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La Petite Veste Noire, l'expo 2.0 ?

Publié le 30 novembre 2012 par A&w @GarconsFoulards

Novembre, le mois de la Photo à Paris, le mois également qui a été choisit pour présenter une exposition autour d’un classique de la maison Chanel – la Petite Veste Noire. Revisitée, sublimée, détournée, la collaboration de Karl Lagerfeld à la photographie et de Carine Roitfeld au stylisme met en valeur cet objet culte et fantasmée par des générations de femmes (mais aussi d’hommes) en quête d’élégance et de « Statement Fashion » absolu. L’occasion aussi pour les Garçons aux Foulards de collaborer avec un nouvel invitéSébastien Appiotti. Passionné de photographie, d’écriture et de littérature, il est d’ailleurs le co-fondateur du très bon blog photographique Photophores et nous livre sa vision de cette exposition incontournable et iconique mettant en scène personnalités du monde de la mode, de l’art, du cinéma et de la musique face à l’objectif en noir et blanc acéré du Keyser. Mais nul besoin d’en dévoiler d’avantage, faisons place et découvrons !_______________________

La Petite Veste Noire, l'expo 2.0 ?

© Sébastien Appiotti pour Les Garçons aux Foulards

La petite veste noire, une exposition-vitrineLe lieu choisi, le Grand Palais, où se déroulent les défilés Chanel depuis plusieurs années, est un des éléments offrant sur le papier la légitimité nécessaire pour placer ces photographies de mode au rang d’exposition à part entière. Présentée du 10 au 25 novembre à Paris, le spectateur, après la surprenante déconvenue de se voir réduit à monter un escalier en fer interminable, se retrouve face à « The Little Black Jacket ». Une ambiance tamisée, intime,offrant une relation privilégiée entre le spectateur et les photographies, de grand format. L’espace dédié au Grand Palais est immense, et offre deux perspectives sur des murs de photographies, dans un souci permanent de minimalisme et d’élégance.

La Petite Veste Noire, l'expo 2.0 ?

© Sébastien Appiotti pour Les Garçons aux Foulards

La recherche de légitimité en tant qu’exposition, et non pas simplement en tant qu’élément de marketing et de promotion d’une image de marque, est d’emblée recherchée à travers la présentation de Karl Lagerfeld photographe. On connaît ce dernier pour ses créations Chanel, mais également pour ses casquettes multiples: sa griffe éponyme, ses collaborations, ses apparitions dans des films et publicités. Karl Lagerfeld est iconique, mais est-il pour autant photographe? Ce dernier nous est présenté comme exposant depuis 1989, avec des passages remarqués à Paris, au Musée d’art Moderne en 1991, à la FIAC en 1997 et à la MEP en 2010.Force est de constater que le duo Lagerfeld/Roitfeld a eu avec Chanel les moyens de ses ambitions: l’exposition est itinérante depuis avril 2012, avec un passage dans 10 villes, couvrant ainsi capitales de la mode et hauts lieux culturels du monde entier - Tokyo, New-York, Londres, Moscou, Paris ... Une exposition qui joue sur le duounité thématique - la veste noire - / diversité dans l’exécution de la prise de vue et de la mise en valeur de la pièce portée. Celle-ci comporte un mur droit de 30 photographies sur 3 rangées, soit 90 portraits, et un mur gauche contenant une dizaine de grands formats, rouge, bleu, noir et blanc. Au fond de la salle, une installation consacrée à Yoko Ono, faisant face de l’autre côté à des tirages géants de photographies en négatif.

La Petite Veste Noire, l'expo 2.0 ?

© Sébastien Appiotti pour Les Garçons aux Foulards

Photographies de mode ou mode de la photographie ? L’équipe autour de ce projet a rassemblé plus de 25 personnes; le casting est digne d’un Who’s who mêlant stars internationales, françaises, personnalités dans le monde de la mode: Sofia Coppola, Yoko Ono, Kirsten Dunst, Ayo, Sarah Jessica Parker, Romain Duris, Inès de la Fressange, tous éclipsés par Anna Wintour, dont le magnétisme photographique nous a frappé: elle est la seule à être de dos, coiffure reconnaissable entre mille, placée plein centre parmi 90 photos sur le mur droit.

