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Pourquoi je comprends Mathilde ?

Par Jeuneanecdotique
04 avril 2013

Pourquoi je comprends Mathilde ?

Malthide, c'est un personnage du livre (et film) "Je l'aimais", écrit par Anna Gavalda. Déjà quand je l'avais lu la première fois, j'avais trouvé ce livre très beau. Et lorsque je suis tombée amoureuse il y a peu d'un nouvel homme, j'ai immédiatement repensé à Mathide. J'étais devenue Mathilde.

Mathilde, c'est une femme amoureuse d'un homme qui a déjà une vie bien établie, avec femme, enfants et crédit sur la maison. Ce n'est pas la vulgaire maîtresse de service : Mathilde est l'amour de la vie de Pierre. Mais Pierre, sa vie bien établie, il y tient. Une femme qu'il n'aime pas, des enfants qu'il n'éduque pas, les vacances en famille à la mer... Ce serait trop bête de laisser tomber tout ça pour la femme qui lui donne enfin l'impression de pouvoir être lui-même, et qui le rend réellement heureux. Vraiment trop bête.

J'ai toujours été à cheval sur la fidélité dans le couple, et pourtant, devant ce film, j'ai oublié toutes mes convictions. C'était juste beau. Mal foutu sans doute, mais mieux que si ça n'avait jamais existé... Ce n'est pas de la baise, ce n'est pas de l'amusement. C'est de l'amour, en fait. Mathilde aime Pierre, Pierre aime Mathilde. C'est simple comme bonjour, non ?

Lorsque j'ai regardé ce film pour la première fois, j'appréciais Mathilde. Je ne la jugeais pas. Mais je ne la comprenais pas non plus. Je me demandais comment on pouvait se jeter là-dedans tête baissée, tout en sachant très bien qu'on morflerait sévèrement. Je trouvais étrange qu'elle soit blessée lorsqu'il racontait sa vie de famille, alors qu'elle était parfaitement au courant dès le début. Je ne comprenais pas. Comme beaucoup de choses en ce monde, on ne comprend que lorsqu'on y est confronté directement.

Lorsque Pierre parle à Mathilde du rat dont s'occupe son fils, Mathilde l'envoie en quelque sorte se faire foutre. Elle ne veut pas qu'il lui raconte sa vie. Je ne saisissais pas vraiment comment elle pouvait être blessée de ce genre de détails. Après tout, il ne parlait pas des positions qu'il avait testé avec sa femme.

Je comprends, à présent. J'ai compris, quand un simple "Oui, nous, on a une télévision LCD et un lecteur blu-ray." m'a assomée. Au même titre qu'un "On est au crédit mutuel", ou "On fait les courses à Auchan". Qu'est-ce qui me fait mal ? "On". Deux pauvres lettres. Tu as beau le savoir, tu as beau aimer cet homme... Tu te rends compte que, d'un certain point de vue, il se voit comme un "nous", dont tu ne fais pas partie. Tu te tapes le front, tu te dis "mais merde, je le savais que le vrai couple ce n'est pas lui et moi", et pourtant tu as quand même la fâcheuse impression de tomber de haut.

Qu'est-ce que je m'imaginais ? Certes, ils ne sont pas amoureux l'un de l'autre. Certes, ils ont le droit de faire ce qu'ils veulent de leur côté. Mais ils vivent quand même ensemble, tous les jours, avec leurs enfants. Ils sont quand même une famille. Il a quand même une vie avec écran plat et monospace, une vie dont je ne fais pas partie, aussi amoureux de moi soit-il.

Je le savais dès le début. J'aurais très bien pu l'envoyer se faire foutre. Mathilde aussi aurait pu. Je ne l'ai pas fait. J'assume, et je supporte. Pourquoi ? Sans doute que c'est l'argument nunuche par excellence, mais parce que je l'aime, quand même. Parce qu'on se complète tellement, parce qu'on s'est tellement bien trouvés, que je me dis, peut-être un peu naïvement... Qu'il est l'amour de ma vie. Même si ça se pète lamentablement la gueule, ça m'aura tellement apporté et faite grandir que je ne le vois pas autrement.

