque aux scènes d’action est la main gigantesque d’un gamin omnipotent faisant bouger toutes les figurines avec une voix rugissante entonnant avec sagesse : « Piles Non Comprises ! ». Si , à un moment donné, la caméra prenait du recul pour montrer que toute l’action se déroulait dans le bac à sable divin d’un enfant céleste, le film atteindrait un niveau métaphysique de conscience de soi tellement parfait qu’il serait suffisant pour transcender le tissu de la réalité.

Ce n’est pas exactement ce qu’il se passe. G.I. Joe est très loin de ce qu’on pourrait appeler un bon film. Mais on pourrait néanmoins s’interroger sur son côté fun. Et oui, G.I. Joe est vraiment fun : un gros divertissement débile et « nanardesque » qui assume totalement sa nature délirante et sait exactement ce qu’il veut être. Il comprend qu’il y a essentiellement deux publics pour un film appelé G.I. Joe : des gamins de maternelle, et ceux qui ont dépassé le stade de la vingtaine et qui se souviennent de ce que c’était, qu’être un gamin de maternelle. Distinguer les similitudes du film de Stephen Sommers avec les pires tortures de Michael Bay s’avère tentant (tous deux adaptent des licences HASBRO) mais contrairement à Transformers, G.I. Joe n’ignore pas son public pour se plier aux indulgences des fraternités machos et crétines.

Le film est kitsch et maladroit à souhait, la plupart des acteurs donnent des prestations téléphonées, l’esthétique des costumes laisse beaucoup à désirer, et les effets-spéciaux sont souvent assez douteux. D’autant plus que le film est arrivé dans les salles en boitant, une victime de production paniquée, des problèmes de montage et un scénario amputé par la grève des scénaristes. Mais aussi troublé et universellement détesté soit-il, la bonne température de cuisson a été trouvée : G.I Joe sert un plat inventif, imaginatif, et amusant dans le premier sens du mot. Bien entendu, en termes de cinéma, c’est de la malbouffe. Et pourtant, le même plaisir coupable qu’on trouve à manger ces sucreries est reflété ici.

Le sous-titre ultra-kitsch n’est pas un mensonge, d’ailleurs. L’univers de G.I. Joe a déjà été établi quand l’histoire commence, donc le scénario concerne principalement la construction de nouvelles origines pour Cobra, les méchants de la licence. Évidemment, des terroristes domestiques planqués sous une banlieue américaine appelé Springfield dans les comics (si, si) était trop politiquement audacieux, et les hommes-serpent du dessin-animée étaient sans doute trop stupides. Ainsi, dans l’après-11 septembre et le lendemain de la guerre d’Iraq, Cobra subit une retouche qui imagine comment une entreprise multinationale à la Halliburton pourrait se transformer en organisation mercenaire/terroriste avec un fétichisme pour les masques qui brillent et les surnoms serpentins.

Et ce n’est pas le seul endroit où le film essaye d’être intéressant. Thématiquement, G.I. Joe a toujours été une de ces licences des plus fascinantes à analyser : un romantisme exubérant, du nationalisme américain et des forces armées de l’Oncle Sam sous la forme d’une info-publicité narrative conçue primordialement pour encourager la consommation de jouets en plastique par des gamins influençables. Autrement dit, un truc qui a été spécifiquement inventé pour déclencher un anévrisme à Howard Zinn.

Les auteurs du film ont clairement consacré une attention surprenante à la pertinence du concept Reaganien de G.I. Joe face à l’Amérique d’Obama et un public international pour qui, soyons sérieux, l’interventionnisme des USA ne fait plus trop sourire. Oui, la nouvelle version de G.I. Joe n’est plus strictement américaine, mais le résultat n’est finalement pas aussi différent que ça. Et si la licence porte moins d’autocollants patriotiques ou de portes-drapeaux, il serait amusant de signaler que cette réinvention internationale d’une équipe black-ops indétectable mais clairement appuyée par les États-Unis, qui opère avec des fonds apparemment illimités hors de la portée des gouvernements internationaux, ressemble au genre de chose qui ferait péter un câble Dick Cheney.

Mais tout ceci est académique. L’important, c’est que G.I. Joe soit un film avec deux équipes opposées de gentils et de méchants avec des costumes bébêtes et des surnoms délirants, qui se mettent sur la tronche avec toutes les armes, les gadgets, les véhicules, les bases secrètes, et les ninjas que 175 millions de dollars peuvent mettre à l’écran. Le scénario et la chorégraphie de scènes d’action semblent venir d’une expérience insensée, où quelqu’un a donné une boîte de jouets à toute une classe de gamins hyperactifs et a noté toutes les idées qui leur passaient par la tête (des ninjas, des sous-marins, des combats aériens, des bastons entre filles, des courses-poursuites, des torpilles, des combinaisons robotiques…), et ces mots sont écrits comme un compliment. Avec tous les gadgets, les scènes d’action inventives, les super-méchants over-the-top et les endroits exotiques, G.I. Joe a beaucoup moins en commun avec la plupart des blockbusters modernes et réalistes, et se rapproche beaucoup plus des délires fantaisistes et de l’optimisme incalculable de l’âge d’or des James Bond : débile, sans être idiot. Ridicule, sans être une parodie.

Tout ceci revient à une question de tonalité. G.I. Joe n’est pas le film d’action le plus intelligent dans son genre, ni le plus spectaculaire, mais c’est un des plus amusants parce qu’il est honnête : ce n’est pas un Frankenstein d’autres films comme Terminator : Renaissance, ou une commande à deux balles comme X-Men Origins : Wolverine, et il ne partage pas la honte ou la même timidité pour son concept qu’un film comme le reboot de Star Trek, ou dans le pire des cas, Transformers. G.I. Joe est un film inspiré d’une pub de jouets pour enfants qui se résume essentiellement à un gros bordel agressivement ridicule de science-fiction et de figurines militaires, imaginé par l’esprit d’un gamin de huit ans. À ce niveau-là, ne pourrait-on pas parler d’adaptation « fidèle » ?

@ Daniel Rawnsley

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Crédits photos : Paramount Pictures France


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