La Petite Veste Noire, l'expo 2.0 ?

© Sébastien Appiotti pour Les Garçons aux Foulards

Deux éléments changent toutefois la donne par rapport à une exposition « classique » : l’entrée est gratuite, les photographies sont autorisées. Un public plutôt jeune, international, majoritairement féminin. Cette exposition est un lieu de création de désir autour de la marque au double C. Le vêtement basique, intemporel, créé par Coco Chanel en 1954, décliné en une multitude de coupes, textures est la trame de l’exposition, la photographie en est l’intermédiaire: photographies de mode et public photographiant les photographies.

La Petite Veste Noire, l'expo 2.0 ?

© Sébastien Appiotti pour Les Garçons aux Foulards

Le choix du noir et blanc grand format n’est pas anodin: on insiste sur la notion d’héritage Chanel, la petite veste noire comme symbole d’un style et d’une histoire sur le temps long de la mode. La cohérence est totale avec le lieu d’exposition: une sorte de galerie-loft en longueur, très sombre et épurée. Du grand format, avec une attention accrue sur la recherche de l’expression, de la « juste pose » pour mettre le mieux en valeur cette pièce iconique qu’est la petite veste noire.Entendue à de maintes reprises, la question du « Qui » semble être plus importante que celles du « Pourquoi » ou du « Comment »: on vient voir Chanel porté par l’élite mondaine et artistique actuelle, on vient voir Karl Lagerfeld, bien plus que les photographies de Karl Lagerfeld !...Le mur droit, présentant pas moins de 90 photographies divisées en 30 X 3 est particulièrement intrigant: chaque spectateur semble scruter les éléments qui vont constituer sa définition de la veste noire, avec photographies à la clé.

La Petite Veste Noire, l'expo 2.0 ?

© Sébastien Appiotti pour Les Garçons aux Foulards

Un rapide coup d’oeil sur Instagramle prouve: pas moins de 7500 photographies ont été identifiées avec les tags #thelittleblackjacket, #littleblackjacket , #lapetitevestenoire , et combien d’autres nous échappant sur Facebook ou Twitter. La petite veste est un vêtement qui se partage: non pas via des encarts publicitaires Chanel, mais par de la photographie privée, celle du spectateur. Désormais, vous, lecteur, percevez mieux ce qui m’a fasciné dans cette exposition: la mise en abyme, soit le procédé consistant à reproduire une oeuvre dans une oeuvre. Exemple pratique: le spectateur en extase devant la petite veste noire et photographiant de la photo pendant cette exposition.

La Petite Veste Noire, l'expo 2.0 ?

© Sébastien Appiotti pour Les Garçons aux Foulards

J’emporte un petit bout de la veste noire et je repars par l’escalier de service Le Diable pourrait désormais bien s’habiller en Chanel: avant de partir, une boutique éphémère attire votre oeil. Le staff Chanel vous accueille, et vous propose de choisir un poster parmi quatre: une chanteuse, une modèle, une actrice internationale, et Virginie Viard, Chanel Studio Director. Au pays du tout payant, le poster est gratuit: L’employé Chanel présent sur place me souligne la surprise des spectateurs pensant payer pour ramener un bout de la veste noire chez eux.La photographie est gratuite, elle est éditée à des milliers d’exemplaires: non seulement le spectateur photographie, mais il emporte sa veste noire avec une probabilité assez forte de l’afficher étant donné la qualité des photos proposées. La logique Chanel est implacable: faire de la photographie un media de communication autour d’une pièce iconique, la veste noire, autour d’un concept novateur, l’exposition 2.0: celle qui se laisse photographier, celle dont on peut emporter un fragment. Mais c’est aussi l’exposition qui a un ascenseur « out of service », et des conditions d’accès indignes de l’ambition initiale affichée: cela est paradoxalement rassurant, Chanel n’a pas (encore) pensé à tout.S.A.

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© Sébastien Appiotti pour Les Garçons aux Foulards


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