Mathilde aimerait bien qu'un jour, Pierre quitte sa femme pour elle. Et on peut se demander si ce n'est pas un peu cruel, pour cette femme et ses enfants.

Mais finalement, à voir selon le contexte, je ne trouve pas. Entre un homme qui n'est pas vraiment là, qui en aime une autre, mais qui reste par souci de confort et sans doute aussi par trouille de l'inconnu, et un homme qui a eu le courage de changer, qui est heureux et qui sera peut-être ainsi très agréable à vivre, d'un peu plus loin... Qu'est-ce qui est préférable ? Ne peut-on pas quitter une femme sans quitter nos enfants ? Si l'un ne va pas sans l'autre pour lui, j'ai tendance à penser que c'est parce que Pierre s'y serait pris comme un orteil, et aurait totalement loupé sa sortie. Cela peut se passer autrement, on peut assumer, être une famille, tout en étant avec la personne qu'on aime, même si cette personne n'est plus la personne avec qui nous avons vécu toutes ces années.

Comme Anna Gavalda le demande si bien : a-t-on le droit de se tromper ? Je pense que oui. Je pense qu'on peut se tromper, s'installer avec la mauvaise personne, penser que notre vie est toute tracée et nous enfoncer dans un quotidien qui ne nous convient pas pour ce qui nous semble être l'éternité. J'ai failli le faire après tout, avec quelqu'un qui, le recul aidant, ne m'aurait jamais rendue heureuse. Sans doute aurions-nous dû davantage réfléchir aux conséquences sur le long terme avant de nous engouffrer là-dedans, il n'empêche que l'erreur est commise. Mais nous avons le droit à l'erreur. Nous ne sommes qu'humains. Nous avons le droit, un jour, de rencontrer la bonne personne et de réparer notre erreur.

Une phrase qui m'a également beaucoup frappée : "Etais-tu si bien aimée que ça ?". Voilà. A quoi cela sert-il de rester éternellement près de quelqu'un, avec pour seule excuse la peur de laisser l'autre seul, alors qu'on est incapable de l'aimer comme il le mérite ? Une séparation entraîne forcément une période difficile, des changements, et il serait utopique de croire qu'on peut changer sans que rien ne bouge, et ça marche comme ça pour à peu près tout, d'ailleurs. C'est une pilule difficile à avaler pour qu'ensuite tout se passe mieux, comme ces comprimés qui nous restent en travers de la gorge mais qui réussissent, au bout d'un moment, à nous guérir.

Je parle par intérêt. Parce que maintenant, j'en suis.

Mais voilà, je réfléchis. Je me demande si un jour je finirais comme Mathide. Et je ne l'espère pas. Mathilde, toujours sur le côté, Mathilde, toujours abandonnée dans une chambre d'hôtel, Mathilde, obligée d'écouter Pierre lui parler de la nouvelle déco de sa cuisine et des études de sa fille... Mathilde, si bien et mal aimée à la fois. Mathilde, qui a fini par tout pleurer et s'en aller, pour toujours.

Disons les choses honnêtement. Peut-être qu'elle est stupide, cette Mathilde. Peut-être que la vie, en fait, c'est très simple et qu'on peut appuyer sur le bouton "off" de notre coeur lorsqu'on se sent tomber amoureux de quelqu'un qu'il ne faut pas. Peut-être, hein.

Mais je ne pense pas. Je pense que ça ne se contrôle pas. Je pense que si je suis capable de me dire parfois "Il ne quittera jamais sa famille" et de rester quand même, c'est que je suis bien loin d'avoir le pouvoir de tomber amoureuse de qui je veux, voire de ne pas tomber amoureuse du tout. Après tout, c'était mon souhait, il y a trois mois, lorsque ma longue relation s'est terminée. Bien déterminée à ne pas retomber là-dedans, à coucher avec des hommes lorsque le besoin s'en ressentirait, à passer de bons moments si l'occasion se présentait, mais merde, tomber amoureuse, NO WAY. Le hasard a fait que ça ne s'est pas exactement passé comme ça. Il est arrivé comme ça, comme un cheveu sur la soupe, et si j'ai bien lutté quelques jours à me dire qu'aussi parfait soit-il, j'allais continuer à voir des hommes et nier toute possibilité d'amour, j'ai quand même fini par me laisser aller. J'ai pris trois minutes pour me demander ce que je ressentais vraiment, et ce que je voulais, c'était lui. Voilà.

Peut-être que je le fais exprès. Je suis restée trois ans avec un homme qui n'a jamais rien abandonné pour moi. J'avais beau le pousser, autant pour lui que pour moi, à se battre, à aller au bout de ses projets et à enfin quitter le cocon familial au bout de 32 ans de bons et loyaux services, il ne l'a jamais fait. Il disait vouloir habiter avec moi, en avoir envie. Vous-mêmes vous savez comment ça s'est terminé... Encore aujourd'hui, après la rupture, il ne semble pas décidé à en bouger avant que sa mère ne l'y oblige. J'ai atrocement souffert de cette absence d'avenir avec lui, à me demander parfois ce que je foutais là, avec lui, ce que j'avais bien pu faire de mal pour qu'on ne veuille pas faire de projets et les réaliser avec moi. J'en venais à me dire que c'est chez moi que ça clochait. Toutes mes amies en couple depuis moins longtemps habitaient avec leur copain ou avaient un copain qui les suppliaient de s'installer avec. Et moi j'étais plantée là comme un coton à me demander : "Pourquoi pas moi ?". Si ce genre de chose me fait du mal, on peut dire que j'ai bien cherché la merde en devenant "volontairement" une Mathilde. Une fille comme moi, le genre qui manque complètement de fantaisie et qui veut juste se marier et avoir des enfants, n'aurait pas pu choisir plus casse-gueule comme pente amoureuse qu'un homme ayant déjà la vie qu'elle souhaite, mais sans elle.

Sauf que là, je me dis que c'est pas ma faute. Bah non, c'est pas pour me faire du mal qu'il a une famille, c'est juste comme ça hein ! Ca me fait un peu penser au mythe des filles qui tombent amoureuses d'hommes homosexuels et qui se disent que la seule raison pour laquelle ça ne marche pas, c'est qu'il est homosexuel. Oui, sinon ça marcherait comme sur des roulettes, il serait forcément raide dingue de nous, parce que nous n'avons rien à remettre en question chez nous, n'est-ce pas ? Voilà ce que je ressens.  Je me fais du mal avec cette histoire alors qu'au fond, ça me rassure. Ca me rassure de m'être jetée dans la gueule d'un homme qui ne veut/peut pas avoir d'avenir avec moi, mais avec une excellente excuse qui m'empêche cette fois-ci de me dire : "Pourquoi pas moi ?".

Nous avons une bonne excuse pour nous contenter de profiter de notre amour. Malheureusement, je ne suis pas faite de pierre et de béton, et parfois, j'ai mal.

Je m'arrête là. Je m'enfonce, je crois. Il est évident qu'après avoir étalé tout ça ici, je m'attends à quelques critiques. Ce serait de bonne guerre, après tout je me critique moi-même tous les jours, alors pourquoi pas ? J'ai mis pas mal de temps à en parler, parce que je n'assumais pas. Normal. Ce n'est pas que j'assume plus aujourd'hui qu'hier... C'est juste que ce n'est pas une relation facile, du tout, du tout. Et que ça l'est encore moins si on n'en parle pas.


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